5.2.2. Pratique du M-E
Les conséquences de la situation évoquée
ci-haut se font déjà sentir dans cet établissement. Ainsi,
une écrasante majorité de formateurs ne pratiquent pas le M-E
(figure 5). Du coup, beaucoup de futurs maîtres n'ont jamais eu
l'occasion de pratiquer le ME au cours de leur formation initiale (tableau 20).
Pire, plus de la moitié d'entre eux n'ont jamais assisté à
une séance proprement dite de M-E ou même à une
séance de préparation des leçons de M-E.
Il y a également peu de visionnements de séances
de M-E chez les futurs maîtres (tableau 21). Ces derniers perdent ainsi
de belles occasions, d'une part, pour s'auto-évaluer et se faire
évaluer par leurs pairs et le formateur et de l'autre, pour
améliorer leurs prestations.
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Cela soulève l'épineux problème
d'accès au matériel de M-E évoqué par une
minorité de participants aux entretiens semi-directifs. Or, l'importance
du feedback dans le M-E n'est plus à démontrer. Selon Genoud
(2006), « le feed-back aide tout d'abord au développement de
capacités d'analyse et d'autocritique. Dans un second temps et avec un
peu plus d'habitudes, ces capacités joueront une fonction importante
d'autorégulation en situation » (p. 123).
Les conditions d'apprentissage ne sont donc pas
réunies. Or, la théorie béhavioriste dont s'inspire le M-E
part du principe selon lequel l'acquisition des connaissances s'effectue par
paliers successifs. Ainsi, on estime qu'en élaborant des paliers aussi
petits que possible, on accroîtrait la fréquence des renforcements
tout en réduisant au minimum l'éventuel caractère aversif
des erreurs.
Il n'existe pas non plus de mises en interactivité
(Jonnaert et Masciotra, 2004), entre futurs maîtres et entre futurs
maîtres et formateur, par lesquelles se construit le savoir. Pour la
théorie socioconstructiviste, ces interactions entre l'apprenant, ses
éducateurs et ses pairs jouent un rôle de premier ordre dans le
développement de son intelligence. En effet, dans une activité
collective, sous la direction d'adultes, l'enfant est en mesure de
réaliser beaucoup plus que ce qu'il réussit à faire de
façon autonome.
En raison de toutes ces contraintes, le M-E est peu
pratiqué à l'ENI/TT (figure 5). C'est pourquoi, une
minorité de formateurs reconnaît que le M-E est timidement
pratiqué dans leur établissement. Pour la majorité des
responsables administratifs, il est même rarement pratiqué.
La lenteur et l'insuffisance de la mise en oeuvre du M-E
dénotent le caractère d'une faible Infrastructure.
Dans les faits, l'utilisation des salles de M-E est
très faible (figure 4). En effet, seulement 7 % des futurs maîtres
affirment que ces salles sont utilisées. La mise en oeuvre du M-E est
prise en charge par deux disciplines seulement, à savoir la didactique
et la psychopédagogie (tableau 18).
Le fait que le M-E soit ramené à ces deux
disciplines uniquement est en porte-à-faux avec l'idée même
de cette méthode.
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Dans sa note critique à l'ouvrage d'Altet et Britten
(1983), Linard (1985) attirait ainsi en note de bas de page l'attention de ses
lecteurs sur la distinction à faire entre le M-E et la didactique :
On rappelle que le micro-enseignement, contrairement à
la didactique qui s'attache à définir une pédagogie en
fonction de chaque discipline, vise une formation aux savoir-faire
généraux qui sous-tendent toutes les disciplines, tels que poser
différents types de question, varier les stimuli, introduire une
leçon, etc. (p. 63).
Le M-E ne peut être l'affaire de deux disciplines
seulement mais de l'ensemble des disciplines enseignées dans
l'institution scolaire. Cette confusion entre la didactique et le M-E
apparaît au grand jour, lors des entretiens semi-directifs avec les 15
formateurs, dans le discours des participants même s'ils sont
minoritaires (2). Ils proposent ainsi de limiter le ME aux didacticiens (figure
7).
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