3.2.1.2. La perspective fonctionnelle
Développée par des chercheurs de
l'université de Liège dont Crahay et des professeurs de
psychopédagogie d'une école normale gardienne, la perspective
fonctionnelle est née de la tentative de combler certaines lacunes de
l'approche comportementaliste à laquelle on reprochait une validation
unilatérale des aptitudes et leur indépendance mutuelle. Dans ce
modèle, les formateurs mettent l'accent sur la
définition d'objectifs en termes d'apprentissage des
élèves et sur la prise en compte de l'interaction
maître/élèves. Au sens de Wagner (1992), trois
éléments font la spécificité de la perspective
fonctionnelle :
On ne postule pas au départ l'existence de bons
comportements d'enseignants définissables hors contexte ; on
s'intéresse aux comportements des élèves, non pas en tant
que reflets de l'activité de l'enseignant mais bien en tant que
critères d'évaluation de la stratégie
développée par l'enseignant ; on incite l'enseignant en formation
à expérimenter une stratégie d'enseignement dans le but de
provoquer certains comportements souhaités chez les élèves
[...] (p. 31).
Cependant, même si la perspective fonctionnelle est le
fruit de la critique de la perspective comportementaliste, elle ne
s'écarte pas du béhaviorisme. La conception très atomiste
des savoirs et le passage d'un niveau de connaissance à un autre qui
s'opère par le renforcement positif des réponses et comportements
attendus ne sont toujours pas écartés. En effet, la
définition des objectifs d'apprentissage n'est rien d'autre que la face
cachée de la Pédagogie par objectifs (PPO) qui recherche des
comportements observables de l'apprenant et organise l'apprentissage en paliers
successifs.
Mais à la différence de la première
perspective, la perspective fonctionnelle est liée au
socioconstructivisme. C'est une théorie qui met l'accent sur la
coopération sociale. En d'autres termes, elle suggère que
l'élève travaille en groupe, de façon coopérative,
en vue de favoriser la construction de nouvelles connaissances car selon Goupil
et Lusignan (1994) : « la vraie direction du développement de la
pensée ne va pas de l'individuel au social mais du
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social à l'individuel » (p. 73). Par
conséquent, tous les outils intellectuels élaborés par
l'individu le sont tout d'abord au cours d'interactions, d'échanges.
Vygotsky, le promoteur du socioconstructivisme, cité
par Jonnaert et Masciotra (2004), considère que tout sujet est
caractérisé par un niveau actuel de développement cognitif
et un niveau potentiel de développement cognitif. La surface comprise
entre ces deux niveaux - la zone de développement proximal (ZDP) -
correspond à la différence qui existe entre la capacité du
sujet à résoudre, tout seul, un problème et sa
capacité à le résoudre sous la guidance d'un adulte ou
d'un pair plus avancé ou même d'un dispositif informatique. Donc,
ce que l'enfant sait faire aujourd'hui en collaboration, il saura le faire,
tout seul, demain.
Dans le socioconstructivisme, chaque apprentissage nouveau
exige une organisation mentale des connaissances de l'apprenant, un renoncement
à ses conceptions antérieures simples ou fausses (conflit
cognitif) et une confrontation intellectuelle entre plusieurs individus ayant
des représentations différentes en rapport avec le savoir
à apprendre (conflit sociocognitif). Il s'agit de faire un
regard rétrospectif, c'est-à-dire de voir la manière dont
l'individu s'y prend pour utiliser ce qu'il sait déjà et un
regard prospectif, c'est-à-dire la manière d'acquérir de
nouvelles connaissances (Allal et Saada-Robert, 1992).
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