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La police nationale d'Haiti, entre l'efficacité et le respect du droit à  la défense. Considération faite de l'émission "Allo la police": 2005-2015

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par Emmanuel TILIAS
Université d'État d'Haiti - Licence 2016
  

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AVANT-PRPOPOS

Tout travail d'apprentissage exige au moins deux moments. Un premier qui est basé sur l'acquisition des notions théoriques. À ce stade, l'étudiant accumule les notions, les assimile pour pouvoir comprendre une réalité ou guider ses pas dans les exercices futurs. Un deuxième qui consiste en la pratique que ce dernier doit faire en rapport avec les notions qu'il a apprises et les réalités vécues dans la pratique.

Ainsi, dans l'objectif de combiner théorie et réalité, nous avons évalué la légalité de la présentation des suspects dans les medias lors de quelques enquêtes judiciaires impliquant la Police Nationale d'Haïti. Nous avons choisi le sujet qui suit : « La Police Nationale d'Haïti, entre l'efficacité et le respect du Droit de la défense. Considération faite de l'émission allô la police : 2005-2015 ». Ce choix a été effectué parce que la question du respect des droits de l'homme est devenue une problématique d'actualité et concerne toutes les sociétés, indépendamment du niveau de leur richesse.

Avec cette pratique, nous avons compris l'inquiétude de la PNH d'adresser le problème de l'insécurité qui sévit dans le pays. Elle a fait des publications qui se révèlent être en violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense. Il y a lieu de considérer plus spécifiquement certains articles de la Convention Américaine des Droits de l'Homme (CADH), de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée et du Code de l'Instruction Criminelle (C.I.C).

L'analyse de textes relatifs au respect des droits humains, des interviews avec des cadres du pouvoir judiciaire nous ont permis de mieux élucider la question. Cependant, toute la dimension du sujet n'a pas été cernée dans le cadre de ce travail. De nombreuses difficultés rencontrées au cours de la recherche sur le terrain nous ont empêchées de recueillir toutes les informations nécessaires, notamment, en ce qui a trait à la date du début de l'émission et du nombre de personne ayant déjà fait l'objet d'une telle publication. Mais, nous avions compris que la question de violation de droits humains ne peut pas faire l'objet d'une approche quantitative, mais plutôt, du respect scrupuleux de la procédure. Voilà ce qui est traité en deux parties, quatre chapitres et huit sections et seize sous-sections que comporte ce travail.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La mission première de l'État est de garantir l'ensemble des droits de ses citoyens. Ramenée à la dimension nationale, celle-ci se traduit par l'article 24 de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée, disposant que : « La liberté individuelle est garantie et protégée par l'État ». Plus loin, ce même document de référence avance dans son article 24-1 que : « Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle prescrit ». Cette structure [État], résultante d'intérêts divergents, trouve son essence et sa naissance de la volonté des individus de se prémunir de la liberté individuelle que chacun peut revendiquer comme composante de ses droits naturels. On peut alors comprendre que, de l'état de nature à l'état de société, ce processus a été réalisé en vertu de l'urgente nécessité qu'ont ressentie les hommes primitifs de contrôler l'exercice de ces droits naturels détenus par chacun. Des droits qui sont aussi dits fondamentaux [1], en sens qu'ils constituent des prérogatives que l'individu avait avant même d'entrer en société. Ils sont constitués du droit : à la vie, à la liberté et à la propriété, (Locke, 1690). Insérés dans les législations modernes, on les retrouve dans les constitutions des États, notamment celle d'Haïti de 1987 en son article 19[2].

1-Les droits fondamentaux ou libertés fondamentales sont l'ensemble des droits subjectifs primordiaux de l'individu, assurés dans un État et une Démocratie. C'est une notion abstraite dont il n'existe pas de définition faisant l'unanimité. Site consulté le 5 mai 2015, 10 h 03.

2 -Article 19 de la constitution de 1987 amendée : L'État a l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la déclaration universelle des droits de l'homme.

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La réalisation de la mission de l'État passe par l'Administration publique qui, au terme de l'Article 234 de la constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée, est désignée comme étant l'instrument par lequel l'État concrétise ses missions et ses objectifs. Pour y parvenir, elle doit être gérée avec efficacité. Cependant, cet objectif d'efficacité ne doit pas compromettre l'essence de la mission de l'État. C'est pourquoi, il est indispensable que les actions de l'administration publique soient fondées sur des principes philosophiques en étroit lien avec l'histoire et la coutume des peuples.

