WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Stratégies de sortie de crise pour le coton africain à  l'OMC et au-delà . Défis actuels et futurs

( Télécharger le fichier original )
par Hadi Honoré YONLI
Global Business School, Tarragona (Espagne) - Master en relations internationales 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre I : Présentation de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le C_4 dans les négociations multilatérales

Le coton joue un rôle crucial dans le développement de plusieurs pays d'Afrique notamment en Afrique de l'Ouest et du Centre. Depuis les années 1980, la production et les exportations de coton en provenance de cette région ont été multipliées par 4, représentant entre 5 et 10 % du produit intérieur brut. Près de 30% des recettes d'exportation viennent du coton et concernent directement plus de 10 millions de personnes dans cette région. « Naturellement » compétitif, le coton africain souffre néanmoins de l'impact des subventions américaines et européennes à la production de coton ayant pour effet de faire baisser les prix sur le marché international du coton.

Dès 2001, les gouvernements des pays africains producteurs de coton se sont trouvés confrontés au mécontentement croissant des paysans qui souffrent de la perte des recettes tirées du coton. Au mois de novembre, l'Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB) ainsi que d'autres associations de cotonculteurs d'Afrique de l'Ouest et du Centre ont interpellé l'opinion dans une déclaration commune pointant du doigt les subventions occidentales : « En subventionnant leurs producteurs de coton les E.U. et l'U.E. menacent gravement le coton africain, et donc l'avenir de millions de producteurs, et les économies de nombreux pays comme celles du Bénin, du Burkina Faso et du Mali. Aussi, nous demandons solennellement aux EU. et à l'U.E. de supprimer leurs subventions aux producteurs de coton8 ».

Les efforts de lobbying des associations de producteurs, soutenues par plusieurs ONG, commencèrent à porter leurs fruits en Juin 2002 quand la Conférence des Ministres de l'Agriculture de l'Afrique de l'Ouest et du Centre décida d'analyser l'impact des subventions occidentales sur leurs filières cotonnières en vue de négociations futures avec les Etats-Unis et l'Union européenne dans le cadre de l'OMC. Les négociations commerciales multilatérales du Cycle de Doha lancées deux ans plus tôt avec le développement comme objectif affiché seraient le moyen de rechercher une solution en demandant la suppression ou la réduction significative des subventions au coton qui contreviennent aux règles de l'OMC.

Le dossier a rapidement pris de l'ampleur à l'approche de la Conférence Ministérielle de Cancun, notamment après la plainte du Brésil en septembre 2002 contre les Etats-Unis à l'OMC pour ses subventions au coton (nous y reviendrons dans la partie III de ce chapitre).

Les quatre pays en Afrique de l'Ouest et du Centre (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) les plus touchés par les effets des subventions des pays développés se sont mis à préparer activement une proposition solide. En avril 2003, ils déposent une proposition de négociations intitulée «Réduction de la pauvreté: initiative sectorielle en faveur du coton» aux organes compétentes de l'OMC.

Cette proposition fait suite à la Conférence ministérielle de Doha de 2001, où il a été décidé de faire du cycle de négociations lancé alors un Cycle du développement, et à la veille de la conférence ministérielle de l'OMC de Cancun

8 Appel commun des producteurs de l'Afrique de l'ouest et du Centre, novembre 2001

11

prévue pour septembre 2003 et pour laquelle l'initiative devait s'assurer d'être soutenue. C'est dans ce cadre que Monsieur Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, a été invité au nom de ses pairs africains à faire une présentation devant le Conseil Général9 de l'OMC en juin 2003. Dans son discours, le Président du Burkina Faso a dit en substance que « pour la première fois, les pays africains ne demandent pas l'aumône, nous demandons tout simplement que les membres de l'OMC respectent les règles de l'organisation, règles auxquelles ils ont librement consenti». Cela a contribué à assurer les soutiens nécessaires, y compris ceux émanant des coalitions de l'OMC dont davantage de soutien était recherché. C'était là le début de l'offensive diplomatique et stratégique appelée « l'initiative sectorielle en faveur du coton » comme faisant partie intégrante du Programme de Doha pour le développement.

Dans cette partie, il s'agira dans une première partie de présenter et d'analyser l'Initiative sectorielle en faveur du coton et de faire le point des négociations depuis la soumission de cette initiative à nos jours (novembre 2013). La deuxième partie sera consacrée au volet développement du dossier coton notamment une analyse du mécanisme du Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce en faveur du coton. La dernière partie de ce chapitre sera consacrée au différend Etats -Unis / Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette partie d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient gagnés les pays africains en allant au recours.

