2. Théories de
l'acquisition du langage
Il existe différents points de vue dans la
littérature concernant l'acquisition du langage.
A. Interactionnisme
Lev Sémionovitch Vygotskiinscrit sa
théorie dans une perspective interactionniste.La notion fondamentale de
sa théorie est que le langage possède une origine sociale.
L'enfant, dès sa naissance, est dans un réseau d'interactions
familiales, ce qui lui permet de développer ses fonctions mentales
supérieures, à savoir le langage et la pensée.L'enfant
acquiert le langage grâce à deux racines : une racine verbale
de communication avec l'entourageet une racine intellectuelleavec la
construction de représentations. L'enfant s'approprie petit à
petit des instruments psychologiques grâce à l'aide de l'adulte
tels que le langage, l'écriture ou le calcul. C'est essentiellement le
langage qui permet le développement de l'intelligence de l'enfant. Pour
lui, il existe deux facteurs dans le développement de l'enfant qui sont
l'importance accordée aux situations de communication et l'importance
des relations dites « asymétriques » entre l'enfant
et l'adulte. Ici, l'apprentissage s'acquiert avec l'aide d'un adulte
expert : c'est ce que Vygotski nomme la phase interpsychologique. Par la
suite, l'enfant n'aura plus besoin de l'adulte : c'est la phase
intrapsychologique. La période située entre ces deux phases
est appelée zone proximale de développement(1978). Une zone
proximale de développement existe pour chaque apprentissage, où
grâce à l'adulte l'enfant développe toutes sortes de
connaissances. Bernicot s'oppose à la place des relations
asysmétriques entre l'enfant et l'adulte car pour elle, l'enfant n'a pas
obligation d'être dans une relation asymétrique pour qu'il soit
dans l'apprentissage.
Vygotski attribue au langage égocentrique de l'enfant
une fonction majeure, car il permet une sorte de transition entre un langage
intérieur destiné à soi-mêmeet un langage
socialisé pour échanger avec autrui. Selon lui, le langage
s'acquiert selon une loi générale du développement (1981)
où dans une première phase dite
« interpsychologique » l'adulte interprète les
énoncés de l'enfant et dans une seconde phase intrapsychologique
où l'enfant contrôle les échanges de par lui-même.
Pour lui, le langage a pour but la communication. Fitch,
Hauser et Chomsky (2005) pensent cependant que le langage a
évolué avec l'homme dans le but qu'il ait une meilleure
représentation du monde pour pouvoir agir d'une meilleure façon
sur le monde.
D'un autre point de vue interactionniste, en s'appuyant sur
des travaux de Vygotski, Bruner s'est essentiellement
intéressé aux interactions entre l'adulte et l'enfant. Selon lui,
c'est grâce à l'environnement et aux échanges sociaux que
l'enfant apprend le langage. Il est considéré comme un partenaire
de dialogue. L'enfant exerce très tôt des savoir-faire dans
l'interaction avec l'adulte, qui vont se développer avec le temps.
Pour Bruner, l'échange entre deux individus est une
action conjointe, appelée aussi format.Le format est un
modèle d'interaction de relation sociale, où les deux individus
utilisent des règles (exemple : règle de clarification). Les
premiers formats d'interactions sont ceux de la vie quotidienne comme les
repas, les jeux, qui sont souvent échangés avec l'adulte. Avec
les multiples médiations sociales qui existent, le format est fait
d'éléments stables et d'éléments plus variables,
mais ce sont avec les nouveaux éléments ayant été
présentés par l'adulte que le format initial s'enrichit. Ainsi
l'enfant comprend qu'il y a une régularité dans les
échanges mais qu'il peut aussi y avoir des changements, sans que cela
pause problème à l'interaction (exemple : changer les
rôles des partenaires de jeux). Les formats sont à la base de
l'acquisition du langage. Pour Bernicot (1992), il existe des formats
utilisés entre l'enfant et l'adulte et des formats pour l'interaction
entre les enfants, car les attentes et intentions des interlocuteurs changent
selon les situations de communications.
Ici, c'est donc grâce aux échanges avec l'adulte
que l'enfant progressera dans son acquisition du langage. « C'est en
jouant avec l'adulte que le bébé commence à construire sa
langue maternelle. Quand il a compris que l'on peut faire des choses avec les
mots, il a déjà appris une chose importante : la langue peut
servir à signaler une intention. » (J. Bruner, 1987). Il
existe pour lui chez l'enfant des facultés mentales, définies
comme étant la capacité à associer les moyens et les buts.
Mais c'est essentiellement en utilisant le langage que l'enfant l'acquiert.
Bruner pense que c'est pendant la période pré linguistique que
l'enfant apprend les règles, avant même de pouvoir parler. Ici, il
n'existe pas de séparation entre la période pré
linguistique et la période linguistique : la syntaxe, la
sémantique et la pragmatique sont apprises de façon autonome.
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