C'est d'ailleurs dans ce sens que le philosophe Montesquieu, dans son fameux ouvrage « De l'Esprit des Lois», eut à faire tout un plaidoyer contre l'application de plano des lois importées. Dans ses écrits, le philosophe plaide pour une adaptation des principes dits universels à des contextes sociaux et géographiques bien spécifiques. En dehors de ces considérations, on risque de faire face à l'inapplicabilité des principes qui vraisemblablement, paraissent les mieux appropriés pour harmoniser une société.

Contrairement à cette impérieuse mission, qui est celle de la protection de droits, on trouve des États qui s'enlisent dans des actes de violation des droits de leurs propres citoyens. Pour se justifier, certains prétextent la garantie de la sécurité du plus grand nombre, argument utilitariste, quand d'autres clament la sauvegarde des coutumes et des croyances religieuses, se référant ainsi au nationalisme.

Dans le cas qui nous concerne, depuis quelques années, on constate une pratique qui se dessine au sein de l'administration publique haïtienne, notamment, chez la Police Nationale d'Haïti (PNH) qui aurait l'air d'une violation des principes fondamentaux du Droit Pénal. Cette institution hiérarchisée, créée par la constitution de 1987 en son article 271[3], relève du Ministère de la Justice (Règlements généraux de la police nationale, article 2). Armée et apolitique, elle a pour devise : Servir et Protéger. Sa mission consiste à garantir l'ordre et la paix publics, la sécurité des vies et des biens à l'intérieur du pays (article 3, du Règlement précité). Paradoxalement aux prérogatives ci-dessus mentionnées, la PNH semble vouloir empiéter sur la mission de la justice, seule capable de dire le mot du droit. Elle publie dans son émission « Allo La Police » l'image et l'identité des suspects. Cette action de la PNH, comme nous allons le

3 -Gérard DALVIUS, Justice et Police, un défi en Haïti, Port-au-Prince, Éditions Choucoune, 1996, p.117.

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prouver plus tard, tend à violer certains principes du droit pénal en général et des règles de la procédure pénale haïtienne en particulier.

Néanmoins, il est dit à l'article 27 de la constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée que :

Toutes violations des dispositions relatives à la liberté individuelle sont des actes arbitraires. Les personnes lésées peuvent, sans autorisation préalable, se référer aux tribunaux compétents pour poursuivre les auteurs et les exécuteurs de ces actes arbitraires, quelles que soient leurs qualités et à quelque corps qu'ils appartiennent.

A la lumière de cet article, il est compris que toute violation de droits par un sujet de droit, qu'elle soit physique ou morale, privée ou publique, engage, sur le plan juridique, sa responsabilité. Ainsi, le refus d'accorder, avant n'importe quelle action qui aurait l'aspect d'une peine, le droit à un procès digne et équitable à une personne interpellée dans le cadre d'une enquête judiciaire, fut-ce-t-elle délinquante récidivée, ne constitue-t-elle pas une violation flagrante aux droits garantis par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), en son article 10[4], dûment ratifiée par Haïti ? La réponse à cette question n'a pas seulement interpellé l'attention des étudiants en Droit, mais, d'autres secteurs se sont eux aussi élevés la voix contre l'émission allo la police.

A ce propos, nous allons considérer les critiques de deux organisations dans le secteur de défense des droits humains : le Réseau National de Défense des Droits Humains RNDDH et la Plateforme des Organisations Haïtiennes de défense de Droits Humains POHDH. Également, une institution étatique, l'Office de Protection du Citoyen (OPC) dont le rôle essentiel est de veiller au respect de ces droits. En effet, en réaction à l'émission, les propos de l'OPC ont été rapportés, dans un article paru dans le journal électronique « Haïti Libre5 », comme suit :

En tant que courroie de transmission des préoccupations de la Société Civile, notamment des organisations de défense des droits humains, l'OPC exprime sa profonde désapprobation sur l'émission intitulée « Alô Lapolis » [sic] instaurée depuis plus d'une décennie, par la Police Nationale d'Haïti (PNH), au cours de laquelle sont diffusées les images de personnes arrêtées, qui dans certains cas, sont contraints de faire des aveux.

4-Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, l'article 10 stipule : Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

5 -L'OPC désapprouve l'émission de la PNH « alô lapolis », www.haitilibre.com, 05/05/2014, 12 :32 :44

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Cette prise de position de la protectrice du citoyen, témoigne à clair l'inquiétude des autres acteurs de la vie nationale sur la problématique du respect des droits de l'homme en Haïti. Toutefois, l'OPC n'est pas la seule organisation à nous avoir soumis ses préoccupations concernant l'agissement de la Police Nationale.

