4. John Searle et Daniel
Vanderveken
Searle et Vanderveken définissent la théorie des
actes de langage comme étant une théorielogique
générale des actes de discours caractérisant la structure
logique de l'ensemble de toutes les forces illocutoires possibles, ainsi que
les conditions de succès et de satisfaction de tous les types d'actes
illocutoires.Searle, en 1954, dit que parler une langue consiste à
accomplir des actes de langageconformément à des
règles.
C'esten 1985 que Searle et Vanderveken proposent une
classification des actes illocutoires. Celle-ci montre que ce que l'on dit peut
avoir des significations différentes en fonction du contexte. Elle est
composée de cinq types d'actes illocutoires :
§ L'acte illocutoire assertif décrit l'état
du monde et engage la responsabilité du locuteur sur l'état ou la
vérité de sa proposition. Exemple : « il
pleut ».
§ L'acte illocutoire directif exprime le désir du
locuteur d'amener l'auditeur à réaliser l'action
souhaitée, allant de la suggestion à l'ordre. Exemple :
« Peux-tu aller me chercher le pain ? ».
§ L'acte promissif ou commissif engage le locuteur
à respecter une certaine conduite future. Exemple : « je
te conduirai à la gare ».
§ L'acte expressif exprime un état psychologique
supposé être sincère contextuellement. Exemple :
« félicitations pour ce beau mariage ».
§ L'acte déclaratif garantit que le contenu
propositionnel correspond à la réalité du monde. Il permet
de changer le monde avec des mots. Exemple : « je te
baptise ».
Searle, en 1969, exprime l'idée selon laquelle le
langage humain a pour finalité l'action sur le monde. Partant de ce
postulat, il reprend les principes d'Austin et précise que nous
construisons et comprenons les énoncés à partir d'un
ensemble de règles sociales.Ce sont des règles normatives et
constitutives qui influencent nos échanges.
Bernicot (1992) explique ces règles : les
règles normativesont pour fonction de gouverner une activité
préexistante. Les règles de politesse en font partie
(exemple : il faut porter un tailleur lors d'un entretien). Quant aux
règles constitutives, elles gouvernent une activité dont
l'existence dépend de ses règles (exemple : les
règles du football ou d'un jeu de cartes). Searle souligne qu'il existe
cependant des ambigüités entre ces deux règles. Le non
respect de ces règles pourrait ainsi compliquer
l'intercompréhension entre les locuteurs.
Actes de langage
|
But illocutoire (intention de communiquer)
|
Direction d'ajustement du but
|
Etat psychologique ou condition de
sincérité
|
Exemples
|
Assertifs (nous disons à autrui comment sont les
choses)
|
Manifester, en tant que locuteur, l'existence d'un état de
choses
|
Rendre les mots conformes au monde
|
Croyance que l'état des choses existe, c'est-à-dire
croyance que la terre est ronde
|
La terre est ronde ou : j'affirme que la terre est ronde
|
Commissifs (nous nous engageons à faire des
choses)
|
Engager sa responsabilité, en tant que locuteur, sur un
projet
|
Rendre le monde conforme aux mots
|
Intention de réaliser le projet, c'est-à-dire de
venir le lendemain
|
Je viendrais demain ou : je promets de venir demain
|
Directifs (nous essayons de faire faire des choses
à autrui)
|
Tenter, en tant que locuteur, de faire faire quelque chose
à l'interlocuteur
|
Rendre le monde conforme aux mots
|
Volonté que la chose soit faite parce que je l'ai
demandé, c'est-à-dire par volonté que la porte soit
fermée par le locuteur
|
Ferme la porte ou : je te demande de fermer la porte
|
Expressifs (nous exprimons nos sentiments et nos
attitudes)
|
Exprimer un état psychologique relativement à un
certain état des choses qui est censé avoir lieu
|
Critère non pertinent
|
Regret d'avoir fait ce qu'on a fait, c'est-à-dire regret
d'être en retard
|
Je m'excuse d'être en retard
|
Déclaratifs (nous provoquons des changements dans
le monde)
|
Provoquer un nouvel état des choses par la seule vertu de
son énonciation
|
Rendre les mots conformes au monde et rendre le monde conforme
aux mots
|
Croyance et désir (quand quelqu'un déclare
sincèrement que la séance est terminée, c'est qu'il
désire ajourner la séance et qu'il croit que la séance se
trouve par là même ajournée)
|
Je déclare que la séance est ouverte
J'abdique
|
Tableau 1 : Actes de langage (d'après Searle,
1963)
Austin, tout comme Searle, exclut les
« actes parasites » de la classification
des actes illocutoires. Les mensonges et la fictionsont qualifiés
d'actes parasites. Pour Searle, la fiction et le mensonge prennent la forme
d'une assertion ou d'une affirmation, or ils ne sont pas authentiques. Les
règles ne sont pas respectées dans le mensonge et la fiction car
les conditions de sincérité sont transgressées. Quand le
locuteur émet un mensonge, celui-ci à pour but de tromper son
auditeur, tandis que dans la fiction, le locuteur n'a pas l'intention de
tromper son auditeur : il ne veut pas faire croire qu'il croit à la
vérité de ce qu'il affirme. Dans la pragmatique
aujourd'hui d'Anne Reboul et Jacques Moeschler, il est expliqué que
lelocuteur d'une fiction prétendrait faire un acte d'assertion, mais
n'essaierait pasde faire croire à son interlocuteur qu'il est
confronté à un authentique acted'assertion, alors que le locuteur
d'un mensonge prétendrait faire un acted'assertion et essaierait de
faire croire à son interlocuteur qu'il est confronté àun
authentique acte d'assertion.
Reboul et Moeschler expliquent que la condition de
sincérité pose problème dans la description de la
fictionet du mensonge dans les actes de
langage. Les travaux récents à la suite de ceux de Searle tendent
vers une hypothèse où une phrase comme « le repas est
prêt » a un sens conventionnel : « je crois que
le repas est prêt ». Ces deux phrases « le repas est
prêt » et « je crois que le repas est
prêt » auraient ici le même sens et ainsi leurs
conditions de sincérité ou de fausseté seraient pareilles.
Reboul et Moeschler développent l'idée que « Ce serait
négliger la faillibilité des croyances humaines et pendant des
siècles il a été vrai que les hommes croyaient que la
Terre était plate sans qu'il ait jamais été vrai que la
Terre soit plate. Donc les phrases « La Terre est plate » et «Je
crois que la Terre est plate » ne sont pas
équivalentes ». Insinuer le contraire amènerait
à unparadoxe de la croyance.
Quant à la question de
l'universalité des actes de langage, Bernicot (1992)
pense que l'environnement a une influence sur ceux-ci, contrairement à
Searle (1969, 1979) qui pense qu'ils sont universels.Elle explique sa position
par le fait que la classification des actes produite par Searle est homologue
aux usages sociaux qui se sont développés dans les
sociétés occidentales. Kerbrat-Orecchioni montre dans son
ouvrage « Quand dire, c'est faire » (2001)
que les actes de langage ne sont pas conçus de la même
manière selon les cultures.
|