Quelle cohérence entre finance carbone et politiques de développement dans les pays du sud? Cas du Sénégal et du Kenya( Télécharger le fichier original )par Yaye Ngouye DIAGNE Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement ( AgroParisTech ) - Mastère spécialisé en politiques publiques et stratégies pour l'environnement 2013 |
E. Changement climatique et politiques de développement : une faible intégration au niveau sectorielL'élaboration des politiques publiques au Sénégal s'établit à 3 grands niveaux : la planification stratégique, la planification sectorielle et le déploiement opérationnel par la mise en oeuvre de projets et programmes. La prise en compte du risque climat dans les politiques peut dès lors être analysée à 3 niveaux : la vision à moyen et long terme, les orientations stratégiques sectorielles et la mise en oeuvre opérationnelle. A chaque niveau, des questions stratégiques se posent permettant d'appréhender la prise en compte des enjeux climatiques : quel est le degré d'intégration de l'atténuation des émissions de GES dans les politiques et stratégies ? Quelle cohérence globale ? Quelle influence des politiques dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Pour répondre à ces questions, la grille d'analyse ci-dessous est utilisée. Tableau 1 : modèle grille d'analyse
1. Les changements climatiques dans la vision stratégique du pays : le enjeux d'atténuation pris en compte par les décideurs politiquesPour sa planification stratégique, le Sénégal a fait de l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), son cadre de référence et sa vision principale de développement à moyen terme. Aussi, les OMD sont pleinement intégrés dans l'agenda national et dans les objectifs et stratégies des politiques publiques. Il faut noter que l'un des huit objectifs de développement vise à assurer, d'ici 2015, un environnement durable aux populations. En 2013, le cadre de planification du Sénégal part de la définition d'une vision à long et moyen terme contenue dans le document dénommé « Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES)», couvrant la période 2013-2017. Ce document est complété par d'autres instruments de politique économique et sociale tels que la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) et le Plan d'Orientation pour le Développement Economique et Social (PODES). La SNDESa été élaborée en vue de « relancer l'économie sénégalaise et faire face à de nouveaux défis : l'optimisation de la politique énergétique, l'adaptation au changement climatique, la sécurité alimentaire, la paix et la sécurité ». L'enjeu de cette stratégie est de « replacer l'économie sénégalaise sur un sentier de croissance plus élevé et durable » et de « lisser ou d'amortir les chocs exogènes tout en préservant les options futures et la résilience». Le diagnostic mené dans le cadre de l'élaboration de ce document insiste sur l'impact des chocs exogènes et du changement climatique en particulier, sur les différents secteurs de l'économie et sur la croissance : « 60% de la population dépend des secteurs en rapport avec les ressources naturelles. Aussi, les risques environnementaux constituent de sérieuses menaces (déficit hydrique, dégradation des sols...)10(*) ». La SNDES considére que les questions de changement climatique et de gestion des ressources naturelles sont traversales. Elle met dès lors l'accent sur la promotion de « modes de production propres et de consommation durables » par la promotion des énergies renouvelables et la maîtrise et l'économie d'énergie. Les objectifs stratégiques sont notamment de: - Favoriser l'accès aux services énergétiques, à travers l'accélération de l'électrification rurale, l'accroissement de l'offre en énergie renouvelable, l'intégration du solaire phtovoltaîque dans le bâtiment et les édifices publics, - Promouvoir la maîtrise et l'économie d'énergie par l'incitation à l'utilisation d'appareils et équipements économes en énergie. La stratégie nationale souhaite par ailleurs, améliorer la prévention des risques liés à toute forme de pollution, notamment pour ce qui concerne le transport. En partant de la SNDES et du PODES qui sont les principaux documents de planification au niveau national, il apparait clairement que le risque climat est intégré dans la vision des décideurs politiques. Les objectifs et axes stratégiquesde la planification nationale, mettent en exergue la nécessisté de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. L'étude11(*) réalisée en 2009 sur les documents stratégiques antérieurs, avait conduit aux mêmes conclusions. Des avancées majeures sur le plan institutionnel et juridique.... Sur le plan Institutionnel, il faut noter : - la mise en place en 1994 d'un Comité National sur les Changements Climatiques , formalisé sur le plan institutionnel par un arrêté ministériel datant de 2002, - la désignation d'un point focal changement climatique assuré par le Ministère en charge de l'Environnement à travers la Direction de l'Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). Cette direction assure aussi le rôle d'Autorité Nationale Désignée du Mécanisme de Développement Propre, - la désignation d'un point focal du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), en l'occurrence l'Agence Nationale de la Météorologie, - La création le 03 Août 2008, de la Commission de l'Environnement et du développement Durable, au sein du Conseil Economique et Social (CES). Cette commission a pour mission d'apporter appui et conseil au Gouvernement dans les domaines du développement durable, de l'environnement, de la protection de la nature et des écosystèmes, de l'érosion côtière, des eaux et forêts, de l'efficacité énergétique. Cette commission a organisé lors de sa première session ordinaire de l'année 2010, un dialogue ouvert sur les changements climatiques en collaboration avec le Sénat, l'Assemblée Nationale et la société civile. Cette session a fait l'objet en Avril 2010 d'un avis recommandant l'élaboration d'une loi d'orientation climat pour permettre au Sénégal de disposer d'une vision orientée climat et d'y conformer ses politiques de développement. - La prise en compte au niveau régionale des problématiques liées à l'environnement et au changement climatique. Des cadres sont mis en place au niveau décentralisé par les collectivités locales, pour mieux prendre en charge ces questions.Des commissions régionales sur le changement climatique sont créées. Ceci a conduit à l'élaboration du Plan Climat Energie Territorial (PCET) de la région de Dakar, qui constitue une avancée majeure dans la prise en compte des enjeux liés aux émissions de GES. Sur le plan juridique, Le Code de l'Environnement (loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001) et son décret d'application (décret n° 2001-282 du 12 avril 2001) constituent le cadre de base pour la prévention et la lutte contre les pollutions et nuisances, la protection des milieux (air, eau et sol) et des installations classées pour la protection de l'environnement. En application du code de l'environnement, des décrets ainsi que des arrêtéssont pris, notamment : - l'Arrêté interministériel de novembre 2003 fixant les conditions d'application de la Norme NS-05-062 sur la pollution atmosphérique ; - le Décret de janvier 2000 portant réglementation de la consommation des substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO) et son arrêté de 2001 ; - la Loi N°98/03 du 8 janvier 1998 portant code forestier et ses décrets définissant les modalités de gestion des ressources forestières ; - la Loi N° 96 - 07 du 22 mars 1996 portant transfert des compétences aux collectivités locales ainsi que le Décret N° 96-1134 du 27 décembre 1996 qui définit une nouvelle configuration de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles, en renforçant entre autres, les pouvoirs et responsabilités des collectivités dans ce domaine ; - la Loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant Code de la Construction avec les dispositions liées entre autres, aux caractéristiques énergétiques et acoustiques ; ... mais qui tardent à s'opérationnaliser. Malgré des réformes institutionnelles et réglementaires majeures, l'absence de budget et de moyens humains pour les différentes structures créées, limitent fortement leur efficacité. Pour exemple, l'Autorité Nationale Désignée (AND) ne dispose pas de budget propre. Elle fonctionne à partir des moyens de la Direction de l'Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). Ceci limite ses capacités d'action et le confine dans une situation de léthargie. Par ailleurs, la majeure partie des lois citées plus haut, en l'absence de décrets ne sont jusqu'ici pas applicables. Tableau 2 : stratégie nationale et effets sur l'atténuation du changement climatique
* 10Source SNDES 2013-2017 * 11 Planification et prise en compte du Climat : états des lieux, Ibrahima Sall, Septembre 2009 |
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