Pour sa part, la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains (POHDH) a été plus radicale en ce qui a trait à la tenue de cette émission qu'elle qualifie d'ailleurs d'accroc à la dignité humaine. Dans une note publiée sur le journal électronique, Haïti Libre6, la POHDH se demande :

A quand, donc la cessation de cette émission `'allo la Police» qui porte atteinte à la dignité humaine et aux droits fondamentaux de la personne humaine et dont l'effet n'est pas du tout déterminant dans le cadre de la lutte contre l'insécurité contrairement à ce que des autorités policières veulent faire croire, croit le secrétaire général de POHDH.

L'organisation estime que ce programme est une "pure démagogie" pour cacher l'incapacité réelle de la police de combattre l'insécurité qui ne cesse de prendre des proportions très alarmantes à la veille des fêtes de fin d'année, commente le journal Haïti Libre.

Dans un article paru dans les colonnes du réseau de publication électronique Alter Presse le 24 octobre 2012 intitulé : « Clifford Brandt sous les verrous pour kidnapping présumé, rien à voir avec le secteur des affaires en Haïti», le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a lui aussi fixé sa position par rapport à l'émission.

Tout en exprimant son désaccord avec la pratique de la police de diffuser les images de personnes n'ayant pas été condamnées par décision de justice à son programme télévisé « Allo La Police », le RNDDH a quand même souligné que ce traitement médiatique ne peut être uniquement réservé aux gens « moins aisés.

La position plus ou moins modérée du RNDDH ne constitue pas pour autant un acquiescement à l'émission. L'effectivité d'une telle pratique de l'administration publique haïtienne, via la Police Nationale, violerait le principe de la présomption d'innocence et le droit à la défense, prérogatives reconnues au suspect. Cela crée par conséquent une brèche pour la justice haïtienne. Toutes ces considérations d'ordre philosophique et juridique nous amènent à

6-A l'occasion du 63ème anniversaire de l'adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, une organisation de défense des droits humains demande la fin du programme présenté par la PNH qui diffuse des images de personnes arrêtées sans qu'elles soient reconnues coupables par la justice, POHDH estime aussi que la situation est inquiétante en matière des droits humains en Haïti., in www.Haitilibre.com, site consulté le 13 février 2016, 06 heures AM.

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creuser plus profondément la question pour essayer de comprendre les différentes causes constituant le fondement de l'action, ainsi que les conséquences que cette démarche de la PNH peut engendrer sur le système judiciaire haïtien en général, sinon le suspect en particulier.

PROBLÉMATIQUE

Dans un livre intitulé « Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données », une équipe d'auteures et d'auteurs dirigée par Benoit Gauthier (1986) avancent que la problématique de recherche constitue :

L'ensemble des éléments formant le problème, à la structure d'informations dont la mise en relation engendre chez un chercheur un écart se traduisant par un effet de surprise ou de questionnement assez stimulant pour le motiver à faire une recherche. On peut donc retrouver dans la problématique de recherche ce qui a poussé le chercheur à poser la question générale, en plus de la prise en considération des faits, des observations, des connaissances théoriques, des résultats d'autres recherches et d'autres questions se rapportant à la question générale7.

Le fait qui est étudié ici, on se le rappelle, concerne la publication jugée hâtive de l'image et de l'identité des personnes suspectées dans le cadre d'une enquête judiciaire. Cette publication, telle qu'elle est faite par la PNH, violerait le principe de la présomption d'innocence et le droit du suspect de se défendre. A partir de cette définition de la problématique, et ayant constaté cet écart entre la procédure tracée dans les articles 10[8], 11[9] et 12[10] du Code d'Instruction Criminelle (C.I.C.) et cette pratique de la police, nous allons essayer de comprendre le fait, cerner les causes de son existence afin d'explorer les différentes conséquences qui peuvent découler du non respect de certaines règles de procédures.

Pour élucider notre approche, nous avons choisi, parmi tant d'autres, cette vidéo de 10 minutes et 25 secondes, titrée «ALLO LA POLICE ATTENTION FAUX KIDNAPPINGS - PNH ARRESTATION KIDNAPEURS11, affaire de Stanley LAFLEUR» qui constitue l'oeuvre de la PNH. Celle-ci présente l'identité et l'image des personnes suspectées dans le cas d'une infraction qui est qualifiée dans la vidéo de kidnapping. La PNH, par cette action, fait une fuite, violant non seulement le principe de la présomption d'innocence et le droit à la défense, mais également,

7 - Benoit GAUTHIER, Recherche sociale : de la problématique à la collecte des données, Québec, QC : Presses de

l'Université du Québec, 1986, p.23.

