B. Qualification juridique des plates-formes de forage
Tout comme pour la technologie EMR, donner un statut à
des plates-formes de forage présentant chacune des
caractéristiques différentes est mal aisé. C'est pourquoi
le plus simple est dans un premier temps d'énumérer ce que ces
installations ne sont pas, à défaut de définition
claire.
Il semble tout d'abord impossible d'envisager les
installations en mer comme des îles au sens de l'article 121 de la
Convention de Montego Bay de 1982, tout comme il est impossible de les
assimiler à des îles artificielles, cette même Convention
distinguant en son article 60 les « îles artificielles »
(aéroport de Chubu au Japon, île de Yas aux Emirats Arabes
Unis...) des « autres installations ». Les plates-formes en haute
mer
25 JC Transports, « engins off shore », fasc.
1055, 3
26 Droits maritimes, 3e éd., 751.13
14
n'ont donc aucune influence quant au tracé des mers
territoriales, des zones économiques exclusives ou du plateau
continental27.
De même, une installation pétrolière en
mer ne peut acquérir le statut de navire car elles sont exclues
expressément du domaine de la Convention de 1976 sur la limitation de
responsabilité (« La présente Convention ne s'applique pas
aux plates-formes flottantes destinées à l'exploration ou
l'exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol
»)28. Enfin, la Convention SOLAS de 1974 sur la sauvegarde de
la vie humaine en mer exclue les plates-formes de ses dispositions, celle-ci ne
s'appliquant que pour les navires effectuant des voyages internationaux. C'est
ainsi que l'OMI a du élaborer un texte spécial en matière
d'installations offshore pétrolières, appelé
« Mobil offshore drilling unit code », afin d'étendre les
dispositions SOLAS aux installations pétrolières. En revanche, la
convention MARPOL de 1973 et 1978 pour la prévention de la pollution par
les navires, intègre les plates-formes, qui sont assimilées, pour
la circonstance, à des navires. De plus, les plates-formes
semi-submersibles, durant leurs déplacements, sont
considérées comme des navires, tandis que les navires de forages
seront toujours qualifiés de navires, même lorsque la tige est
reliée au fond marin.
En réalité, les plates-formes se sont vues
définies par les conventions internationales sur la base du pragmatisme
afin d'adapter leur statut - et les règles en découlant - aux
situations envisagées. A l'image des débats portant sur le statut
des plates-formes de forage dans les années 70, il serait opportun de
dire, concernant les EMR, qu'il vaut mieux « renoncer à toute
classification a priori, et pour déterminer le statut des installations,
rechercher à propos de chaque règle utile aux navires si son
adaptation est ici opportune29 ». Il était
déjà fait remarqué à l'époque qu'il
était plus important de retenir que l'engin évoluait en mer,
qu'il pouvait porter des hommes et qu'il était de grand prix. Dès
lors, les caractéristiques physiques ou la fonction de l'installation
importent peu, tout comme sa dénomination, pourvu que des règles
pertinentes lui soient appliquées.
Si l'on ne peut réellement se détacher
totalement de la destination des installations EMR (il serait absurde
d'appliquer les règles de la navigation à une éolienne
inapte à naviguer), il convient néanmoins d'analyser quelles
règles du droit maritime leur seraient applicables, ou devraient leur
être appliquées, afin de permettre au mieux
27 Convention de Montego Bay, art. 60.8
28 Conv. 1976 sur la limitation de responsabilité en
matière de créances maritimes, art. 15.5
29 M. Remond-Guilloud, « quelques remarques sur le
statut des installations pétrolières en mer », DMF
1977, p.675
l'insertion de cette technologie terrestre dans le milieu
maritime.
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