3.2.2.1.3. La technologie éducative
La technologie éducative trouve toute sa justification
dans la troisième et dernière raison de l'échec de la
modélisation au niveau de la formation traditionnelle
évoquée plus haut. En effet, c'est la technologie
éducative qui donnera au M-E les supports nécessaires à
sa
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mise en oeuvre. C'est un concept qui a marqué
l'entrée du monde de la communication (l'audio-visuel) en situation
d'enseignement.
Utilisée pour la première fois en 1963 par Keith
Acheson de l'université de Stanford, la vidéo est devenue un
élément important du M-E même si ce dernier n'en
dépend pas tout à fait (Allen et Ryan, 1969/1972). Le recours au
magnétoscope facilite grandement le feedback et l'évaluation.
C'est pourquoi, Allen et Ryan le qualifient d'instrument de feedback par
excellence qui : « rend possible, entre autres, l'étude approfondie
d'échantillons ou de modèles des comportements et des aptitudes
à acquérir » (p. V).
Abondant dans le même sens qu'Allen et Ryan, d'autres
auteurs (Larin, n.d. ; Linard, 1973) soulignent que la force de la vidéo
réside dans l'opportunité qu'elle donne à son utilisateur
de constater, par lui-même, la différence entre la performance
désirée et celle réalisée. La vidéo permet
donc d'exercer un regard critique, une analyse réflexive sur la
performance enseignante et de créer chez son utilisateur un constat qui
entraîne sa volonté de modifier son comportement. C'est donc
là une des conditions essentielles à l'amélioration de
l'enseignement.
Par contre, Peraya (1993) et Perrenoud (2006) affichent un net
désenchantement concernant l'introduction de la vidéo dans
l'enseignement. L'engouement de départ des années 1970 de cet
outil s'est vite estompé, estiment-ils. Peraya parle de «
désillusion à la hauteur des illusions initiales » (p. 1).
Perrenoud, de son côté, fait remarquer que «
l'intégration de la vidéo à l'enseignement, sur laquelle
on fondait dans les années 1970 d'immenses espoirs, n'a pas tenu ses
promesses, sans doute parce qu'elle restait peu interactive [...]» (p.
132).
Pour conclure cette partie concernant les fondements du M-E,
nous reprenons les propos d'Altet et Britten (1983) pour dire que le M-E est
une méthode de formation basée : (i) sur les acquis de la
psychologie de l'apprentissage et de l'enseignement programmé, (ii) sur
certains éléments de la psychologie sociale et (iii) le plus
souvent, sur le magnétoscope, un outil qui permet une évaluation
objective et un feedback.
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3.2.2.2. L'entraînement pédagogique
pratique
3.2.2.2.1. Choix et nombre des aptitudes
La diversité des modèles de M-E a
entraîné une divergence de points de vue des auteurs concernant
les objectifs de formation et surtout les principales aptitudes à
exercer en formation d'enseignants. Il se pose donc un problème de choix
des stratégies de formation. C'est dire que la détermination du
type et du nombre d'aptitudes pédagogiques à exercer pose
problème.
Alors que Allen et Ryan (1969/1972) avaient proposé 14
aptitudes pédagogiques ou skills16 à étudier et
ce, quel que soit le niveau ou la discipline, d'autres auteurs (Altet et
Britten, 1983 ; Wagner, 1992) en trouvent plus ou souvent même moins.
C'est ainsi que Altet et Britten ont proposé 24
aptitudes pédagogiques17 permettant d'apprendre à
enseigner. Mieux, ils proposent que le choix des aptitudes soit fonction des
préférences et du jugement des stagiaires et non une
sélection faite à l'avance par les formateurs comme le voulaient
leurs prédécesseurs de Stanford. Ils se démarquent de ces
derniers pour trois raisons. D'abord, le formateur quoique bien
renseigné n'est pas omniscient ; il y a donc bien des aspects sur
lesquels les futurs maîtres sont particulièrement bien
placés. Ensuite, ils ont remarqué que plus il y a de variation
dans le choix des aptitudes, plus les stagiaires ont des modèles
positifs et variés de comportements pédagogiques. Enfin, tant que
le stagiaire se sent responsable de la détermination des
modalités de sa formation, il participera pleinement à
celle-ci.
