A- Une interprétation stricte des garanties
légales de la vente
Nous verrons les garanties légales de la vente et plus
précisément la garantie d'éviction du fait personnel (1)
et la garantie des vices cachés (2) qui sont strictement
appréciées par la jurisprudence.
1- La garantie d'éviction du fait
personnel
Le cédant est tenu d'une obligation de garantie de
l'éviction du fait personnel en garantissant au cessionnaire la
possession paisible des actions. Cette obligation légale est
prévue à l'article 1626 du C.civ qui dispose que «
Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur
la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir
l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité
ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et
non déclarées lors de la vente ». En matière de
cession de droits sociaux, cela
93 Il s'agit de l'erreur, du dol et de la violence.
41
signifie que le cédant doit garantir le cessionnaire
qu'il s'abstiendra de tous actes qui pourraient le troubler dans l'exercice et
la jouissance de ses parts ou des actions qu'il a acquises. Cette garantie
d'éviction est d'ordre public, elle s'applique même en l'absence
de stipulation dans l'acte de cession et aucune convention ne peut y
déroger94.
Cette garantie d'éviction du fait personnel est
strictement appréciée par la Cour de cassation qui exige
certaines conditions. Dans l'affaire Ducros95, la haute
juridiction juge que « la garantie légale d'éviction du
fait personnel du vendeur n'entraine pour celui-ci, s'agissant de la cession
des actions de la société, l'interdiction de se rétablir
que si ce rétablissement est de nature à empêcher les
acquéreurs de ces actions de poursuivre l'activité
économique de la société et de réaliser l'objet
social ». Selon la Cour de cassation, il faut, pour qu'il y'ait
éviction au sens de l'article 1626 du code civil, une éviction
totale et non une éviction partielle.
L'interprétation stricte par la jurisprudence de la
garantie légale d'éviction se justifie par l'écran de la
personnalité morale. Le rétablissement des cédants en
concurrence de l'activité de la société
cédée porte atteinte surtout à la société
cédée et seulement indirectement aux associés
cessionnaires. Il faut donc une éviction totale c'est à dire que
la société ne puisse absolument pas poursuivre son objet
social.
Le tiers cessionnaire bénéficie aussi de la
garantie des vices cachés.
2- La garantie des vices
cachés
Il résulte de l'article 1641 du C.civ que « Le
vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts
cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage
auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne
l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les
avait connus ». Cette disposition prévoit la garantie des
vices cachés qui est une obligation qui pèse sur le
cédant.
Comme dans la garantie d'éviction du fait personnel, la
garantie des vices cachés est interprétée très
strictement par la jurisprudence. Selon la Cour de cassation, la seule
révélation d'un passif inconnu ne peut pas être
sanctionnée sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Cette révélation d'un passif affecte seulement la valeur des
titres sociaux et non
94 V. article 1628 du C.civ Quoiqu'il soit dit que
le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu
de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel : toute convention
contraire est nulle.
95 Cass com 21 janvier 1997 n° 94-15.207 note de
Paul Pigassou, Bull Joly Sociétés - 01/05/1997- n° 5 -
p.421
42
43
l'usage de ces titres. Pour que la garantie des vices
cachés puisse être mise en jeu, il faut que le vice affecte la
chose elle-même, donc ici les titres sociaux.
Cette appréciation restrictive a été
retenue dans un arrêt du 23 janvier 199096. La chambre
commerciale estime qu'une dette fiscale révélée
postérieurement à la cession n'affecte pas l'usage des parts,
mais seulement leur valeur. Or la garantie de l'article 1641 du code civil
« ne s'applique qu'à raison des défauts de la chose
vendue elle-même ». En conséquence, « en
l'absence de clause de garantie de passif ou de révision de prix, la
révélation du passif fiscal ne constituait pas un vice
caché des droits sociaux cédés ». De même,
dans un arrêt du 12 décembre 199597, la haute
juridiction censure une Cour d'appel en retenant que « la
non-conformité des locaux aux normes de sécurité ne
constitue pas un vice affectant les actions cédés dès lors
que la société a pu, en engageant des dépenses
supplémentaires, continuer à exercer l'activité
économique constituant son objet social ».
Les garanties légales de la vente sont strictement
appréciées par la jurisprudence qui pose certaines conditions. En
revanche, les vices du consentement sont quant à eux
appréciés plus largement.
|