5.2.4. Obstacles à la mise en oeuvre du M-E
L'insuffisance de la formation des formateurs est, de l'avis
de la quasi-totalité (17) des 20 participants (15 formateurs et 5
responsables administratifs) aux entretiens semi-directifs, la raison
fondamentale pour laquelle le M-E n'est pas pratiqué. Le niveau de la
formation reçue voire sa qualité ne permet pas de mettre en
oeuvre régulièrement le M-E. C'est pour cette raison que
l'insuffisance de la formation est considérée comme étant
la cause première pour laquelle le M-E n'est pas pratiqué
à l'ENI/TT.
26 Infra tableau 4.
27 Ces deux volets de l'Infrastructure ne
sont pas pris en charge par la présente étude. Ils peuvent
ultérieurement être étudiés dans une recherche de
grande envergure comme l'évaluation de la mise en oeuvre du M-E.
90
L'inadaptation des salles constitue d'après une forte
majorité (13) de ces répondants le second obstacle à la
mise oeuvre du M-E.
Le peu de formation aurait peut-être suffi à
faire bouger les choses s'il y avait un suivi régulier de la mise en
oeuvre de cette innovation. Malheureusement, comme le reconnaît plus de
la moitié (12) des participants à ces entretiens semi-directifs,
il n'y a ni suivi du niveau local ni suivi du niveau central.
Il n'existe donc, pour le M-E, aucun dispositif fiable de
suivi de mise en oeuvre ou d'accompagnement. Aussi, serait-il nécessaire
de rappeler la place de choix que Simondi (2007) donne à
l'accompagnement en matière d'innovation. Ainsi, selon elle : «
À tous les niveaux, un accompagnement au changement est
préconisé. Il est prescrit, prévu, programmé »
(p. 77).
Analysés sous l'angle du modèle IACR, ces
résultats attestent de l'existence d'une faille dans la deuxième
composante, à savoir l'Autorité. Un besoin a certes
été reconnu, étudié et une solution apportée
mais cette solution n'est pas appliquée de façon suivie. Or, le
mécanisme de contrôle et d'encadrement devrait faire en sorte que
les agents chargés de la mise en oeuvre du M-E agissent
conformément au plan sur lequel repose l'innovation.
Cependant, les acteurs locaux de suivi que sont les
responsables administratifs justifient cette situation, lors de leur entretien
semi-directif, par le fait qu'eux-mêmes ne sont pas formés. Plus
de la moitié (3) d'entre eux déclare n'avoir jamais
bénéficié d'une formation en M-E (tableau 13) et ceux qui
en ont bénéficié disent qu'elle ne leur permet pas de
suivre les formateurs dans la préparation, la présentation et le
visionnement des micro-leçons.
Ce manque patent de suivi ou de formation dans le domaine du
M-E a fait dire à certains formateurs, lors des entretiens
semi-directifs, qu'il n'y a vraiment pas de volonté politique en la
matière. À titre d'exemple, dans le groupe 1 (G 1), voilà
ce que pense un des participants :
G. 1 : Moi, j'accuse l'État. Il y a un manque de
volonté de la part du ministère de l'éducation car on ne
peut pas demander aux gens de faire une chose pour laquelle ils ne sont pas
formés. Tant que l'État n'assure pas le minimum,
c'est-à-dire la formation des encadreurs, le matériel de M-E et
les bâtiments répondant aux normes du M-E, il sera difficile de
pratiquer le M-E à l'ENI de Tillabéry. Hé ! Pas à
Tillabéry seulement, partout au Niger.
91
Muller et Surel, cités par Draelants (2009), nous font
remarquer que : « faire une politique publique, ce n'est donc pas
"résoudre" un problème, mais construire une nouvelle
représentation des problèmes qui met en place les conditions
sociopolitiques de leur traitement par la société, et structure
par là même l'action de l'État » (p. 46). Ce sont ces
conditions sociopolitiques justement qui ne sont pas réunies par
l'État.
Les formateurs ne sont pas dotés de compétences
nécessaires pour mener à bien la tâche qui leur est
confiée. Il en est de même des responsables administratifs.
L'insuffisance de la formation des formateurs et des
responsables administratifs a donné lieu à plusieurs signes d'un
mauvais fonctionnement du M-E. Mais ce mauvais fonctionnement ne peut
être lié seulement à la formation. Il y a aussi le
problème des ressources matérielles auquel on peut adjoindre
encore la question du suivi.
5.2.5. Suggestions des formateurs et des responsables
administratifs pour une mise en oeuvre effective du M-E à
l'ENI/TT
À la lumière des divers constats, la formation
des formateurs est citée comme la première solution pour une mise
en oeuvre effective du M-E à l'ENI/TT. La quasi-totalité (18) des
20 participants (15 formateurs et 5 responsables administratifs) aux entretiens
semi-directifs mettent en avant cette solution (figure 7).
En effet, la formation des acteurs de terrain compte beaucoup
dans la mise en oeuvre d'une innovation. À cet effet, Meirieu, dans sa
préface au livre de Dupriez et Cornet (2005), demande :
D'impliquer les acteurs sur le chantier, non comme des
exécutants mais comme de véritables cadres. Nous vivons encore
trop avec une conception taylorienne du métier d'enseignant qui, en
infantilisant les personnes, les contraint, en quelque sorte, à se
comporter comme leurs pires élèves : ne rien faire pour aider
à la réussite du projet et critiquer systématiquement
l'institution (p. 10).
En d'autres termes, il faut impliquer les acteurs du terrain
depuis la conception de l'innovation et non au moment de sa mise en oeuvre
seulement si l'on veut réussir le projet.
L'adaptation des salles de M-E aux normes en la matière
est également à prendre en compte si l'on veut réussir le
M-E à l'ENI/TT. En effet, plus de la moitié (11) des 20
répondants aux entretiens semi-directifs lie l'effectivité de la
mise en oeuvre de cette
92
innovation pédagogique à la
réhabilitation des salles (figure 7). Mais jusque-là, aucune
mesure ni du niveau local encore moins du niveau central n'est entreprise pour
la réfection de ces salles.
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