5. Paul Grice
En 1979, Grice énonce que les échanges entre
interlocuteurs sont guidés par un principe de coopération,
permettant ainsi l'intercompréhension entre les différents
membres. Un échange implique un respect de règles communes.
Le principe de coopération est donc en jeu dans les
situations d'interaction où les interlocuteurs prennent la parole
à tour de rôle, ce qui est le cas dans la plupart des situations
de la vie quotidienne.
Pour qu'une communication soit réussie, il existe
quatre maximes :
§ Une maxime de quantité : les partenaires ne
doivent ni trop donner d'informations, ni pas assez, il faut trouver un
équilibre. Grice précise « Donnez autant
d'informations qu'il est requis ».
§ Une maxime de qualité : ce que disent
les interlocuteurs est censé être vrai (ou supposé vrai).
« N'affirmez pas ce pour quoi vous avez manqué de
preuves ».
§ Une maxime de relation : les informations fournies
doivent être en rapport avec le thème de départ.
« Parlez à propos ».
§ Une maxime de manière ou de
modalité : les interlocuteurs doivent être clairs et
compréhensibles. « Soyez clairs ».
Il peut cependant arriver qu'un locuteur transgresse une de
ces maximes définies ci-dessus. Ainsi, il produira un sous-entendu que
Grice appelle implicature.
Exemple :
A : « Veux-tu un chocolat ? »
B : « Je ne voudrais pas
grossir. »
Ici, nous pouvons voir que le locuteur B ne parle pas à
propos. A comprend que B ne veut pas de chocolat car il a une connaissance des
effets du chocolat sur la prise de poids. Ainsi, ce que dit B (« je ne
voudrais pas grossir ») est différent de ce qu'il signifie (il
ne veut pas de chocolat).
Clark & Marshall (1981) et Gundel (1985) expliquent que
c'est un concept de connaissances partagées qui a permis à A et
à B de se comprendre. Ces connaissances sont partagées par les
membres d'une même communauté ou bien des expériences sont
partagées par les locuteurs qui peuvent ainsi se comprendre.
6.Dan Sperber et Deirdre
Wilson
Sperber et Wilson ont une vision cognitive du langage. Ils
publient leur théorie en 1986 dans un ouvrage nommé
Relevance.Communication and cognition. Pour eux, le système
cognitif permet de construire une représentation du monde et de
l'améliorer. Bracops (2006) explique que la théorie de Sperber
et Wilson est une théorie dite vériconditionnelle car la
représentation du monde d'un sujet doit être vraie. Ainsi,
l'analyse du langage et de l'activité cognitive prend compte à la
fois de l'accomplissement des actes de langage, l'interprétation des
énoncés, ainsi que la vérité des informations qui
sont communiquées.
Lorsqu'on communique, nous avons en tête plusieurs
idées et si on arrive à les communiquer, alors les auditeurs
auront une idée semblable de celles que nous avons voulu communiquer.
Les idées viennent des états mentaux. Le modèle du code
explique comment nous pouvons transmettre quelque chose qui est dans notre
cerveau. En fait, ce qui nous permet de communiquer est la possession d'un code
commun. Ce code permet d'associer à un sens (c'est-à-dire quelque
chose de mental) une expression (c'est-à-dire quelque chose d'externe).
Les langues humaines sont des codes qui encodent tous les sens
que nous voulons communiquer. Le locuteur encode, au moyen d'une expression, le
sens qu'il veut communiquer et l'auditeur décode l'expression et
identifie ainsi le sens. Le problème dans ce modèle est que les
expressions linguistiques sont riches de sens, mais pourtant, elles ne donnent
qu'une indication toujours ambiguë et incomplète du sens voulu par
le locuteur.
Exemple :
L1 : « Veux-tu dîner avec
moi ? »
L2 : « J'ai déjà mangé.
»
Le sens de ce que veut dire L2 est qu'il a déjà
mangé à un moment antérieur de l'énoncé.
Mais cet énoncé est vrai même s'il a déjà
mangé une fois dans sa vie ! Mais ce qu'il veut dire est qu'il a
déjà mangé le soir même et qu'il refuse donc la
proposition de L1. Ainsi, le sens voulu est beaucoup plus riche que ce qui est
linguistiquement encodé. L'auditeur infère donc un sens
linguistique de l'énoncé par rapport au contexte. L1 produit une
inférence en comprenant que L2 a déjà dîné le
soir même.
· Modèle inférentiel et
communication ostensive-inférentielle
Le modèle inférentiel s'oppose à celui du
code. Ce qui diffère dans ces deux théories est que dans le
modèle du code, qui est un modèle plus ancien, c'est la
communication qui permet aux humains de comprendre leurs pensées. Or
dans le modèle inférentiel qui est plus récent, c'est la
capacité à attribuer des états mentaux à autrui qui
permet la communication. Dans ce dernier, le communicateur produirait un indice
du sens voulu avec des mimiques, gestes, comportements, etc. Les humains ont la
capacité de savoir qu'autrui a des croyances, désirs, et
états mentaux.
Sperber et Wilson parlent de communication
ostensive-inférentielle quand un individu fait connaître à
un autre individu, par un acte quelconque, l'intention qu'il a de lui faire
connaître une information quelconque. Il faut alors prendre compte des
unités non verbales comme les gestes, mimiques,
regards. Bracops (2006) démontre que les unités non verbales
joignent souvent les unités verbales dans la réalisation verbale,
telle qu'une salutation de la main accompagnée d'un
« Bonjour ».
Pour eux, c'est dans les actes de langages indirects que le
rôle du non verbal est relativement important. Par exemple, une
requête exprimée oralement sous forme de question est souvent
suivie d'un mouvement de la tête comme dans la requête
« Peux-tu me passer le sel ? » où le locuteur
tourne la tête vers le sel en même temps.
