I.1.2. Les déterminants de la satisfaction
La satisfaction intègre des processus à la fois
cognitifs et affectifs. Le processus cognitif a été introduit par
Oliver (1980) et connu sous l'appellation modèle de disconfirmation des
attentes. Selon ce modèle, la satisfaction est le résultat de la
comparaison entre la performance perçue et les attentes. Contrairement
à cette approche cognitive qui a dominé la recherche sur la
satisfaction jusqu'à la fin des années 80, de nombreuses
études récentes attestent de l'influence des réactions
affectives (les réactions émotionnelles positives et les
réactions émotionnelles négatives) sur la satisfaction.
Les deux processus, cognitif et affectif, seront présentés et
discutés dans les deux prochaines sections.
I.1.2.1. Le processus cognitif
a) Le modèle de disconfirmation des
attentes
Selon Oliver (1980), la satisfaction est fonction des attentes
préalables (Olshavsky et Miller, 1972) et de l'écart entre ces
attentes et la performance du produit (Cardozo, 1965). La satisfaction est
ainsi formée conformément à la théorie du niveau
d'adaptation d'Helson (1959) selon laquelle l'individu ne perçoit un
stimulus que s'il le compare à un standard préexistant.
Le modèle de disconfirmation proposé par Oliver
(1980) postule que la satisfaction est le résultat de la comparaison
entre les attentes préalables et la performance perçue du produit
(ou du service). Ce modèle comporte donc trois principaux construits
:
1. les attentes préalables du consommateur en rapport
avec le produit (ou le service);
2. le jugement porté sur la performance du produit (ou
du service) au cours de l'expérience de consommation;
3. la disconfirmation (positive, négative ou neutre)
qui résulte de la comparaison entre la performance et les attentes.
Ainsi, selon ce modèle, un jugement favorable (une
satisfaction) ou défavorable (une insatisfaction) est le résultat
d'un processus évaluatif par lequel le consommateur compare la
performance réelle du produit, après la consommation, avec les
attentes qu'il avait avant la consommation. Lorsque la performance
perçue est inférieure aux attentes, il résulte une
insatisfaction. Lorsque la performance perçue est supérieure aux
attentes, il s'ensuit une satisfaction. Enfin, lorsque la performance
perçue est égale aux attentes, il découle de
l'indifférence. Plusieurs études ont examiné cette
relation entre la disconfirmation des attentes et la satisfaction. Les
études montrent une relation linéaire
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positive entre les deux variables (Bearden et Teel, 1983;
Oliver, 1980; Oliver et Linda, 1981). Le niveau de satisfaction
(d'insatisfaction) s'accroît avec la magnitude de la confirmation (de
l'infirmation) des attentes.
Schéma n°2. Le modèle original de
disconfirmation (Oliver, 1980)
Performance
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Disconfirmation
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Satisfaction
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Attentes
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Le modèle de disconfirmation a fait l'objet de
plusieurs critiques qui ont porté notamment sur la nature du standard de
comparaison, la pertinence de la disconfirmation comme variable
médiatrice, l'influence d'autres éléments cognitifs sur la
satisfaction et le rôle des réactions émotionnelles. Les
deux premières critiques seront discutées dans les prochains
paragraphes. Quant au rôle des réactions émotionnelles, vu
son importance et les nombreux travaux qui lui ont été
consacrés, il sera discuté en profondeur dans la section 2.
b) Les autres standards de comparaison
Le modèle de disconfirmation se base sur la
comparaison entre la performance et les attentes (expectations).
Plusieurs chercheurs ont cependant critiqué la seule utilisation
des attentes comme standard de comparaison et ont proposé d'autres
variantes : les désirs (Swan et Trawick, 1979), les normes basées
sur les marques et sur les produits (Cadotte, Woodruff et Jenkins, 1987;
Erevelles et Leavitt, 1992), les valeurs (Westbrook et Reilly, 1983) et
l'idéale (Tse et Wilton, 1988). Par exemple, Cadotte et al.
(1987), qui ont comparé le modèle basé sur les
attentes au modèle basé sur la norme, rapportent que le second
est significativement supérieur au premier du point de vue du
pourcentage d'explication de la variance de la satisfaction.
c) La disconfirmation comme variable
intermédiaire
Dans le modèle de disconfirmation des attentes, les
effets de la performance perçue et des attentes sur la satisfaction sont
supposés transiter par la disconfirmation des attentes. Cependant,
plusieurs études ont testé et confirmé l'impact direct des
attentes et/ou de la performance perçue sur la satisfaction (les traits
pointillés de la figure 2). Pour ce qui est des attentes, certains
chercheurs rapportent que plus les attentes sont élevées, plus la
satisfaction est élevée (une relation linéaire
positive;
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Anderson, 1973; Bearden et Tee!, 1983; O!iver, 1980; O!iver et
Linda, 1981; O!shavsky et Mi!!er, 1972; Tse et Wi!ton, 1988; Westbrook et
Rei!!y, 1983). D'autres rapportent un impact direct négatif des attentes
sur !a satisfaction (Churchi!! et Surprenant, 1982). Pour ce qui est de !a
performance perçue, Churchi!! et Surprenant (1982) dans !eur
étude portant sur !es !ecteurs vidéo, Tse et Wi!on (1988) et
Bo!ton et Drew (1991) rapportent un effet direct, sans transiter par !a
disconfirmation, de !a performance perçue sur !a satisfaction.
Chrurchi!! et Surprenant (1982) trouvent même que !a performance
perçue exp!ique près de 90 % de !a variance de !a
satisfaction.
Figure 3 : Le modèle de disconfirmation
modifié (Oliver, 1980)
Attentes
Satisfaction
Disconfirmation
Performance
Les études de Bearden et Teel (1983) et de Oliver et
DeSarbo (1988) n'excluent pas que !a disconfirmation peut s'associer aux
attentes et à la performance pour expliquer la satisfaction. Ainsi,
Bearden et Teel (1983) rapportent l'existence d'un impact indirect via la
disconfirmation et d'un impact direct des attentes sur la satisfaction, alors
qu'Oliver et Desarbo (1988) concluent à l'existence d'effets directs et
indirects de !a performance via !a disconfirmation des attentes sur !a
satisfaction.
d) Les autres antécédents
cognitifs
En p!us des attentes, de !a performance et de !a
disconfirmation, deux autres é!éments cognitifs ont
été avancés comme déterminants de !a satisfaction :
l'équité et l'attribution.
? L'équité comme
antécédent à la satisfaction
La théorie de l'équité (ou encore la
justice distributive; Tax, Brown et Chandrashekaran, 1998) se fonde sur !a
comparaison entre !es coûts engagés dans !a transaction (par
exemp!e, !es efforts consentis et !e prix payé) et !es
bénéfices attendus pour chaque partie de l'échange. Selon
cette théorie, un acheteur est censé comparer son propre rapport
à ce!ui du vendeur ou à celui d'un autre acheteur qui a
acheté le même produit ou a reçu !e même service.
Cette comparaison conduit !e consommateur au sentiment d'avoir
été équitablement traité ou non. Ainsi, si le
consommateur juge que le
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rapport d'un autre consommateur est supérieur au sien,
il sera mécontent, puisqu'il aura été traité de
façon inéquitable. C'est le cas d'un consommateur qui serait
moins satisfait à l'égard d'une compagnie aérienne s'il se
rendait compte que d'autres voyageurs ont payé moins cher ou ont
reçu un meilleur service que lui (Fisk et Coney, 1982).
? L'attribution comme antécédent
à la satisfaction
La théorie de l'attribution a été
à l'origine introduite pour expliquer le comportement de
réclamation (Folkes, 1984; Richins, 1983; Valle et Krishnan, 1978).
Cette théorie suppose que l'échec du produit à satisfaire
les attentes du consommateur devrait les amener à en rechercher les
causes. Ces causes peuvent être temporaires ou stables (l'attribution de
stabilité), internes ou externes (l'attribution lieu de
causalité), volontaires ou involontaires (l'attribution de
contrôle).
L'application de la théorie de l'attribution a
été étendue. Ainsi, l'attribution a été
introduite comme antécédent direct à la satisfaction ou
l'insatisfaction (Folkes, 1984). Folkes rapporte que les consommateurs sont
plus insatisfaits lorsque la cause de l'échec est attribuée au
fournisseur (cause externe).
L'attribution a aussi été introduite comme
antécédent aux réactions émotionnelles elles
mêmes considérées comme déterminant de la
satisfaction (Oliver, 1993). À titre d'exemple, Oliver distingue trois
types d'attribution : l'attribution externe, l'attribution interne et
l'attribution situationnelle, qu'il considère comme
antécédents à la formation des réactions
émotionnelles négatives.
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