I.2. Analyse des négociations avec l'Union
Européenne
Il faut cependant reconnaitre que des efforts ont
été faits par l'Union européenne notamment au travers de
la réforme de 2004, confirmée en 2006 après la demande de
mise en conformité requise par la Cour de justice de l'Union
européenne. L'Union européenne a ainsi découplé
à 65%34 ses subventions au coton et transféré
le reste des subventions ayant un effet de distorsion des échanges de la
catégorie orange35 à la catégorie
bleue36, considérée comme ayant des effets de
distorsion moindres. A l'époque, cet élan positif fut
salué par les pays du C_4 comme un pas supplémentaire vers un
découplage à 100%, ce qu'ils continuent de demander. De
33 Le Secrétariat de l'OMC a propose 8
méthodologies différentes. Il semble raisonnable de choisir pour
définir la limite maximale la formule qui soit la plus avantageuse pour
les Etats-Unis et l'Union européenne.
34 Les subventions au coton ne sont plus
liées à la production de coton et 35% de ces subventions sont
liées à la production spécifique au coton
35 Toutes les mesures de soutien interne
réputées avoir des effets de distorsion sur la production et les
échanges (à quelques exceptions près) entrent dans la
catégorie orange. Selon la définition figurant à l'article
6 de l'Accord sur l'agriculture, regroupe toutes les mesures de soutien interne
à l'exception de celles qui relèvent des catégories bleue
et verte. Il s'agit notamment des mesures de soutien des prix ou des
subventions directement liées aux quantités produites.
36 La catégorie bleue est une "catégorie orange
assortie de conditions", lesquelles visent à réduire les
distorsions. Selon l'article 6 de l'Accord sur l'agriculture, tout soutien qui
relèverait normalement de la catégorie orange entre dans la
catégorie bleue s'il oblige les agriculteurs à limiter leur
production.
54
plus, les pays africains producteurs de coton considèrent
qu'il s'agit là d'une réforme incomplète qui ne remplit
pas les obligations de Hong Kong. En effet, les subventions européennes
au coton restent les plus élevées au monde par kilogramme et leur
taux de découplage (65%) reste substantiellement plus bas que la moyenne
de l'ensemble des produits agricoles (>90%). Ceci est en contradiction avec
l'engagement pris par l'Union européenne à Hong Kong de faire
plus dans le coton que dans le reste de l'agriculture en raison de son
importance pour le
développement des pays pauvres.
I.2.1. Union européenne sur le marché
mondial du coton
L'Union européenne considère que comme elle
n'exporte pas, elle n'a pas d'influence sur le marché mondial. De plus,
elle considère que de par la réforme, décidée en
2004, elle a éliminé 100% des subventions de la boite orange en
les transférant vers la boite bleue (35%) et la boite verte (65%). Selon
la Commission, elle remplit donc totalement et indiscutablement les
critères de Hong-Kong car il n'y a plus de subventions dans la boite
orange. Elle estime à 278 millions d'euros ce qui reste dans la boite
bleue. Ce qui est dans la boite verte ne doit pas être
comptabilisé (environ 600 millions d'euros) car non couplé au
coton.
Or, l'Union européenne occupe un segment non
négligeable sur marché du coton, elle exporte (bien qu'elle dise
souvent le contraire) vers la Turquie. La Grèce par exemple exporte 65 %
de sa production de coton. La garantie inscrite dans le protocole
d'adhésion de la Grèce et de l'Espagne a été
pensée en termes de « filière », ce qui veut dire que
garantir la production servait à alimenter un appareil de production de
textile. Or la quasi-totalité de l'industrie textile de ces pays a
été délocalisée dans des pays où la main
d'oeuvre est moins chère, ce qui fait que les exportations sont
constituées de coton brut en majorité, et non de produits
transformés.
L'argument selon lequel la production européenne est
négligeable ne tient pas : le marché mondial n'étant que
la somme des marchés nationaux, l'EU ne peut nier sa place sur ce
marché mondial.
Enfin, les subventions de l'UE couplées ont, par
définition, un effet de distorsion sur le commerce (même si elles
sont moins distortives que les subventions américaines). De plus, des
études de l'OCDE ont montré que des subventions non distortives
(paiements directs) quand ils sont combinés avec des subventions de type
boite bleue, ont un effet distortif pour le commerce car encouragent la
production.
La Commission a sans doute raison de dire que la suppression des
seules subventions européennes aurait un effet très limité
sur les prix du coton et donc sur le revenu des pays africains. Cependant, ce
raisonnement ne tient pas compte de l'importance de la position de l'Union
européenne dans la négociation multilatérale.
Une réduction substantielle des subventions
européennes au coton est probablement une condition nécessaire
pour arriver à une solution multilatérale qui elle aurait
certainement, comme maintes fois démontré, un effet positif sur
le revenu des pays africains.
55
|