III. Les rapports parents-enfants sous l'empire du code
de la famille congolais du 1er août 1987 : période de
l'autorité parentale
Le code de la famille consacre en lieu et place de «
l'autorité paternelle », l'expression « autorité
parentale » sans en donner la définition.
Dans la doctrine, il a été enseigné que
l'autorité parentale est « l'ensemble des droits que la loi
reconnait aux père et mère sur la personne et les biens de leurs
enfants mineurs non émancipés en vue de leur permettre
d'accomplir leurs devoirs d'éducation et d'entretien. L'autorité
parentale comporte donc les moyens tendant à permettre aux parents de
remplir leurs devoirs »18.
16 Léo. 31 mars 1936, R.J.C.B., p.
173.
17 Voy. Article 244.
18 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit., p. 72.
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L'autorité parentale a été
également définie comme étant « l'ensemble de
droits et d'obligations octroyés par la loi aux père et
mère de l'enfant mineur non émancipé pour pourvoir aux
intérêts de ce dernier »19.
Il apparaît très nettement que par le fait qu'il
institue l'autorité parentale ainsi définie, le code de la
famille marque un bouleversement significatif en droit congolais des rapports
parents-enfants.
En effet, le législateur du 1er août
1987 a innové en rompant avec l'ordre ancien hérité, d'une
part, du code civil qui consacrait l'autorité monopolistique du
père sur les enfants à l'exclusion de la mère, et d'autre
part, de nos traditions congolaises qui accordaient l'autorité au chef
de la grande famille sur l'ensemble de membres de celle-ci quelque fut leur
âge.
Néanmoins, il a conservé la primauté du
père dans cet exercice conjoint de l'autorité, sans
écraser la mère qui, lorsqu'elle n'est pas d'accord avec le
père, a la possibilité de faire annuler sa décision par le
tribunal de paix20.
On peut affirmer que dans une très large mesure, l'axe
principal de la réforme de 1987 sur les rapports parents-enfants tient
à la personne des titulaires de l'autorité parentale et aux
modalités pratiques de son exercice.
L'on est passé de l'autorité exclusive du
père à une autorité d'un type nouveau consacrant en
principe relatif l'égalité entre époux21 dans
leurs relations avec les enfants issus de leur union conjugale et insinuant une
certaine idée de « coparentalité ».
C'est que si en droit ancien porté par le code civil,
livre 1er, le père exerçait seul l'autorité
dite à juste titre paternelle et que la mère n'y intervenait
qu'à défaut du père, c'est-à-dire lorsque le
père était absent, interdit ou
éloigné22, sous l'empire du code de la famille,
l'exercice de l'autorité parentale se fait dorénavant
conjointement par les deux parents23.
19 NDOMBA KABEYA, E. L., Droit (Civil) de la
Famille, 1ère partie : La personne, Manuel
pédagogique à l'intention des étudiants de premier
graduat, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2011-2012, p.
129.
20 Idem, p. 128.
21 Sur l'égalité des époux,
voy. MWANZO, E ., L'égalité des époux en droit
congolais de la famille, Thèse, UCL, 2008-2009.
22 Voy. article 240 du CCC, L. 1er.
23 Voy. article 317 du code de la famille.
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De la sorte, le code de la famille a pris une distance par
rapport également aux droits traditionnels congolais, en ce que les
autres parents et grands-parents sont légalement exclus de l'exercice
des droits et de la charge des obligations dont l'ensemble forme l'institution
autorité parentale.
La mère a été valorisée par la
réforme de 1987 au point qu'il a été
implicitement24 décidé que lorsque la filiation
paternelle du mineur n'est pas établie, l'exercice de l'autorité
parentale est dévolu en entier à sa mère.
Un autre point de démarcation du code de la famille par
rapport au droit civil colonial réside dans le fait d'adjoindre à
la mère, un membre de la famille du père
décédé, absent, disparu, éloigné ou
déchu, aux fins de l'exercice conjoint de l'autorité parentale.
Ce tiers au cercle parental direct est désigné par le tribunal de
paix sur proposition du conseil de famille conformément à
l'article 198 du code de la famille25.
Toutefois, en cas de décès de l'un des auteurs
exerçant l'autorité parentale, le tribunal de paix pourra,
à tout moment, à la requête soit du représentant du
conseil de famille de l'auteur prédécédé, soit de
l'auteur survivant, désigner un tuteur adjoint chargé d'assister
l'auteur survivant dans l'éducation, l'entretien et la gestion des biens
du mineur26.
Il demeure que dans l'exercice conjoint de l'autorité
parentale par les père et mère, le code de la famille consacre le
primat de la volonté du père en cas de conflit avec celle de la
mère27. L'égalité parentale proprement dite
n'existe donc pas encore en droit positif.
Par ailleurs, une image rénovée des rapports
parents-enfants, qui met un accent particulier moins sur les droits des parents
que sur leurs devoirs, va émerger avec l'évolution
législative de 1987 : l'autorité parentale n'est pas en soi un
privilège mais plutôt une responsabilisation, une charge familiale
confiée aux parents sous la menace des sanctions sui
generis.
C'est ce qui a fait dire au Professeur BOMPAKA NKEYI que c'est
un droit-fonction attribué aux parents.28
24 Nous disons implicitement pour la simple raison
que l'article 322 in fine du code de la famille qui y est visé
est libellé de manière non distinctive comme suit : «
Lorsque la filiation du mineur n'est établie qu'à l'égard
d'un de ses parents, l'exercice de l'autorité parentale est
dévolu en entier à celui-ci ».
25 Voy. article 322, al. 1, du code de la famille.
26 Voy. article 323 du même code.
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D'où la place de choix qu'occupent dans le chapitre du
code de la famille consacré à l'autorité parentale, les
aménagements relatifs aux notions telles que la perte de l'exercice de
l'autorité parentale ou la privation provisoire de cet
exercice29, la déchéance de l'autorité
parentale30, etc.
D'ailleurs, le droit des rapports parents-enfants issu du code
de la famille consacre la primauté des devoirs des parents
vis-à-vis de leurs enfants mineurs sur leurs droits à
l'égard de ceux-ci. C'est ce qui ressort des prescrits bien compris de
l'article 326 qui dispose : « (...) Ils (les père et
mère) ne peuvent faire usage des droits de l'autorité parentale
que dans l'intérêt de l'enfant. »
Au titre du code de la famille, les devoirs des parents envers
leurs enfants sont entre autres le devoir d'entretien et celui
d'éducation.
En revanche, les droits des parents ont été
envisagés dans ce code en faisant une nette distinction entre les droits
des parents sur la personne de l'enfant (droit de garde et droit de correction)
et leurs droits relatifs aux biens de l'enfant (droit d'administration
légale et droit de jouissance légale)31.
Pareille systématisation des droits et devoirs
constitutifs de l'autorité parentale est une évolution en droits
positif et colonial congolais comparés.
Il est toutefois important de constater qu'en matière
des rapports parents-enfants, le code de la famille n'est pas à l'heure
actuelle le seul texte de référence en droit positif
congolais.
Postérieurement à son entrée en vigueur,
bien d'autres instruments juridiques ayant marqué une certaine
évolution , mieux, une évolution certaine en cette
matière, ont vu le jour. Nous nous y attarderons à
présent.
28 Voy. BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit. , p.
75.
29 Voy. article 318.
30 Voy. article 319.
31 Telle est la lecture que la doctrine congolaise
se fait de l'article 326. Lire BOMPAKA NKEYI MAKANYI, op. cit ., pp.
75-80.
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