PARTIE 1 : La nécessité d'incorporer les
énergies marines renouvelables dans les règles organisant les
rapports privés en mer
Le droit français n'ayant pas encore attribué de
statut juridique aux EMR (Chap. 1), les règles de droit maritime
privé qui leur seront applicables restent à définir (Chap.
2). Leur construction et leur exploitation supposent en outre d'articuler le
droit social terrestre et le droit social maritime (Chap. 3).
Chapitre I : La difficulté d'attribuer un statut
juridique aux engins
EMR
Si la qualification juridique des engins EMR est
nécessaire à l'organisation des rapports privés
découlant de leur installation puis de leur exploitation en mer,
l'opération reste complexe du fait de
l'hétérogénéité des installations et de
leurs évolutions possibles dans les prochaines décennies. Cet
ensemble, aux fonctions et caractéristiques inédites,
amène naturellement le juriste à le comparer et à le
ranger dans des catégories déjà existantes (I). Mais ces
engins, parfois meubles, parfois immeubles, aptes à la navigation ou non
et mêlant le droit commun avec le droit maritime, conduisent à
leur donner un statut modulable s'adaptant aux besoins créés par
leur exploitation, à l'image des installations pétrolières
en mer (II).
I. Les installations EMR, navires ou engins flottants ?
La notion d'engin flottant découlant de celle du
navire, la difficulté réside avant toute chose dans l'absence
d'une définition claire du navire en droit international (1), ce qui a
conduit la France à se construire une définition fluctuante,
récemment cristallisée par le Code des transports (2).
A. Le navire en droit international
Si certaines conventions écartent complètement
la question relative à la définition du navire (Convention de
Bruxelles de 1910 relative à l'abordage et de 1952 sur la saisie
conservatoire des navires), d'autres vont appliquer des critères plus ou
moins larges selon le thème abordé.
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C'est ainsi que la Convention de Bruxelles de 1924
définit le navire comme « tout bâtiment employé pour
le transport des marchandises par mer », de même que la Convention
des Nations Unies du 7 février 1986 sur les conditions d'immatriculation
des navires entend par navire « tout bâtiment de mer apte à
naviguer par ses propres moyens qui est utilisé dans le commerce
maritime international pour le transport de marchandises, de passagers ou de
marchandises et de passagers, à l'exception des bâtiments de moins
de 500 tonneaux de jauge brute ».
Au contraire, la Convention Colreg de 1972 relative aux
abordages qualifie le navire de « tout engin ou tout appareil de quelque
nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d'eau, les navions et les
hydravions, utilisé ou susceptible d'être utilisé comme
moyen de transport sur l'eau ». La Convention de Bruxelles du 29 novembre
1969 portant sur l'assistance et la pollution en haute mer, encore plus large,
retient que le navire s'entend de « tout bâtiment de mer, quel qu'il
soit, et de tout engin flottant, à l'exception des installations ou
autres dispositifs utilisés pour l'exploration des fonds des mers, des
océans et de leur sous-sol ou l'exploration de leur ressource ». La
Convention de Londres du 28 avril 1989 va quant à elle désigner
le navire comme « tout bâtiment de mer, bateau ou engin ou toute
structure capable de naviguer ».
On retient de tout ceci que le navire, selon les conventions,
peut aller du simple engin flottant au bâtiment capable de naviguer,
voire d'être affecté au transport. Les conventions internationales
incluent parfois dans leur définition du navire les engins flottants,
sans pour autant les définir. Il ressort des textes que tout navire est
un engin flottant auquel on il faudrait ajouter une aptitude telle que le
transport ou la navigation maritime.
Ainsi, on peut tirer deux conséquences du droit
international : d'une part, s'il semble clair que les éoliennes en mer
traditionnelles, fixées au fond marin, ne peuvent pas avoir la
qualité de navire, la question est plus délicate concernant les
autres générateurs tels que les éoliennes flottantes ou
encore les hydroliennes. Dans la majorité des situations, ils ne
pourront pas avoir le statut de navire, mais la pluralité des
définitions entraîne toutefois des indécisions. D'autre
part, dans le cas où un engin EMR ne peut être qualifié de
navire, il présente en revanche des traits communs avec les engins
flottants.
Le droit français, en apportant des précisions
sur la nature juridique du navire, va également permettre de faire
ressortir de manière résiduelle la notion d'engin flottant.
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