I. Initiative sectorielle en faveur du coton

L'initiative sectorielle en faveur du coton a été soumisse en avril 2003 à l'OMC et visait à obtenir :

- l'élimination des subventions qui créent des distorsions au commerce

international du coton ;

- la réduction substantielle des soutiens internes qui créent des distorsions

au commerce international du coton ;

- le régime d'accès du coton en franchise de droits et sans contingent

(exonéré de droits de douane et d'autres taxes, et sans limitation des quantités exportées) sur le marché international ;

- la mise en place d'un Mécanisme de gestion des pertes de revenus

d'exportation du coton sur le marché international, jusqu'à l'élimination

totale des soutiens internes et des subventions que certains pays développés accordent à leurs producteurs et exportateurs de coton.

9 Le Conseil général est l'Organe de décision suprême de l'OMC à Genève; il se réunit régulièrement pour exercer les fonctions de l'OMC. Il est composé de représentants (habituellement, des ambassadeurs ou des fonctionnaires de rang équivalent) de tous les gouvernements Membres et est habilité à agir au nom de la Conférence ministérielle, qui ne se réunit que tous les deux ans. Le Président est actuellement S.E. Mr. Shahid BASHIR (Pakistan).

12

I.1. Point des négociations sur le dossier coton depuis avril 2003 à novembre 2013

Comme on pouvait s'y attendre, l'initiative fut sujette à controverse au sein des membres de l'organisation. Alors que de nombreux pays en développement se félicitèrent de la proposition du C_4, plusieurs délégués déclarèrent que l'initiative ne pouvait pas être inclue dans le programme de Doha pour le développement. Selon eux, la question du coton constituait un sujet nouveau qui ne faisait pas partie du mandat confié à Doha. Fait intéressant, les États-Unis et l'Union européenne n'ont pas réagi du tout à la proposition. Il était cependant clair que des négociations intensives allaient être nécessaires afin de s'assurer le soutien crucial d'autres groupes de négociation tels que le Groupe africain, les PMA et le Groupe ACP si l'initiative devait faire partie du programme de travail de Doha.

Le premier groupe à avoir adopté l'initiative sectorielle en faveur du coton comme dossier de négociation fut celui du groupe d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP), au cours de la 77eme session de son conseil des ministres tenue à Bruxelles en mai 2003.

En juin 2003, il fut suivi par le Groupe des PMA au cours de la réunion ministérielle de Dacca, au Bangladesh. Cependant, arriver à cette décision ne fut pas chose facile, car certains des États membres ayant un grand intérêt dans l'importation du coton, y compris en provenance des Etats-Unis, pour alimenter leur industrie textile très performante qui, bénéficiant de la Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA en anglais), pouvait exporter ses produits textiles sur le marché américain. Ces pays se trouvaient donc dans un conflit d'intérêt mais finalement, après d'intenses consultations où on a fait valoir que la question du coton était une préoccupation pour 36 pays (dont la plupart était des PMA) et qu'on ne pouvait pas laisser les intérêts d'un seul pays ou de quelques pays menacer les moyens de subsistance de plus de 15 millions d'africains, ces pays résistants ont finalement accepté de s'associer au consensus. À ce stade, l'initiative bénéficiait donc de l'appui de deux groupes majeurs de pays en développement au sein de l'OMC.

Dans le cas du Groupe africain, des complications sont également apparues du fait qu'un certain nombre de membres avaient décidé à la même époque de présenter une proposition sur les matières premières. Heureusement, alors qu'une certaine rivalité commençait à naître entre les deux propositions, la seconde fut abandonnée et le Groupe finit par appuyer l'initiative du C_4.

Ainsi, durant les préparatifs pour la Conférence ministérielle de Cancun, le Groupe africain, les ACP et les PMA n'eurent de cesse d'appuyer l'initiative en faveur du coton dans leurs déclarations tant individuelles que collectives, et furent bientôt rejoint par d'autres pays en développement influents comme le Brésil, l'Inde et la Chine. Au vu de ce soutien général des pays en développement et de quelques pays développés, il devenait difficile d'ignorer le sujet du coton dans le cadre de la conférence de Cancun et les Etats-Unis firent alors une courte déclaration par laquelle ils reconnaissaient que la question du coton était d'importance et méritait d'être examinée. C'était là l'un des premiers et plus importants succès diplomatiques de l'initiative sectorielle en faveur de coton.