8-Article 10 Code d'Instruction Criminel annoté par Menan Pierre Louis.

9-Article 11 Décret-loi du 19 mai 1937, Idem.,

10-Article 12, Idem.,

11 - https://www.youtube.com/watchtv=VIPCcykTS44, site consulté 7 novembre 2015, 16 h 21.

b. Que peuvent faire les victimes qui souhaiteraient obtenir réparation de cet acte qui viole leurs droits ?

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laquelle fuite est susceptible de brouiller les pistes du juge d'Instruction dans son travail de recherche d'information.

Nous voulons, de la manière ci-après de poser le problème, expliquer d'une part, les causes de cet écart, d'autre part, les conséquences qui en découlent. Cependant, au cours de notre approche, nous allons mettre plus d'accent sur les différentes conséquences qu'il emporte que les causes qui le provoquent. Fort de ce choix méthodologique, il nous est devenu nécessaire de poser la question de la manière suivante.

Questions de recherche

L'émission télévisée « allô la police » en affichant publiquement l'image des personnes interpellées dans le cadre d'une enquête judiciaire ne constitue-t-elle pas un élément d'affaiblissement du système judiciaire haïtien, en portant atteinte spécifiquement au principe de la présomption d'innocence et au droit à la défense ?

I. En quoi cette démarche de la Police Nationale d'Haïti constitue-t-elle une

violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense ?

a. Qu'est-ce qui peut être à la base de cette faille dans la procédure constatée dans les pratiques de la PNH dans l'émission «Allô La Police » ?

b. Quels sont les différents impacts que cette pratique peut-elle avoir sur le système judiciaire haïtien ?

II. Quelles sont les actions nécessaires, d'une part, pour les autorités judiciaires et

policières de pallier cette faille dans la procédure, d'autre part, pour les personnes victimes d'obtenir réparation de cette erreur de procédure ?

a. Comment les autorités policières peuvent-elles s'y prendre pour utiliser ces méthodes d'intimidations sans avoir à heurter des principes fondamentaux du Droit pénal et violer le droit de l'accusé de se défendre ?

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Objectifs

A travers cette démarche, nous voulons montrer la nécessité de concilier les exigences de la procédure pénale et les pratiques d'opération de la police nationale d'Haïti. Mettre en exergue la difficile harmonisation du système Common Law, appliqué par les pays Nord-américains, priorisant la procédure accusatoire, et la législation pénale haïtienne basée sur le système romano-germanique, priorisant une procédure mixte de conduite des affaires criminelles, également, contribuer à pallier cette négligence dans le système pénal haïtien, en mettant en évidence la nécessité d'une correction formelle par le Code Pénal en cours de préparation. Il s'agira aussi de faire savoir aux victimes qu'elles peuvent exiger réparation de l'État en cas de violation de leur droit à un procès équitable. Vers l'atteinte de ces objectifs, nous allons avancer des réponses de manière anticipée qui vont être vérifiées tout au long de notre travail.

Hypothèses de travail

La publication dans l'émission télévisée « allô la police » de l'image et de l'identité d'un suspect arrêté dans le cadre d'une enquête judiciaire constitue une violation du principe de la présomption d'innocence et du droit à la défense.

I. La démarche de la PNH fait passer le suspect pour coupable sans que celui-ci n'ait été préalablement présenté devant son juge naturel comme le veut la loi, et également, ce dernier est obligé de répondre à des questions en absence de son avocat et à témoigner contre lui-même.

a. Le souci d'exposer et de justifier aux yeux de la population ses efforts quant à l'éradication de l'insécurité, la faiblesse technique et d'effectif et l'influence des procédures du système « Common Law » sur le système pénal haïtien, héritage du système romano-germanique, sont des causes qui sont à la base de cette action.

b. L'émission affaiblie le système judiciaire haïtien en sens qu'elle pousse les acteurs à outrepasser certains principes fondamentaux, exposant ainsi le pays à des sanctions internationales qui pourraient émaner des plaintes éventuelles des victimes. Quant au suspect, elle lui cause un préjudice infamant (dû à cette forme de lynchage médiatique) réduisant ainsi les chances que celui-ci soit disculpé des accusations portées contre lui.

