Du verbe latin monere qui veut dire avertir ou
rappeler. Le monument existe, donc, pour avertir ou rappeler un
évènement, une personne ou une période précise dans
le temps passé'. Il est construit dans le but de remémoration
pour la génération constructrice ou pour les
générations futures, c'est un véritable support de la
mémoire collective, il peut être un édifice, un tombeau ou
une simple colonne.
La valeur du monument n'est pas dans sa taille mais
plutôt dans sa signification. La construction des monuments revient
à l'antiquité où ils marquèrent la gloire, souvent,
associée aux guerres comme les arcs de triomphe que les romains
construisirent sur les villes et pays occupés, comme ils
marquèrent aussi la noblesse et la vertu de la société.
Cependant, ces monuments représentent, en plus, un témoignage
mémoriel sur les conditions politiques, socioéconomiques et
religieuses pour les générations à venir.
Avec le temps, la fonction mémorielle des monuments
s'est affaiblie en faveur de sa valeur artistique où la beauté
est la victorieuse. La notion de beauté dans l'architecture a,
elle-même, connu une évolution dans sa compréhension, de la
vision de la proportion et la sensibilité artistique à la vision
industrielle du colossale. De ce fait, l'esthétique du
monument devient la fonction principale au détriment de la
mémoire et le monument a perdu son signe à la faveur de son
signal, car l'étonnement et l'émerveillement ont remplacé
son rôle mémoriel. Selon F. CHOAY, la substitution progressive de
l'idéal de la beauté à l'idéal de mémoire
est due à deux principales raisons ; l'intérêt grandissant
de la valeur esthétique et l'émergence des mémoires
artificielles.
La première raison est associée à
l'intérêt grandissant au concept de l'art à partir de la
renaissance. Avant la renaissance, les monuments étaient
édifiés pour rappeler la société à sa gloire
mais aussi à Dieu et aux conditions de créature faibles et
mortelles de l'homme, mais il ne s'agissait jamais d'un objet de beauté.
Avec le XVleme, la renaissance a donné sa définition
de la beauté en la glorifiant et elle l'associait à tout
évènement religieux ou commémoratif pour devenir une
finalité du concept d'Art. La seconde raison de l'effacement de la
fonction mémorielle du monument, consiste à l'émergence
des mémoires artificielles pouvant substituer à la
création des monuments. L'apparition de l'imprimerie et ensuite, de
1 CHOAY Françoise, «l'allégorie du
patrimoine », Paris, 1992, Seuil, P15.
2 L'avènement de l'architecture rationnelle au
XVIIIeme qui a remis en cause la notion ancienne de la beauté
vers une approche d'échelle et d'avancement des techniques de
construction.
13
Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
l'audiovisuel et leur développement entraina la
fatalité du monument comme véhicule de mémoire. La mise en
circulation de l'information garantie par les livres et les documentaires
audiovisuels engendra une certaine pratique de l'oubli et, donc, des
conséquences néfastes sur la mémoire affective qu'assurait
le monument.
En utilisant des livres imprimés d'histoire, le
passé est devenu un domaine d'observation dans lequel on est exclu,
contrairement au monument qui raconte un passé tout en y immergeant ceux
qui le regardent. La photographie a beaucoup plus affecté la fonction
mémorielle du monument, par son pouvoir de confirmer l'histoire et de
revivre le passé le plus lointain. Mais le plus important est
l'accessibilité privée ou publique à la photographie qui
permet, au public comme au privé, de revivre son propre passé qui
fonde son identité. A cette époque, le monument est beaucoup plus
commémoratif pour une sélection d'évènements les
plus importants pour la nation tel les monuments commémoratifs de la
guerre mondiale, des génocides et des martyrs.
Le développement technologique de ces mémoires
artificielles a conduit à la substitution complète de la
création des monuments pour commémorer les
évènements historiques les plus marquants. Les
sociétés détournèrent des monuments, qui ont fait
l'objet de destruction volontaire, pour se passionner aux monuments
historiques.