3.2.2.2.2. L'enregistrement vidéo
Dans une micro-leçon, tout n'est pas à
enregistrer ; autrement, on obtiendrait, de l'avis de Wagner (1992) : « un
reportage plus ou moins impressionniste qui ne peut servir à rien sinon
à donner une idée vague de ce qu'a pu être la situation
ainsi conservée » (p. 149). Les consignes d'enregistrement varient
donc selon ce que l'on veut étudier. C'est pourquoi Wagner
précise que :
La vidéo n'est en effet qu'un outil d'observation parmi
d'autres et pour pouvoir relever des éléments essentiels
significatifs, il faut avoir précisé des hypothèses et
déterminé des axes d'observation. Sinon, on se retrouve en face
d'une accumulation de détails dont il est bien difficile de
dégager un sens ou bien en face d'une collecte pauvre et sans
signification précise (pp. 153-154).
L'enregistrement vidéo est utilisé pendant
plusieurs étapes du M-E : le pré-test ou diagnostic, le post-test
ou bilan, la phase de modélisation perceptuelle du comportement, les
phases d'essai, du premier feedback ou du second et même de la reprise de
l'essai.
En formation par la technologie audiovisuelle ou simplement
Circuit fermé de télévision (CFTV), on s'accorde à
distinguer trois sortes de lecture de bandes vidéo : le visionnement
intégral par l'intéressé ou autoscopie, la lecture-recours
qui est une sélection des passages significatifs et la lecture
interactionniste qui permet d'analyser la structure du document (Wagner, 1992).
Mais les débats entre les auteurs ont tourné surtout autour de
l'autoscopie, notamment sur son efficacité pédagogique.
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Les questions principales qui ont fait l'objet d'étude
concernant l'efficacité pédagogique de l'autoscopie ont
consisté à savoir si cette dernière permet une prise de
conscience d'erreurs ou de maladresses et si elle favorise un changement de
comportements et une correction de ces erreurs.
C'est ainsi que pour Fauquet et Strasfogel, cités par
Wagner (1992), l'autoscopie facilite la prise de conscience d'erreurs ou
d'imperfections résultant de manquements aux règles d'un
système pédagogique de référence. Pour le
deuxième volet de la question, Wagner estime que l'autoscopie à
elle seule ne permet pas une modification de comportement ou un changement
d'attitudes. Il faut la lier à la présence et à
l'influence du formateur et des pairs et, aux modèles de
référence proposés en amont.
De son côté, Linard (1985) affirme que
l'autoscopie conduit soit au désir de changement soit aux blocages
défensifs les plus subtils :
[...] en multipliant les occasions de constater par
soi-même, et sur soi-même, à quel point un comportement
n'est que le signe visible, de surface, d'une activité profonde,
complexe et contradictoire certes, mais qui seule lui donne structure et sens,
en précipitant les écarts, décalages et «
bougés » de tous ordres dans nos habitudes perceptives et mentales
(p. 64).
De ce débat, nous pouvons retenir que non seulement
l'autoscopie permet la prise de conscience de l'inadéquation ou de
l'inefficacité d'un comportement initial mais aussi, combinée
à d'autres éléments de la formation, elle peut être
un facteur de motivation au changement. Elle peut, en outre, être aussi
source d'inhibition du stagiaire.
Deux exigences semblent importantes pour obtenir une lecture
optimale d'une bande enregistrée : définir les tâches des
futurs maîtres pour combiner efficacement différents types
d'analyses de la séquence et choisir des techniques de lecture
adaptées aux objectifs de la formation. Selon Wagner (1992), si l'outil
vidéo n'est pas intégré dans une méthode de travail
rigoureuse, il « risque de ne soutenir que médiocrement les
objectifs poursuivis et même perturber les sujets en apprentissage
plutôt que de les aider à se perfectionner » (p. 64).
Cette question de perturbation psychologique ou non des futurs
maîtres lors de l'autoscopie a également suscité beaucoup
de débats.
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En effet, vue sous l'angle psychologique, l'autoscopie
constitue chez plusieurs auteurs (Albero, 2004 ; Allen et Ryan, 1969/1972 ;
Wagner, 1992) une expérience relativement pénible pour la plupart
des futurs maîtres.
Ainsi, Albero souligne que plusieurs expériences ont
démontré « en quoi l'autoscopie touchant au sentiment
d'identité des personnes peut avoir des effets très divers,
positifs et négatifs, sur les attitudes et les conduites d'apprentissage
et doit être pratiquée avec précaution » (p. 22).
Allen et Ryan parlent de « effet cosmétique » (p. 58) chez les
stagiaires pour désigner leurs préoccupations relatives à
l'apparence physique (coiffure par exemple) et aux manières personnelles
(façon d'éviter le regard des élèves par exemple).
Wagner parle, elle, de « choc autoscopique » (p. 163) pour
évoquer le sentiment de bouleversement d'identité chez les futurs
maîtres et le décalage entre la perception subjective qu'ils ont
d'eux-mêmes et la perception objective à l'écran.
En définitive, la vidéo est un outil à la
fois redoutable et relatif. Il est redoutable car il met en doute
l'unité imaginaire et idéale de la personne filmée et il
est relatif car il ne vaut que ce que valent ses utilisateurs (Wagner, 1992).
Un entraînement des formateurs à l'utilisation de la
bande-vidéo est donc indispensable si l'on veut réussir le
M-E.
Après avoir fait le point sur la littérature
traitant du problème en question tout passant en revue les
différentes théories permettant d'établir le lien entre le
phénomène observé et le domaine de la recherche, le choix
d'une méthode de travail s'impose à présent. Il nous faut
non seulement choisir une méthode d'investigation mais aussi
déterminer la population d'étude et dresser les plans de collecte
et d'analyse des données : c'est l'objet du chapitre suivant qu'est la
méthodologie.
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