Pour discuter le passage du monument au monument historique,
il faut expliquer la différence entre ces deux notions. Il existe deux
points fondamentaux de différence entre le monument et le monument
historique. Premièrement, la notion de monument historique n'est apparue
qu'à la moitié du XIXème en Europe, alors que
le monument date des civilisations les plus anciennes autour du globe.
Deuxièmement, le monument est construit pour assurer sa fonction
mémorielle ou esthétique, par contre, le monument historique
n'est reconnu en tant que tel qu'après avoir fait l'objet d'un
intérêt de la part des spécialistes historiens,
archéologues, amateurs d'art ou architectes. Le monument historique est
sélectionné à partir d'un contexte urbain ou rural
où il occupait une fonction, souvent, autre que monumentale et
mémorielle, il est reconverti en témoignage historique sans, pour
autant, avoir été construit dans un tel but.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
La différence entre le monument et le monument
historique est, respectivement, une différence entre la
représentation et la représentativité. Le monument est un
objet de représentation, il est construit pour représenter un
certain passé. Cependant, le monument historique est un objet de
représentativité, car la ou les valeurs de la
représentation historique et/ou artistique d'une communauté sont
extraites du même objet existant. Donc, le passage du monument au
monument historique, dû à l'effacement progressif de la fonction
mémorielle des monuments, est le passage des valeurs monumentales
de leur qualité fondatrice, de la production des monuments à
leur qualité fondatrice, de l'identification des monuments historiques.
Ces valeurs sont en nombre de cing3 : la valeur d'âge, d'art,
d'usage, de matérialité et la valeur de position.
La valeur d'âge ; est la
source même du monument historique, elle désigne la
capacité de témoigner une période ou un fait
historique.
La valeur d'art ; est la
qualité consacrée de l'oeuvre artistique ou architecturale qui,
exprime un ensemble de significations par sa configuration d'ensemble et/ou son
traitement détaillé.
La valeur d'usage ; c'est la
fonctionnalité du monument. Elle est associée aux typologies
fonctionnelles en architecture, du fait que c'est par sa forme essentielle que
l'édifice apporte une réponse à un besoin. Cette valeur
consacre aussi l'utilité du monument à partir de son
adéquation à un usage actuel ou potentiel. De ce fait, on
distingue deux types4 de monument ou de monument historique : le
monument vivant ; qui assure sa fonctionnalité ou s'adapte à son
utilité. Le monument mort ; qui ne peut plus prétendre à
subsister que comme un souvenir ou un document d'art.
La valeur de matérialité ;
qualifie la constitution matérielle de l'objet, car elle
connote la composition physique ainsi que les dispositions constructives dans
une perspective cognitive.
Et la valeur de position ;
évalue le rapport d'un édifice à son
environnement. Elle concerne la qualification du site, visant à enrichir
la perception de l'édifice monument historique. Ce rapport,
associé à l'intégration du monument historique dans son
cadre spatial, appelé aujourd'hui les abords, renseigne sur
l'intentionnalité de l'édification en se liant à la valeur
d'âge, d'art et d'usage.
3 TURGEON Laurier et al, «les espaces de
l'identité », Laval, 1997, les presse de l'université Laval,
P38.
4 DEKOUMI Djamel, «pour une nouvelle politique
de conservation de l'environnement historique bâti Algérien
»: cas de Constantine, thèse doctorat en
architecture, Constantine, université Mentouri Constantine, 2007, P47
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Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
Cependant, le passage franc du monument au monument
historique est lié à la naissance des monuments historiques en
1819, quand le terme était apparu pour la première fois dans le
budget du ministère de l'intérieur français avec l'octroi
d'un crédit spécifique pour les «monuments historiques
»5. En 1830, François Guizot, un historien et homme
politique, proposa au roi la nomination de Ludovic Vitet, succédé
par Prosper Mérimée, comme premier inspecteur
général des monuments historiques. Il fallu attendre 1834:
Mérimée traduisit ses 18 grandes tournées d'inspection par
des propositions de classement faites au «Comité des Arts et
Monuments » transformé, bientôt, en « Commission des
Monuments Historiques » en publiant sa première liste en 1840 pour
l'objectif de sauvegarder les monuments historiques listés.
Dans cette liste, les monuments historiques étaient
sous trois catégories6 : les restes de l'antiquité,
les édifices religieux du moyen âge et quelques châteaux.
Après la deuxième guerre mondiale, le nombre a été
multiplié par dix, mais la nature n'avait guère changé et
toutes les autres formes de l'art de bâtir étaient
annexées. Ce n'est qu'à partir des années soixante, que le
cadre chronologique, dans lequel s'inscrivent les monuments historiques, est
devenu quasiment illimité, pour s'intéresser beaucoup plus
à la notion, de plus en plus élargie, de patrimoine.