13

A partir de cet instant, le Groupe C_4 a intensifié son travail de plaidoyer et les consultations ont continué pour faire accepter l'initiative sectorielle en faveur du coton comme faisant partie intégrante du programme de Doha pour le développement à Cancun. Quelques jours avant le début de la conférence, le président du Bénin d'alors, Monsieur Mathieu Kerekou, s'est rendu à la commission de l'Union européenne pour rechercher des soutiens alors qu'au même moment le Président du Mali, Monsieur Amadou Toumani Touré se rendait à Washington pour évoquer entre autres avec les autorités américaines la question du coton. A la veille de la conférence, les ministres de l'Allemagne, de l'Angleterre, des Pays-Bas et du Danemark, pays qui fournissent de l'aide aux pays en développement ont organisé une réunion sur la question du coton qui a rassemblé de nombreuses ONG, organisations de producteurs de coton africains, journalistes et représentants des États-Unis, et dont les résolutions favorables à l'initiative sur le coton ont contribué à la faire connaître. Cette volonté politique au plus haut niveau couplée à une campagne de sensibilisation efficace ont finalement porté leurs fruits et la question du coton fut inscrite comme le premier point de l'ordre du jour de la conférence ministérielle de Cancun, tout juste après les discours d'ouverture.

A cette conférence, le coton devint le symbole de l'aspect développement du Cycle de Doha. Toutefois, avec l'échec de Cancun et le dépassement de toutes les échéances programmées du Cycle, le sprint devint un marathon.

En 2003, l'Initiative Coton est devenue l'un des thèmes principaux de la négociation de Doha et représente toujours pour la communauté internationale un test quant à son engagement réel de faire de Doha le cycle du Développement. Il y a aujourd'hui une reconnaissance internationale du fait que les subventions au coton nuisent gravement aux pays pauvres en développement dépendant des exportations de coton et des produits dérivés du coton10 à la fois pour leur intégration économique internationale et leur développement national.

La prolongation des négociations a nécessité des capacités grandissantes des pays impliqués pour prendre des décisions rapides et difficiles sur des compromis relatifs aux positions qu'ils défendent.

I.1.1. Conférence de Cancun : échec/espoir

A l'ouverture de la Conférence Ministérielle de Cancun le 10 septembre 2003, la plupart des groupes de négociation ont apporté leur soutien au « dossier coton » et ont réclamé que l'on mette fin dans un bref délai à l'injustice des subventions ayant des effets de distorsion des échanges. En fait, toutes les délégations des pays en développement ainsi que celles de certains pays développés, à l'exception de l'Union européenne et des Etats-Unis, ont soutenu l'initiative. Le soutien du Groupe africain, des PMA, du Groupe des Etats ACP et du G-90 (PMA, Groupe africain et ACP) créé lors de cette conférence ont largement contribué à cette grande victoire d'étape.

A l'issue de la session d'ouverture, la délégation des Etats-Unis a invité le C_4 pour des consultations durant lesquelles elle a fait valoir que leurs subventions

10 La définition de produits dérivés pose problème à certains alliés du C_4 qui fini par abandonné le terme

14

n'étaient pas la cause de la chute du prix du coton sur les marchés internationaux, mais plutôt la concurrence avec les nouvelles fibres comme le nylon et d'autres dérivés du pétrole qui étaient moins cher que le coton. Les Etats-Unis ont présenté un projet d'accord au C_4 qui résumait ces arguments et arguait que les Etats-Unis étaient déterminés à aider les producteurs de coton africains à atteindre des rendements plus élevés. Naturellement le C_4 a refusé cet accord.

Lors de la session officielle consacrée à l'initiative sectorielle en faveur du coton, tous les pays en développement ont réaffirmé leur soutien à la position du C_4 et les États-Unis sont restés sur leur position qui consistait à dire que les nouvelles fibres et le faible rendement du secteur cotonnier africain étaient responsables des prix bas. Plus la Conférence avançait, plus cette opposition entre pays en développement et pays développés s'est accentuée à tel point que la conférence s'est retrouvée dans l'impasse un jour avant sa conclusion prévue. Si la principale cause de cet échec est à chercher dans le refus des pays en développement de débattre des «questions de Singapour11» chères aux pays développés, les désaccords sur le dossier agricole en général et sur le coton en particulier ont cristallisé les divergences. Si certains ont soutenu que l'initiative sur le coton était responsable de l'effondrement de la conférence ministérielle de Cancun et que l'espoir s'était évanoui pour des millions de producteurs de coton africains, les négociateurs du C_4 n'ont pas abandonné pour autant.

En effet, dans la période qui suivit, le travail technique sur la question du coton a continué à Genève malgré l'opposition des pays développés qui faisaient valoir que l'introduction d'une initiative distincte sur le coton perturberait le processus de négociation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire