Résumé
Il y a quelques années, le coton était pour
l'Afrique en général et particulièrement pour l'Afrique de
l'Ouest et du Centre, une source de richesse. De nos jours, il est devenu un
fardeau pour ces pays, un facteur d'appauvrissement.
Quoique plusieurs facteurs notamment la
dépréciation des prix au niveau international, l'environnement,
les problèmes de compétitivité et de productivité
et les subventions des Pays développés aient conduis à
cette situation. Les subventions agricoles sont la principale cause de cette
dérégulation du marché qui a de sérieuses
conséquences sur les économies des pays africains producteurs de
coton.
A côté de l'impact macroéconomie des pertes
de recettes dues aux subventions des pays développés, il faut
ajouter les répercutions socio-économiques pour les vingt (20)
millions de personnes qui vivent directement du coton en Afrique.
Le paradoxe de cette situation est que le producteur africain
n'arrive plus à vivre de son coton qui est pourtant le plus
compétitif au monde.
Les subventions des pays développés ont toujours
été donc considérées comme un élément
important du problème du coton africain.
Beaucoup de concertations formelles et informelles ont
été organisées. Plusieurs organisations,
intergouvernementales et de la société civile, ont
été impliquées.
Les négociations sur le coton durent depuis 10 ans
maintenant et le Cycle de Doha ne semble pas donner une solution heureuse
jusqu'à maintenant pour les pays africains.
Globalement, l'objectif de cet thème est de faire
l'état des lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de
fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des
modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans les autres instances
internationales pertinentes.
7
Introduction
Le coton et son importance pour les économies d'un groupe
de pays de l'Afrique remonte à la révolution industrielle en
Europe, qui a vu la naissance d'une industrie textile mécanisée
approvisionnée par le coton des colonies. Depuis le milieu du
XIXe siècle, la hausse des prix du coton en Inde et la
diminution de la production américaine ont forcé les puissances
européennes à chercher des marchés d'importation
alternatifs. À l'époque, la France qui contrôlait une
partie non négligeable de l'Afrique de l'Ouest résolut
d'établir une entreprise publique, la Compagnie Française pour le
Développement des Fibres Textiles (CFDT), qui entreprit de fournir la
métropole en coton bon marché pour approvisionner en
quantité suffisante l'industrie européenne du vêtement
alors en plein essor.
Après les indépendances des années 1960, les
pays ouest-africains mirent en place leurs propres entreprises publiques de
coton et intensifièrent le développement du secteur avec un grand
succès. Ils ont constamment amélioré et augmenté la
production de cette matière première au point d'en faire la
principale, sinon la seule, filière pourvoyeuse de devises
étrangères et d'emplois à la ville comme à la
campagne. Dans les usines d'égrenage, dans les huileries utilisant la
graine de coton, dans les usines de filature et les transports, nombreux
étaient ceux qui vivaient de cette filière.
Quarante ans plus tard, la production avait décuplé
jusqu'à atteindre 5% de la production mondiale de coton, la surface
destinée à sa production avait quadruplé, et l'Afrique de
l'Ouest se plaçait à la troisième place des plus gros
exportateurs de coton avec 15 % des exportations mondiales. Près de 10
millions de personnes dans toute l'Afrique francophone tiraient leurs moyens
d'existence du coton1 . Cet avantage concurrentiel dans la
production de coton a généré des revenus d'exportation et
a favorisé le développement des zones rurales où se
faisait la production. Même les paysans d'autres pays africains moins
dépendants du coton tiraient une partie de leurs revenus de la culture
de ce que l'on avait appelé « l'or blanc ». Au total, 36 pays
africains et d'autres pays membres du Groupe des Etats d'Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont aujourd'hui des intérêts
liés à la culture du coton. Cependant, la dépendance des
pays d'Afrique de l'Ouest vis-à-vis de l'exportation du coton n'a
cessé de croître jusqu'à ce que celle-ci représente
un tiers des exportations totales en 20092.
Pourtant, en 2003, quatre pays africains producteurs de coton :
le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad (ci-après
après dénommés C_4) restaient parmi les pays les plus
pauvres du monde, tous les quatre ayant quasiment 50 % voir plus de leur
population vivant en dessous du seuil de pauvreté international de 1,25
$3. Dans un monde exempt de distorsions commerciales, ce à
quoi tous les pays membres de l'OMC aspirent, leur avantage concurrentiel dans
la production de coton combinée avec l'augmentation de la demande
mondiale aurait dû permettre à l'Afrique de l'Ouest de sortir de
la pauvreté par le commerce.
1 Le cas du coton brésilien à l'OMC : entre la
négociation et le contentieux » Ray A. Goldberg, Robert Lawrence
and J. Katherine Milligan, 2005
3 World Development Indicators , Banque mondiale, consulté
le 14 avril 2011
2 ITC Trade Map. Consulté le 14 avril 2011
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En effet, à la même époque, certains pays
développés comme les Etats-Unis et l'Union européenne (en
particulier la Grèce et l'Espagne) ont décidé de stimuler
la production du coton dans leur espace économique en allouant
d'énormes subventions à leurs producteurs de coton à
travers des lois agricoles (Farm Bill aux Etats-Unis et Politique
Agricole Commune en Europe). Ainsi, les cotonculteurs américains (au
nombre de 25 000) perçoivent des subventions à hauteur de 5
milliards de dollars par an. En Europe, les producteurs de coton sont moins
nombreux et le volume des subventions est moins élevé, mais il
reste le plus élevé à l'hectare. En offrant des
incitations à produire des quantités que le marché ne peut
absorber et en accordant des subventions à l'exportation, ces programmes
ont fait chuter les prix de 12,9 %, selon la Banque Mondiale4.
Malgré le fait que les pays d'Afrique de l'Ouest produisent du coton 50%
moins cher que l'UE ou les Etats-Unis, les graves distorsions causées
par les programmes de subventions occidentaux empêchent ces pays
d'écouler efficacement leur production sur le marché
international5.
Le prix du coton sur le marché mondial s'est
effondré de 54 % entre le milieu des années 1990 et 2003,
diminuant ainsi considérablement le revenu des 10 millions d'Africains
de l'Ouest et du Centre qui dépendent directement de sa production. La
perte des recettes d'exportation a sérieusement affecté le budget
de ces pays, alors que dans le même temps, le FMI poussait pour le
remboursement de leur dette. Bien que les facteurs qui expliquent la baisse des
prix sont nombreux et complexes, le plus significatif est l'augmentation des
subventions allouées par les États-Unis et l'Union
européenne à quelques producteurs de coton dans leurs pays.
D'ailleurs, un rapport publié par la Fairtrade Foundation fait
remarquer que "le retrait des seules subventions américaines
entraînerait la hausse des cours mondiaux de 6 à 14 %, la hausse
des prix payés aux producteurs d'AOC de 5 à 12 %, et la hausse du
revenu moyen des ménages d'Afrique de l'Ouest et du Centre de 2 à
9 %, soit l'équivalent des dépenses alimentaires d'un million de
personnes6.
Les pays africains ne sont pas les seuls affectés par la
chute des prix mondiaux, comme en témoigne l'affaire du coton
portée par le Brésil devant l'organe de règlement de
différends de l'OMC7.
Alors que la question fut soulevée quant à savoir
si le C_4 devait se joindre à la plainte, il fut réticent
à le faire notamment parce que le règlement des différends
à l'OMC prend beaucoup de temps, et quand bien même la
décision serait en leur faveur ils ne seraient pas en mesure d'exercer
des représailles contre les Etats-Unis en cas de non-respect. Finalement
le C-4 a choisi la voie de la négociation à travers
l'Organisation Mondiale du Commerce.
L'objectif de cet thème est de faire l'état des
lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de fournir aux
différentes parties prenantes sur le coton des modalités
pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à l'OMC et dans
les autres
5
6Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair
Trade Foundation, janvier 2011 7Ibid.
4 Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair Trade
Foundation, janvier 2011 «Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair
Trade Foundation, janvier 2011
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instances internationales pertinentes. Pour ce faire nous allons
dans un premier chapitre faire une présentation détaillée
de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le
C_4 dans les négociations multilatérales. Il s'agira dans ce
chapitre de présenter le volet commercial du dossier coton en rappelant
les faits saillants, son évolution et les acquis. Un point relatif au
volet développement du dossier coton notamment une analyse du
mécanisme du Directeur Général de l'Organisation Mondiale
du Commerce en faveur du coton et sera également fait. La
dernière partie de ce chapitre sera consacrée au différend
Etats Unis-Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette
partie d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient
gagné les pays africains en allant au recours.
Un deuxième chapitre fera un état des lieux des
filières cotonnières en Afrique notamment les difficultés
rencontrées et les différentes réformes internes
entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain.
Un troisième chapitre sera consacré aux
leçons à tirées et les perspectives notamment aux
défis futurs à l'OMC et dans les autres enceintes internationales
pour les pays africains producteurs de coton.
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