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Droit maritime et énergies marines renouvelables

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par Thibaut Schwirtz
Université Lumière Lyon 2 - Droit des transports et de la logistique 2014
  

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II. Le jeu des limitations de responsabilité appliqué aux engins EMR

La limitation de responsabilité, dont il convient de rappeler le régime (A), suppose d'être analysée sous deux angles : d'une part, la responsabilité du propriétaire pendant l'exploitation de l'engin (B), d'autre part, la responsabilité durant l'acheminement de l'engin vers son lieu d'exploitation (C).

A. Régime de la limitation

Le Code des transports, abrogeant la loi du 3 janvier 1967, dispose en son article 5121-3 que la limitation de responsabilité est applicable « si les dommages se sont produits à bord du navire ou s'ils sont en relation directe avec la navigation ou l'utilisation du navire ». L'alinéa 3 de l'article précise que la limitation sera écartée « s'il est prouvé que

48 Procès-verbal n°012 SHOM/GCN/NP

49 S. Michalak, « Energies marines : un droit en construction », mémoire 2010

50 Colloque international « les énergies marines renouvelables », Campus de la mer, 2013

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le dommage résulte de leur fait ou de leur omission personnels et qu'il a été commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement », ce qui correspond aux conditions de la faute inexcusable telle que définie en droit des transports51.

L'article L5121-5 renvoie aux conditions établies par la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la responsabilité en matière de créances maritimes, disposant, après révision des montants par l'OMI, que la limitation est de 1,51 million de DTS pour les navires dont la jauge est inférieure ou égale à 2000 tonneaux. Elle ajoute que jusqu'à 30 000 tonneaux, la limitation doit être augmentée de 604 DTS par tonneau supplémentaire ; au-delà de 30 000, 453 DTS et au-delà de 70 000, 302 DTS. La limitation s'exprimant en tonneaux, elle apparaît mal adaptée aux installations EMR, celles-ci n'ayant pas vocation à disposer d'une capacité de charge. Cette unité de mesure s'explique, entre autres, par l'article L5121-2 disposant que la limitation s'applique essentiellement à l'armateur et à l'affréteur du navire uniquement. Il n'y a en principe aucune assimilation avec les engins flottants.

B. La limitation de responsabilité durant l'exploitation des engins EMR

Comme précisé en supra, un engin flottant, même amarré à poste fixe, affrontera les périls de la mer, en particulier s'il est éloigné des côtes, où les conditions sont plus difficiles. Cela justifierait pleinement l'application de la limitation de responsabilité normalement applicable aux propriétaires et affréteurs de navires. Le droit français exclue pourtant les engins EMR de la limitation (1) tandis que le droit international est plus mitigé (2).

1) Les engins EMR, exclus des règles de limitation en droit français

A la lecture de l'article L5121-3 du Code des transports, rien ne laisse supposer une extension de la limitation aux EMR, et aux engins offshore en général. La cour de cassation a pu le confirmer en jugeant que la limitation de responsabilité n'était pas conditionnée à l'exposition aux aléas de la mer52. La seule condition permettant de bénéficier de la limitation est d'être propriétaire d'un navire. Or, dès lors que la limitation s'applique dans la majorité des cas à la suite d'un abordage, cette règle rentre

51 C.Com, art. L133-7 : « est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».

52 Cass. com, 18 nov. 1980 : « attendu, cependant, que la faculté, pour l'armateur et le capitaine, de limiter leur responsabilité, n'étant pas subordonnée à l'exigence d'un risque de mer ».

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en contradiction avec le principe de l'abordage en droit français, pour lequel l'engin flottant non amarré et le navire sont confondus. La logique voudrait donc que la limitation soit étendue aux engins flottants non amarrés à poste fixe. Pourtant, la Cour de cassation a jugé que celle-ci devait être refusée à tout propriétaire d'un engin qui ne possède pas les caractéristiques d'un navire53. Si les réponses sont non équivoques, le régime des engins EMR s'en retrouve complexifié.

Mais comme nous l'avons vu, certaines installations EMR pourront éventuellement être qualifiées de navire. Sauf à leur donner un statut particulier, à l'image des installations de forage, ou à interpréter strictement la notion de navire l'application de la limitation au propriétaire d'un engin EMR qui possède les caractéristiques d'un navire devrait être possible.

2) Les indécisions en droit international

Le droit international n'a pas pris en compte l'apparition de bâtiments tels que les installations EMR dans la rédaction des textes. La Convention de Londres du 19 novembre 1976 relative à la limitation en matière de créances maritimes ne fait pas exception, son article 15 excluant simplement le droit à la limitation « aux navires construits ou adaptés pour les opérations de forage » (art. 15-4) et « aux plates-formes destinées à l'exploration des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol » (art. 15-5).

Ce texte laisse deux interprétations possibles : soit la convention s'applique à tous les engins à l'exception de ceux cités, auquel cas les propriétaires d'engins EMR peuvent bénéficier de la limitation de responsabilité, soit la convention exclue tout type d'engins flottants, y compris les EMR. On constate cependant qu'avec une interprétation stricte de la loi française comme de de la Convention de Londres, l'une exclue les engins flottants de la limitation (Code des transports, article L5121-3), et l'autre les inclue (Convention de Londres, article 15-5), ce qui est absurde.

Dans le doute, les contrats interdisent toute action en responsabilité afin de faciliter la détermination des montants de garantie des contrats d'assurance54. Cette solution, que l'on espère temporaire dans l'attente de la création d'un régime clair portant sur les engins EMR, ne règle pas la question de la limitation de responsabilité à l'égard des tiers. De plus, la question de la limitation de responsabilité se pose également durant l'acheminement des engins EMR.

53 Cass. com, 6 déc. 1976, DMF 1977 p.513

54 JC Transports, fasc. 1055, 177, préc.

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