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II. Les actions nécessaires pour pallier cette faille dans la procédure sont d'ordres administratif

et juridictionnel :

a. Prendre des dispositions pour protéger l'image du suspect après son arrestation, contrôler toutes communications susceptibles d'affecter la procédure et l'identité de ce dernier et sécuriser l'aire du crime ou de la perquisition.

b. Intenter une action pendant ou après contre la PNH pour procédure abusive en vertu de l'article 1168 du Code Civil Haïtien, également, exercer un recours devant l'OPC contre l'Etat pour abus de l'Administration Publique12et, à défaut de satisfaction, saisir les instances internationales.

Intérêt de la recherche

Nous avons un double intérêt à aborder ce problème. En tout premier lieu, parce que cela rentre dans le cadre d'une exigence académique. Car, tout travail d'apprentissage exige au moins deux moments. Un premier qui est basé sur l'acquisition des notions théoriques. À ce stade, l'étudiant accumule les notions, les assimile pour pouvoir comprendre une réalité ou guider ses pas dans les exercices futurs. Un deuxième qui consiste en l'application que ce dernier doit faire des notions qu'il a apprises. Ce deuxième moment est nécessaire, du fait qu'il existe parfois tout un monde de différence entre ce qui est appris en classe et l'application de ces théories sur le terrain. Néanmoins, toute théorie est assortie d'une observation ou d'un constat qui peut, dans une certaine mesure, se révéler expression de la réalité d'un milieu quelconque et donc, emprunte d'une certaine singularité. Donc, tenter de la généraliser risque souvent de provoquer des écarts qui sont dus parfois : à l'environnement, à l'histoire, à la culture et aux vécus de la population en question. Il en est de même pour les notions et théories enseignées. Certaines d'entre elles découlent des études et des observations sur des populations bien particulières, qui ne sont pas forcément applicables à d'autres réalités, ou du moins, exigent certaines modifications avant leur application.

En second lieu, la question de respect de droits humains est devenue une problématique si importante et actuelle que certains se trompent à croire qu'elle serait l'apanage des grandes sociétés. Donc, il devient évident que l'université, dont le rôle est d'orienter les décisions prises

12- Article 3, 4 et 5 de la loi portant Organisation et Fonctionnement de l'Office de la Protection du Citoyen.

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au sein d'une société, puisse accompagner les mutations sociales et les tendances politiques actuelles.

Méthodologie du travail

Hérold TOUSSAINT nous définit la méthodologie comme l'art de la recherche de la vérité ou l'art enseignant l'emploi des procédés adaptés à un travail déterminé. Elle est une étude des méthodes scientifiques et techniques, des procédés utilisés dans une discipline déterminée.13 En effet, le travail scientifique nécessite la prise en compte des méthodes, techniques de recherche et de collecte des données le guidant en une bonne fin. La méthode étant une marche rationnelle de l'esprit vers la vérité.

Pour André Lalande, méthode est « le programme réglant d'avance une suite d'opérations à accomplir et signalant certaines erreurs à éviter, en vue d'atteindre un résultat déterminé14 ». Ainsi pour la réalisation de ce travail, nous avons utilisé la méthode juridique qui consiste à interpréter l'économie générale de la loi, la position jurisprudentielle et doctrinale dans la compréhension des textes de loi. Il y a aussi la méthode exégétique consistant au recours du texte en vue d'établir son sens à travers son esprit et sa lettre ; c'est-à-dire de dégager les textes en tenant compte de l'intention du législateur, chercher sa volonté. Nous avions également utilisé la méthode sociologique qui consiste à établir le texte grâce au contexte sociologique dans lequel il est né et les réalités sociales de son application, suivie de la méthode historique qui consiste à voir l'évolution de la pratique dans le temps et dans l'espace.

Les techniques d'observation qui consistent à regarder un événement avec attention afin d'en tirer une certaine connaissance. Elles permettent d'analyser et de constater les différents impacts de l'émission sur le système pénal haïtien. La technique d'interview, étant une technique d'investigation en situation d'interaction essentiellement verbale, mettant en contact deux personnes poursuivant un objectif préalablement fixé ; nous a permis d'entrer en contact avec certains cadres de la justice, notamment : juges, commissaires et avocats sur des questions en la matière. On a aussi utilisé la technique documentaire consistant en la lecture des ouvrages, codes et lois constituant la législation pénale haïtienne.

13-Hérold TOUSSAINT, Le métier de l'étudiant, guide méthodologique du travail intellectuel, Port-au-Prince, Éditions Presses Nationales d'Haïti, 2011, p.62.