Wagner, de son côté, retient 10
aptitudes18 tout en dénonçant le caractère
simpliste de la conception du M-E classique dans lequel on exerçait
d'abord une seule aptitude et ce n'est après qu'on travaillait sur
plusieurs autres. En lieu et place d'aptitudes isolées, cette auteure
propose des aptitudes combinées. Il faut combiner les aptitudes car
dit-elle : « c'est à partir d'essais dans les démarches plus
longues, intégrant plusieurs aptitudes, que surgiront l'une ou l'autre
difficulté précise » (p. 125).
16 Voir annexe 3, liste des aptitudes selon Allen et Ryan.
17Voir annexe 3, liste des aptitudes selon Altet et Britten.
18Voir annexe 3, liste des aptitudes selon Wagner.
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Dans sa perspective, Wagner (1992) pense qu'il faut non
seulement combiner les aptitudes mais aussi, pour qu'elles aient un sens, les
percevoir non en termes de comportements d'enseignants comme c'était le
cas à Stanford mais bien d'interactions
maître/élèves. Il faut également que les aptitudes
soient complétées par trois fonctions essentielles de la
démarche pédagogique de l'enseignant : la fonction d'information
qui correspond à son rôle de transmetteur de savoirs, celle
d'éveil qui renvoie à son rôle de stimulateur des
apprentissages et celle d'encadrement qui vise son rôle d'organisateur
des apprentissages au sein du groupe-classe.
Les aptitudes retenues dans le modèle d'Allen et Ryan
(1969/1972) ont fait également l'objet de beaucoup de critiques en
raison de leur portée limitée (Linard, 1973). C'est ainsi que
Crahay (1979) a condamné le fait que ce soit les formateurs,
eux-mêmes, qui déterminaient les comportements faisant l'objet de
la formation et qu'aucun critère ne fondait la valeur des skills. Leur
choix dépendait simplement d'un consensus réalisé entre
formateurs, estime Crahay. En plus, le contenu de formation était en
général laissé à l'appréciation des
formateurs, estime-t-il.
Mais pour Allen et Ryan, cela ne signifie pas imposer «
une quelconque orthodoxie pédagogique » (p. 15). Ils veulent
plutôt offrir aux stagiaires « un entraînement
systématique dans un large éventail d'aptitudes » (p. 16)
parmi lesquelles ceux-ci choisiront selon la situation pédagogique. La
diversité des aptitudes renforce donc les capacités personnelles
de communication des stagiaires et leur offre une liberté de choix.
Pour notre part, nous retenons que concernant la nature et le
nombre des aptitudes, tous les auteurs tournent autour des 14 aptitudes de la
sélection d'Allen et Ryan. Altet et Britten (1983) ont ajouté
à celle-ci 10 nouvelles aptitudes qui sont, pour la plupart, des
éclatements des premières. Et, les 10 aptitudes de Wagner sont
une contraction de ces mêmes aptitudes de Stanford. Même dans les
81 aptitudes19 de Turney et collaborateurs, cités par Altet
et Britten, on retrouve presque les mêmes éléments. La
seule particularité de cette dernière recension qui rejoint
d'ailleurs l'idée de Wagner, c'est d'avoir privilégié
l'option d'aptitudes combinées. En effet, dans leur liste, Turney et
collaborateurs ont classé les aptitudes en rapport avec sept
catégories qui sont : (i) la motivation, (ii) la présentation et
la communication, (iii) le questionnement, (iv) le travail par groupes ou
l'apprentissage
19 Voir annexe 3, liste des aptitudes selon Turney et
collaborateurs.
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individuel, (v) les processus intellectuels des
élèves, (vi) l'évaluation et, enfin (vii) l'animation et
la discipline.
En outre, il faut reconnaître que le stagiaire a besoin
d'éléments de jugement pour opérer un choix parmi les
aptitudes. Il doit avoir un minimum d'informations sur les aptitudes à
exercer. Son autonomie de choix parmi les aptitudes disponibles doit se limiter
soit à l'ordre de traitement soit au nombre d'aptitudes (par exemple
deux sur cinq à traiter).
Par ailleurs, il serait profitable que le choix des aptitudes
fasse l'objet de discussions car selon Altet et Britten (1983), « en M-E,
le choix de l'individu n'est pas contraint par la préférence des
autres, sauf dans la mesure où la présentation des aptitudes
serait faite en groupe » (p. 56). Mais quelle que soit l'aptitude retenue,
il serait nécessaire que la séquence soit enregistrée et
la bande visionnée par les futurs maîtres et le formateur.
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