· Théorie de la
pertinence
Sperber et Wilson ont créé la théorie de
la pertinence après la notion de communication
ostensive-inférentielle, où tout acte de communication
éveille chez le destinataire l'attente de la pertinence de cet acte.
Bracops (2006) développe un exemple de pertinence : avant qu'un
invité approche son assiette vide près d'un plat, l'attention de
la maîtresse de maison n'est pas sollicitée par l'assiette vide de
l'invité, donc elle n'est pas pertinente. Par contre, une fois que
l'invité réalise le geste de tendre l'assiette vide en regardant
le plat, elle devient pertinente car elle est porteuse de signification. La
maîtresse de maison peut ainsi comprendre que l'invité souhaite
être resservi.
Tout énoncé produit suscite chez le locuteur
l'attente de la pertinence de cet énoncé. Bracops (2006) explique
que le principe de pertinence est « Un principe
d'interprétation qui sert de base au processus inférentiel
d'interprétation des énoncés et que l'interlocuteur
utilise inconsciemment » (p.103).
Sperber et Wilson s'inscrivent dans la perspective de la
théorie de Grice. Pour eux, être pertinent, c'est respecter le
principe de coopération de Grice, c'est-à-dire respecter la
maxime de relation, de quantité, de qualité et de manière.
Un échange doit être le plus efficace possible.
Les auteurs de la théorie de la pertinence expliquent
notamment que pour interpréter un acte de communication
ostensive-inférentielle, l'interlocuteur doit accomplir un
raisonnement : ce sont les notions d'effort et d'effet. L'effort
demandé dépend de la longueur de l'énoncé, de sa
syntaxe, de l'ambiguïté possible etc.
Ils démontrent que la conclusion d'un raisonnement
inférentiel peut aboutir à trois types d'effets cognitifs :
l'acquisition d'une nouvelle information, un changement de la force de
conviction (renforcement ou atténuation), ou la disparition totale d'une
croyance, grâce à l'apport d'une nouvelle information plus
convaincante que l'ancienne.
La théorie de la pertinence explique ainsi pourquoi
l'interlocuteur accepte de traiter les actes de communication
ostensive-inférentielles qui lui sont adressés (Bracops, 2006),
car si un interlocuteur estime qu'une information vaut la peine d'y
prêter attention, c'est qu'elle est pertinente, et il fournira donc
l'effort nécessaire pour en faire une interprétation.
· Interprétation des
énoncés
Moeschler et Reboul (1998) expliquent que selon Sperber et
Wilson, la linguistique correspond à un module
périphérique spécialisé dans le traitement des
données linguistiques. Lorsqu'un événement se produit
(comme un son ou un énoncé), les données sont
traitées dans un transducteur qui les traduit dans un format accessible.
Une fois la traduction faite, c'est alors le système
périphérique qui intervient. Il est spécialisé dans
le traitement des données perçues par différents canaux
tels que l'audition, la vision, l'olfaction, ou les données
linguistiques. Quant à la pragmatique, elle s'inscrit dans le
système central. Il permet de compléter la traduction avec
d'autres informations déjà connues ou apportées par
d'autres systèmes périphériques grâce à des
processus inférentiels. Cette théorie provient du philosophe et
psychologue américain Jerry Fodor.
S'inspirant de l'approche Fodorienne, ils pensent alors que le
système périphérique linguistique fournit au
système central une interprétation codique de
l'énoncé à partir de laquelle le système central va
pouvoir opérer pour livrer une interprétation complète
(codique et inférentielle) de l'énoncé.
C'est le module linguistique quipermetla première
interprétation d'un énoncé, qui se présente comme
une forme logique, constituée par un ensemble de concepts qui
correspondent aux composants linguistiques de la phrase.
Ils posent l'hypothèse que l'interprétation des
énoncés se fait par des processus inférentiels qui ont
pour prémisse le contexte. Le contexte regroupe les informations
stockées dans la mémoire à long terme, à savoir les
connaissances encyclopédiques (connaissances qu'à un individu sur
le monde). Nous avons accès à ces informations grâce
à des données venant de la situation ou de l'environnement
physique (présentes dans la mémoire à court terme) et
à des données provenant de l'interprétation des
énoncés précédents (présentes dans la
mémoire à moyen terme). Sperber et Wilson parlent d'environnement
cognitif de l'individu. Moeschler et Reboul (1998) expliquent que
l'environnement cognitif regroupe ce que l'individu sait et ce
qu'il peut savoir, l'ensemble des informations auxquelles il peut avoir
accès, et celles auxquelles il peut avoir accès à un
moment donné.
Pour Sperber et Wilson, le contexte se
construit énoncé après énoncé, faisant ainsi
appel à la mémoire à long terme. Le rôle des
concepts présents dans la forme logique entrent alors en jeu :
l'individu va chercher les adresses de concepts présentes dans sa
mémoire à long terme. Ces adresses permettent d'accéder
à des informations contenues dans les concepts. Les informations peuvent
se présenter sous différentes formes d'entrée : cela
peut être une entrée logique (liens entre plusieurs concepts,
relations logiques), une entrée encyclopédique (informations en
relation avec le concept), ou une entrée lexicale correspondante
à la langue naturelle de l'individu.
Moeschler et Reboul (1998) expliquent que pour constituer un
contexte, le système central accède aux données du concept
(données stockées dans la mémoire à long terme).
Par la suite, le concept cherche des informations venant de l'entrée
encyclopédique, puis il applique les processus inférentiels
nécessaires pour arriver à une ou plusieurs conclusions qui
viennent compléter l'interprétation del'énoncé.
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