3.2.1.3. La perspective exploratoire
La perspective exploratoire est un modèle qui renvoie
à une formation faisant place à la liberté et à
l'autonomie du stagiaire, formation balisée par des procédures de
fonctionnement et d'évaluation souples et, centrée sur la
découverte des savoirs et des savoir-faire. C'est un modèle qui
prône un assouplissement de la méthode et vise à
établir une relation formateur/formé de qualité, relation
d'aide plutôt que de pouvoir. Selon plusieurs auteurs (Peraya, n.d. ;
Wagner, 1992), ce modèle considère le M-E comme un cadre
d'exploration et d'expérimentation de stratégies didactiques.
Dans cette perspective, la relation entre le formateur et le
futur maître est très importante. Cette relation est
définie selon deux principes fondamentaux : le principe du respect de
l'autonomie de l'apprenant et le principe de non-aliénation (Wagner,
1992).
Le premier principe implique que le futur maître peut
disposer à sa guise du feedback soit en le demandant, soit en le
refusant. Il décide même des aspects de sa performance qu'il
souhaite voir évaluer.
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Le second principe dispose que le formateur soit totalement
disponible à l'apprenant mais en ne se substituant pas à lui
à travers la proposition trop directive ou limitée de contenus
précis d'apprentissage. Il accompagne et guide chacun selon son
désir et son rythme, ses aptitudes et ses difficultés. Bref, le
formateur fait confiance à l'apprenant, croit en ses capacités de
développement et de réajustement et, se refuse de faire pression
sur lui pour créer les conditions favorables à ses prises de
décisions et provoquer le changement.
Dans la perspective exploratoire, en lieu et place de
techniques, d'attitudes ou de skills à développer, on parle de
style d'enseignement et de modèle décisionnel.
Le style d'un enseignant est déterminé par
rapport à sa façon de concevoir et de gérer la situation
pédagogique en établissant tel type de relation avec les
élèves et en organisant l'apprentissage de telle ou telle
manière. Il varie d'une situation pédagogique à une autre,
d'une personne à une autre et au niveau d'un même enseignant.
En général, le style est centré soit sur
la matière, soit sur les apprenants, soit sur les deux. Ainsi, Wagner
(1992) distingue quatre types de style : le style transmissif centré sur
la matière (l'enseignement frontal par exemple), le style incitatif
centré à la fois sur la matière et sur les apprenants (le
débat par exemple), le style associatif centré sur les apprenants
(le travail de groupe par exemple) et le style permissif très peu
centré tant sur les apprenants que sur la matière (les
procédures d'autodidactisme).
L'initiation à ces styles s'opère grâce
à l'expérimentation active et personnelle de chaque apprenant
à travers quatre étapes, à savoir la sensibilisation, le
diagnostic, la discussion générale de la grille proposée
et enfin la pratique personnelle du style par chaque apprenant.
Quant au modèle décisionnel, il est relatif
à l'opérationnalisation maximale des décisions qui
incombent à l'enseignant tout au long de son activité
pédagogique. En effet, selon Wagner, l'enseignement est « un
processus de prise de décisions du maître en vue de favoriser
l'apprentissage des élèves » (p. 55). L'enseignant est un
décideur à deux niveaux : (i) au niveau de la planification de
son enseignement et (ii) dans le déroulement de la leçon qu'il a
programmée et planifiée. L'analyse des situations
éducatives est basée surtout sur l'étude de la
façon dont les décisions doivent être prises pour
être optimales et sur l'étude de la façon dont
s'opèrent les choix des décisions.
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La première étape de l'initiation aux styles
pédagogiques (la sensibilisation) lie la perspective exploratoire
à la théorie de l'apprentissage social. À chaque
séance, un modèle de style est présenté aux futurs
maîtres mais dans une version moins efficace afin de susciter des
débats. Le modèle est utilisé comme une source de
motivation plutôt qu'un objet d'imitation.
À travers le modèle décisionnel, la
perspective exploratoire établit un pont entre le ME et la
pédagogie par objectifs, en ce sens que la définition univoque de
l'objectif mais aussi et surtout la pertinence de son choix sont les
principales exigences de cette approche d'où son rapport avec le
béhaviorisme. L'enseignant est amené à relativiser ses
prises de positions et de décisions en fonction de la situation
rencontrée.
En conclusion à cette section sur les modèles de
M-E, nous pouvons retenir que dans la perspective comportementaliste, le point
de focalisation de toute l'intervention pédagogique et de son
réajustement est l'enseignant alors que dans la perspective
fonctionnelle c'est l'élève qui en est le pivot.
Dans le premier modèle, le M-E est utilisé pour
faire acquérir des aptitudes pédagogiques et dans le second, des
stratégies didactiques. Les aptitudes sont définies à
travers les comportements observables de l'enseignant et les stratégies
par des effets définis en termes de comportements observables des
élèves.
Dans la perspective exploratoire, l'objectif principal est
d'entraîner les futurs maîtres non pas à identifier les
stratégies d'enseignement efficaces au risque de les
généraliser par la suite mais à repérer et analyser
un maximum de variables pour mieux comprendre une situation
d'enseignement-apprentissage.
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