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La liberté d'opinion et le droit d'expression des travailleurs dans les entreprises au Burkina Faso

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par Marius WOBA
ENAM - DESS 2010
  

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PARTIE II : ETAT DES LIEUX ET LA PRATIQUE JURISPRUDENTIELLE EN MATIERE DE DROIT D'EXPRESSION DES TRAVAILLEURS

La jurisprudence, dans un sens plus précis et plus moderne, est la solution suggérée par un ensemble de décisions suffisamment concordantes, rendues par les juridictions sur une question de droit41(*). L'usage par les travailleurs de leur droit d'expression dans l'entreprise, tel que développé ci-dessus, donne lieu par fois à des litiges avec l'employeur. Comment les juridictions sociales traitent ces litiges ? (Chapitre I) Qu'elles sont les inconvénients et avantages du système actuel du droit d'expression avec les éventuelles proposions de notre part (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA PRATIQUE DE LA JURISPRUDENCE SOCIALE

Le droit d'expression des travailleurs dans les entreprises au B.F, s'articule autour de la représentation du personnel et de l'exercice du droit syndical et du droit de grève. Nous relèverons les jurisprudences pertinentes du Tribunal du Travail relatives, d'une part à la représentation du personnel et à la liberté d'expression, et d'autre part, au droit d'expression des salariés via le droit de grève et le droit syndical.

Section 1 : La représentation du personnel et la liberté d'expression

La représentation du personnel, comme nous l'avons relevé ci-dessus, s'effectue au B.F à travers les délégués du personnel et les délégués syndicaux. Ceux-ci doivent avoir la liberté d'expression garantie pour un meilleur exercice de leurs missions.

A- Les délégués du personnel et délégués syndicaux

Licenciement d'un délégué du personnel suite à l'usage de son droit d'expression. La DGT du MTSS infirme la décision de la DRTSS du Centre ayant autorisé le licenciement d'un délégué du personnel (lettre n°2009-98/MTSS/DRTSS-C du 10 avril 2009). La DGT à trouver que les faits ou agissements reprochés au délégué du personnel, Yacouba Ouédraogo, relèvent de l'exercice de sa fonction représentative des travailleurs de l'entreprise conformément à l'Art.316 du code du travail de 2008, aucune faute professionnelle et personnelle ne lui est reprochée. Par ailleurs, l'autorisation de licenciement accordée à Total-Burkina lui a permis de tenir une attitude de discrimination à son égard en violation des dispositions de l'Art.38 du code du travail de 2008. La conséquence immédiate de droit est qu'il doit être réintégré à son emploi.

B- La liberté d'expression dans les entreprises au B.F

Propos outrageants d'un travailleur à l'égard de son supérieur.

Par le Jugement n° 038 du 07/03/2006, le Tribunal du travail de Ouagadougou a trouvé abusif le licenciement d'un Agent déclarant en douane pour les motifs suivants : «incompétence notoire dans la gestion - baisse de rentabilité suite passage de l'agent - incapacité de faire le point de la gestion - répertoire mal tenu - des dossiers impayés à la caisse et en douane, des propos outrageants au supérieur hiérarchique (PCA) ». Que l'employeur a procédé au licenciement de Monsieur P.D. sans motif en simulant un essai infructueux au bout de 8 mois de travail, en se basant sur les motifs suscités. (Jugement n° 038 du 07/03/2006 Monsieur P.D c. Société T.-T.-I.C)

Monsieur B.R., gardien à la BCAS par un contrat à durée indéterminée, a proféré publiquement des injures à Monsieur Y.B. son supérieur hiérarchique en disant entre autres `' qu'il n'aimait pas ces imbécillités `'. Le Tribunal a admis qu'il est de jurisprudence constante que les injures proférées publiquement par un salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique constituent une faute lourde rendant impossible le maintien des relations de travail. (Jugement N°122 du 23 aout 2003, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur B.R. C/ BCAS).

Monsieur T.I.B., assistant au service du personnel et délégué syndical au sein du service, est licencié sans préavis pour faute lourde consistant à « avoir porté la main sur la personne de l'assistante de Direction et proféré des injures grossières à l'endroit de la Directrice administrative et financière ». Le DRETSS ordonnait sa réintégration ou à défaut condamnait son employeur à lui payer :- le préavis de 383.250 francs - l'indemnité de licenciement de 31.937 francs - des dommages et intérêts de 30.269.304 francs. Bien qu'il ait été licencié au mépris des procédures organisant le licenciement du délégué de personnel, le tribunal a déclaré légitime le licenciement de Monsieur T.I.B. et a retenu la qualification de faute lourde. (JUGEMENT N° 142 du 28 NOVEMBRE 2000, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur T.I.B. C/ LA SOCIETE S)

L'Association A. à décider de se séparer de leur employé suite à des injures proférées par ce dernier à l'encontre des premiers responsables dont le directeur d'une part, et l'abandon de poste consécutif au refus de présenter un certificat médical de son médecin traitant d'autre part. Le tribunal a trouvé que le fait de proférer des injures à ses supérieurs hiérarchiques constitue une faute lourde justificative d'un licenciement ; d'où il suit que le licenciement intervenu est légitime sans qu'il ne soit besoin de se pencher sur le second motif. (JUGEMENT N°147 du 05 DECEMBRE 2000, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur K.Y. C/ l'Association A)

Le tribunal a trouvé abusif, le licenciement d'un vendeur, Monsieur C.P., pour actes frauduleux et propos injurieux à l'égard de l'employeur. Motifs de licenciement non prouvés par l'employeur. (Jugement n°135 du 4 Mai 2004, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur C.P. C/ Société S.)

Licenciement dû à l'exercice du droit d'expression ; motifs non prouvés par l'employeur.

La Société G.I prétendait que le licenciement de Monsieur L.W.M était légitime parce que consécutif aux retards, aux absences, à l'insuffisance professionnelle, à l'insubordination, aux injures et menaces, tous ces éléments étant constitutifs de faute lourde. Le tribunal a trouvé qu'en application de l'Art. 33 al. 1 du code du travail de 2008, l'employeur n'ayant pu prouver la légitimité et la réalité des motifs du licenciement, il convient de déclarer le licenciement abusif. (Jugement n° 87, du 23 mars 2004, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : LAMIEN W. M. C/   G. I.)

Propos outrageants et manquement à l'obligation de loyauté.

Monsieur D.L. a été licencié par l'ONG «A.» en ces termes : « Suite au cas d'abus de confiance et de violation du principe de loyauté envers votre employeur et prenant en compte votre position dans votre lettre d'explication en date du 12 novembre 1999 vous écopez d'un licenciement sans droit pour faute lourde. En outre, vous avez suscité un conciliabule avec deux de vos collègues qui a abouti à un écrit acerbe relatif à une démission collective de vos postes de responsables. A cette occasion vous avez traité le Directeur de dictateur et bien d'autres propos qui frisent l'animosité. Cela nous rappelle une certaine époque où vous avez commis les mêmes fautes qui vous ont coûté des sanctions disciplinaires. Cette attitude est formellement interdite selon l'Art. 5 du règlement intérieur du personnel de l'ONG «A.» et constitue en soit une faute lourde ». Que la principale obligation qui incombe au travailleur est d'exécuter les tâches qui lui sont confiées en toute loyauté et celle de respecter ses supérieures hiérarchiques. Le tribunal a trouvé après les débats que le  licenciement devrait être qualifié de légitime pour faute grave, plutôt pour faits qualifiés de faute lourde. (JUGEMENT N°92 du 26 juin 2001, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur D.L. C/ ONG «A.» )

Exercice de la liberté d'opinion et d'expression.

Suite à un écrit adressé au Ministre du  Travail, de l'emploi et de la jeunesse et à Monsieur P.C., paru dans le quotidien d'information «  l'observateur Paalga » n°6082 du 17 février 2004 intitulé  « des travailleurs veulent la tête de Monsieur J.L.G.» et signé par Monsieur N.C. au nom d'un groupe de travailleurs, La Société A.B. procédait à la rupture du contrat de travail qui le liait à Monsieur N.C. A la suite des débats, il s'avère que Monsieur N.C. a été requis par l'ensemble des travailleurs en sa qualité d'ancien délégué du personnel, car à cet période de conflit social la direction de la Société A.B avait procédé au licenciement de tous les délégués du personnel de la société. La Société A.B. fait valoir que le travailleur a signé un tract contenant des termes diffamatoires à l'endroit du directeur général de La Société A.B., mais aussi constitue une véritable campagne de dénigrement sans fondement en direction de tierces personnes que sont La Société A.B. et la SODIBO. Le juge a trouvé le licenciement abusif du fait que les travailleurs n'ont fait que jouir de leur liberté d'opinion et d'expression garanties  à tout individu et notamment  de formuler leur point de vue relativement à la vie et la gestion de leur entreprise et sous  tendue d'ailleurs par les Conventions n°87 et n°98 de l'OIT. (Jugement n°095 du 31/05/2005, Tribunal du Travail de Ouagadougou, Affaire : Monsieur N.C. C / La Société A.B.)

* 41 Lexique des termes juridiques, 12ème édition, DALLOZ

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