14 - André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 2002, p.624.

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Ainsi, la recherche documentaire constitue le coeur de la méthodologie de ce travail, dans la mesure où nous allons devoir puiser dans les documents de rapport des Organisations de Défenses des Droits Humains pour asseoir nos thèses. Les données recueillies au cours de ces recherches vont être analysées et comparées afin de comprendre la philosophie qui se cache derrière la pratique et aussi d'évaluer le bien fondé des arguments qui ont été avancés pour justifier cette intervention.

Limites du travail

D'emblée, nous voulons préciser que nous nous limiterons aux seules exigences relatives au respect du principe de la présomption d'innocence, du droit à la défense et la nécessité d'harmoniser les interventions au sein de l'État. Ce faisant, nous nous passerons d'une problématique générale sur laquelle ont planché beaucoup de critiques du système pénal haïtien, à savoir : la lutte contre la lenteur en matière de justice pénale, en d'autres termes, la détention préventive prolongée15. L'importance de cette délimitation thématique nous permettra de traiter de manière directe et plus ou moins profonde les différentes causes et conséquences de l'émission allo la police. Cette problématique est évidente. Car il s'agira pour nous, d'une part, de veiller à ce que les personnes présumées innocentes ne fassent plus l'objet d'éléments de dissuasion avant d'être jugées. D'autre part, pour la victime ou ses ayant-cause, d'être réparé dans les délais, du préjudice subi. Dans de pareils cas, la société dont la cohésion a été mise à mal, sa tranquillité troublée, sa sécurité éprouvée verra l'auteur de ces méfaits identifié, jugé et condamné dans le strict respect des règles procédurales. C'est à ce prix que la paix sociale pourra être rétablie, pour paraphraser le Dr. Louis NKOPIPIE DEUMENI16.

Division du travail

Ce travail est divisé en deux parties. Dans la première, nous allons comparer les agissements de l'État par rapport aux grands débats de philosophie politique relatifs au respect

15 - A cet effet, l'Office de Protection du Citoyen (OPC) dans un rapport publié sur la situation des droits humains en Haïti 2009-2012 a fait remarquer : La détention arbitraire et illégale se veut donc bien souvent la règle et non l'exception dans les lieux de détention. Les chiffres recueillis sont à ce sujet, éloquents : près de 80 pour cent des détenus sont dans l'attente d'une décision judiciaire qui pourra prendre des mois, voire même des années avant d'être prononcée. Sur les 8,625 personnes emprisonnées en Haïti au mois de novembre 2012, 6,093 étaient en détention préventive, le taux de détention préventive allant jusqu'à 85,4 pour cent dans la région de Port-au-Prince (soit les prisons de Port-au-Prince, Pétion-Ville, Carrefour, Arcahaie, Croix des Bouquets et CERMICOL).

16-Dr. Louis NKOPIPIE DEUMENI, Le fonctionnement de la justice pénale et les exigences du droit des droits de l`homme : l'exigence de célérité, Projet/Justice/PNUD, Hôtel El Rancho, Mai 2001, p.1.

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des droits humains. Celle-ci est divisée en deux chapitres. Le premier chapitre apporte une précision conceptuelle et traite des théories philosophiques relatives aux interventions de l'État, également, de l'engagement de l'État haïtien par rapport au respect des droits humains. Le deuxième chapitre fait une présentation de l'émission allo la police avec quelques-unes de ses causes.

La deuxième partie du travail va se porter sur les conséquences qu'engendre l'émission et les divers moyens auxquels peuvent recourir les individus victimes de cette publication hâtive de l'image et de l'identité des personnes interpellées dans le cadre d'une enquête judiciaire. Les conséquences sont analysées dans le troisième chapitre. Nous traitons des provisions légales qui existent pour pallier cette violation dans le quatrième chapitre. Celles-ci résident dans les conventions internationales que le pays a signées, d'autres textes constituant les lois insérées dans les codes civil et pénal, le code de procédure civile et celui de l'instruction criminelle, aussi bien que des dispositifs de la Constitution de la République d'Haïti de 1987 amendée.

Le problème qui est posé ici a été, pendant un certain temps, ralenti par les diverses dénonciations des organismes de défenses des droits humains. Mais étant donné sa résurgence, nous estimons qu'il est urgent de poser la question dans une dimension plus étendue, d'expliquer en partie l'écart, afin que les victimes aussi bien que la société soient conscientes des causes et des conséquences qui peuvent en découler.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon