Chapitre II : les règles applicables aux
installations EMR en matière d'évènements de mer
Les installations EMR ayant pour but d'être
posées en mer, celles-ci seront nécessairement confrontées
aux risques spécifiques du milieu marin. C'est ici que vont devoir
s'articuler les règles du droit commun et celles du droit maritime, avec
lesquelles tout industriel devra composer, de l'installation jusqu'au
démantèlement des engins EMR. Il est d'autant plus important de
déterminer quel sera le droit applicable que le droit maritime est
dérogatoire au droit commun. Il entraîne par conséquent des
raisonnements amenant à des solutions différentes non
négligeables compte tenu des enjeux financiers. Il sera uniquement
traité ici des évènements de mer les plus fréquents
par soucis de clarté, à savoir l'abordage (I) ainsi que les
limitations de responsabilités qu'il génère (II), et le
sauvetage (III). Si l'avarie commune représente un
évènement souvent étudié du fait de sa place
importante en droit maritime, elle est spécifique au transport maritime
et ne sera donc pas approfondie. Le sauvetage ne sera pas non plus
évoqué en ce qu'il concerne, soit le sauvetage de personnes, or
les engins EMR ne seront pas a priori destinés à
accueillir des personnes, soit le sauvetage d'épaves abandonnées,
mais les propriétaires de tels engins, au vu de leur valeur,
manifesteront toujours leur volonté de les conserver.
I. L'abordage
L'abordage est un fait matériel supposant la collision
entre deux navires. Si ces évènements ont considérablement
été réduits au fur et à mesure des
évolutions qui ont facilité la navigation, l'homme n'a pas pour
autant réussi à parfaitement maîtriser la mer. De plus,
l'augmentation de la vitesse des navires, cumulée avec leur taille et
leur valeur, font de chaque abordage un sinistre aux montants très
élevés. En cela, les éoliennes en mer et les technologies
équivalentes se rapprochent des navires (le coût moyen d'une
éolienne sur le parc de London Array est de 12 millions d'euros et le
montant total du projet d'éolienne flottante Vertiwind est de 16,8
millions d'euros). En outre, les EMR étant des technologies
récentes voir totalement novatrices selon les cas, leur
résistance à la mer n'est pas encore assurée. Leur
installation va très vraisemblablement aboutir, un jour ou l'autre,
à la collision entre un engin et un navire.
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Il parait donc nécessaire de connaître les
conséquences d'un tel évènement, à la fois au
regard du droit international (A) et du droit interne (B).
A. Les engins EMR, exclus des règles de
l'abordage en droit international
Même si l'hypothèse semble encore lointaine, il
est possible que des éoliennes flottantes ou autres engins EMR soient
installés en haute mer ou viennent à y dériver. Dans ce
cas les conventions internationales s'appliquent en priorité (1),
excepté si la collision intervient avec un engin offshore
n'ayant pas la qualité de navire (2).
1) Nécessité d'un abordage entre
navires
Il convient de se référer à la
Convention internationale pour l'unification de certaines règles en
matière d'abordage du 23 septembre 1910 pour connaître le
régime international de l'abordage. Elle dispose en son article 2 qu'en
cas d'abordage fortuit, les dommages causés sont supportés par
ceux qui les ont éprouvés. L'article 3 dispose qu'en cas
d'abordage causé par la faute d'un des navires, le fautif devra
réparer l'intégralité des dommages. Enfin, l'article 3
dispose qu'en cas de faute commune, la responsabilité est
proportionnelle à la gravité des fautes de chacun.
Il faut cependant noter que cette Convention est applicable
uniquement lorsque l'abordage est survenu entre deux navires30. La
convention étant ancienne, aucune définition du navire n'y
apparaît : rien ne dit alors qu'un engin offshore puisse ou non
être qualifié comme tel. La Convention de 1972 pour
prévenir les abordages en mer, dite Colreg, apporte la solution dans sa
règle 3-a disposant que le navire « désigne tout engin ou
tout appareil de quelque nature que ce soit, y compris les engins sans tirant
d'eau, les navions et les hydravions, utilisé ou susceptible
d'être utilisé comme moyen de transport sur l'eau ». Les
installations EMR n'étant pas destinées au transport, les
règles de l'abordage telles que prévues par le droit
international sont inapplicables.
2) Loi applicable en cas d'abordage entre un navire
et un engin flottant en haute mer
Selon la loi française des conflits de lois et le
règlement Rome II, les obligations extra-
30 Art. 1 Conv. Bruxelles 1910 : « En cas d'abordage
survenu entre navires de mer ou autres navires de mer et bateaux de navigation
intérieure, les indemnités dues à raison des dommages
causés aux navires, aux choses ou personnes se trouvant à bord
sont réglées conformément aux dispositions suivantes, sans
qu'il y ait à tenir compte des eaux où l'abordage s'est produit
».
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contractuelles sont régies par la loi du lieu où
est survenu le fait qui leur a donné naissance, quelle que soit la
nationalité des parties en cause31, ce qui est inapplicable
en haute mer. La loi du pavillon n'est pas non plus applicable dès lors
que les bâtiments ne possèdent pas le pavillon du même
État, celle-ci devant être respectée seulement lorsque les
deux bâtiments battent le même pavillon32. Dans cette
situation, lorsque l'abordage en haute mer est exclu du champ des conventions
et en l'absence de règles de conflit en la matière, la
jurisprudence a tranché en faveur de la loi du for qui a une «
compétence subsidiaire générale33 ».
Les abordages en haute mer avec des engins EMR étant
exclus des conventions internationales, la loi française doit prendre le
relais.
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