III. Pragmatique et
développement
1. Développement des
capacités pragmatiques
Comme le rappellent Lehalle et Mellier (2005), les
compétences du bébé sont présentes dès les
premiers mois de vie, car il baigne dans le langage qu'il entend de
façon quotidienne. A leur naissance, les nouveau-nés seraient
dotés d'une aptitude universelle, leur permettant de comprendre les
phonèmes de toutes les langues, puis à partir de 6 mois, ils
discriminent les phonèmes propres à leur langue.
Selon Michèle Guidetti (2003),il y a la fois un
répertoire de signaux gestuels et un répertoire de signaux
verbaux qui composent le développement de la communication chez
l'enfant. Ces signaux sont utilisés et interprétés de
façon adéquate en fonction du contexte social.Ainsi, le
développement de la communication chez l'enfant se fait via des moyens
non-verbaux tels que les gestes, les regards, le pointage, la salutation. C'est
à partir de trois ans, lors du développement du langage que
l'enfant commence à acquérir la syntaxe et que son
répertoire lexical s'agrandit.
Pour Dardier (2004), l'enfant acquiert quatre grandes
étapes dans son acquisition du langage. La première
étape est celle d'un période dite
« prélinguistique », où l'enfant, avant la
fin de sa première année, va émettre des sons et des
vocalisations. Vers six mois apparaît le babillage, qui est l'association
de voyelles et de consonnes. Il est dit canonique car il consiste en une
répétition de syllabes (exemple : « pa pa
pa »). Le babillage est une étape importante dans le
développement langagier du jeune enfant. Des recherches ont
montré que les babillages des enfants sont différents selon la
langue maternelle. Boysson-Bardies, Sagart et Durand (1984) ont montré
que les adultes arrivent à différencier le babillage d'un enfant
français par rapport à celui d'un enfant arabe ou cantonais du
même âge.
La deuxième période de l'acquisition du langage
est celle des énoncés composés d'un seul mot. L'enfant
produit son premier mot vers l'âge d'un an. Il utilisera un même
mot dans des situations différentes et c'est l'adulte qui
décodera le sens voulu par l'enfant. A dix mois, un enfant comprendrait
environ 30 mots et à seize mois 200 mots (Bates et al, 1995). La
troisième phase est celle des énoncés de deux mots, qui
commence vers vingt mois. L'enfant développe un vocabulaire plus
étendu et sa prononciation est meilleure. C'est ici que l'acquisition de
la grammaire débute.
La dernière période se situant vers l'âge
de trois ans est celle de la phrase.L'enfant, petit à petit, utilise des
noms, des pronoms, des articles, des adverbeset les temps des verbes commencent
à êtremaîtrisés vers cinq ans. D'après le
tableau 1 (page 20), on s'aperçoit que les habilités pragmatiques
se développent lentement jusqu'à l'adolescence.
Boysson-Bardies (1996) précise que chez les enfants de
3 mois, on observe déjà des échanges vocaux
alternés avec la mère (qui durent cependant pendant une courte
période de deux à trois semaines). Boysson-Bardies parle de
turn-taking quand la mère cesse de parler à
l'enfant et qu'il se met à gazouiller.
Dore pense que lors de la deuxième année, on
peut distinguer chez l'enfant différents actes de paroles dits
« primitifs », c'est-à-dire la production d'un mot
unique. Avant l'âge de deux ans, les enfants adaptent leur langage selon
l'interlocuteur qui se trouve face à eux. C'est ainsi que la
compréhension du langage évolue petit à petit, avec le
passage entre la période prélinguistique, avec l'utilisation des
gestes et linguistique, avec l'arrivée du langage. (Dardier, 2004).
Les enfants entendent des adultes des mots dans des situations
et contextes divers et arrivent à leur attribuer une signification
particulière. Ils comprennent ainsi qu'un même mot peut parfois
avoir plusieurs significations.
Solés'est attardée sur les récits
d'enfants. Elle démontre que l'âge d'un enfant est un facteur
important dans le nombre d'informations qu'il va donner dans les narrations. La
longueur du récit augmente avec l'âge. A partir de cinq ans, ils
font essentiellement de la narration descriptive et les
évènements se forment dans une chaîne temporelle. Vers six/
sept ans, l'enfant pourra constituer des relations de causalité entre
les évènements. Le récit se consolide à partir de
neuf ans.
Développement des capacités
pragmatiques
Thèmes
|
Age d'apparition
|
Références
|
Alternance des tours de parole
|
8-9 mois
|
Ninio et Bruner (1978)
|
Intentions communicatives prélinguistiques
|
12 mois
|
Coggins et Carpentier (1981)
|
Développement rapide des actes de communication
|
Entre 14 et 32 mois
|
Snow, Pan et al. (1996)
|
Alternance des tours de parole
|
Stabilisé entre 2,6 et 3,6 ans
|
Klecan-Aker et Swank (1988)
|
Maintien du thème de conversation dans une interaction
avec l'adulte
|
A partir de 2 ans
|
Ervin-Tripp (1979)
|
Clarifications
|
A partir de 2 ans
|
Gallagher (1977)
|
Adaptation du type de discours en fonction de
l'interlocuteur
|
A partir de 2 ans
|
Dunn et Kendrick (1982)
|
Usage des premières formes de politesse
|
A partir de 2 ans
|
Bates et al. (1979)
|
Inférer l'information à partir de
récits
|
Entre 3 et 4 ans
|
Paris et Upton (1976)
|
Usage de divers actes de langage
|
Entre 3 et 4 ans
|
McTear et Conti-Ramsden (1992)
|
Inférer des significations indirectes
|
Entre 4 et 6 ans
|
Eson et Shapiro (1982)
|
Restituer le thème central d'un récit
|
Entre 5 et 7 ans
|
Liles (1993)
|
Habiletés métapragmatiques
|
Entre 6 et 7 ans
|
Andersen-Wood et Smith (1997)
|
Maîtrise des marqueurs du discours
|
7 ans
|
Kyratzis et Ervin-Tripp (1999)
|
Bon usage de formes anaphoriques
|
Entre 6 et 7 ans
|
Karmiloff-Smith (1885)
|
Pertinence et efficacité dans la communication
|
A partir de 9 ans
|
Lloyd et al. (1995)
|
Usage complet des formes de politesse
|
A partir de 9 ans
|
McTear et Conti-Ramsden (1992)
|
Amélioration de la cohésion du discours
|
De 9 à 12 ans
|
Ripich et Griffith (1988), Bamberg (1987)
|
Explication d'expressions idiomatiques
|
Jusqu'à l'âge de 17 ans
|
Spector (1996), Nippold et Rudzinski (1993)
|
Tableau 2 : Développement des capacités
pragmatiques (d'après Adams, 2002)
|