Le paysage est une notion polysémique, mais la
compréhension qui nous intéresse le plus et celle qui soit en
relation avec l'homme ou la société, où l'anthropologue
recouvre quatre70 dimensions différentes du paysage :
· Le pavsaMe pratiqué
: c'est principalement le paysage parcouru et vécu,
ouvert à l'expérience humaine. Une dimension de paysage où
le contact de l'homme avec le paysage « objet » induit une «
émotion esthétique » qui puisse, dans des cas
particuliers, s'associer à un sentiment d'identité ou du
sacré. Pour que cette dimension soit accomplie, plusieurs conditions
doivent être remplies :
Ce paysage est, indissociable, de la perception et de la
représentation.
Cette perception ne peut échapper au cadre socioculturel,
auquel l'individu appartient. Le paysage est, avant tout, visible. La
détermination du cadrage du champ visuel est très importante.
Une autre condition essentielle est, évidemment, la
pratique paysagère qui demande la disponibilité de
l'observateur.
C'est une sorte d'un « arrêt sur image » qui
soit réel et physique. Le résultat de la perception liée
à la pratique paysagère peut être positif ou
négatif. Cette dimension coïncide avec le sens
générale et commun de la notion de paysage.
· Le pavsaMe remémoré
: il s'agit ici d'un paysage décrit et informé
par la mémoire où le souvenir d'un paysage pratiqué.
C'est, essentiellement, une représentation mentale non
matérielle, qui cristallise les émotions de l'homme issues de son
interaction «précédente » avec le paysage ou d'une
description de la pratique paysagère d'autrui. Pour que le paysage
remémoré soit, il nous faut :
Un ensemble de souvenirs associés à
l'expérience d'un paysage pratiqué.
70 DROZ Y. et MIEVILLE-OTT, «le paysage de
l'anthropologue », in. DROZ Y. et MIEVILLE-OTT (dir.), la polyphonie
du paysage, Lausanne, 2005, Presses polytechniques et universitaires
Romandes, P11.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
Admettre que le paysage pratiqué et paysage
remémoré sont, indissociablement, liés du fait que le
premier suppose un vécu et le second ne peut exister que dans le travail
de la mémoire.
Dans le cas où la mémoire est collective, pour
un groupe social, le paysage devient une représentation très
importante pouvant même marquer l'identité de ce groupe.
· Le pavsaMe naturalisé
: les deux premières dimensions sont,
éminemment, subjectives, qui articulent les constructions cognitives,
perceptions et représentations. Ces deux dimensions ne peuvent, donc,
être que relatives. Dans l'essai d'avoir un paysage objectif et
«vrai », on découvre que le paysage naturalisé n'est
qu'une illusion d'un paysage donné objectivement, tout en évitant
toutes les valeurs subjectives, lesquelles ne peuvent pas juste être
ignorées, mais reconstruites dans un cadre objectif, telles les
recherches scientifiques. Dans ce processus de naturalisation, on se base sur
l'intervisibilité71, qui soit une expérience virtuelle
du paysage. Il s'agit d'un modèle construit à partir d'un
ensemble de données objectives, qui n'existent pas indépendamment
du regard, lui même modélisé72. C'est un paysage
dépendant des représentations, du fait qu'il ne considère
les croyances et les émotions que comme des « construits culturels
».
· Le pavsaMe politique
: c'est l'instrumentalisation du paysage naturalisé.
Cette dimension consiste à l'utilisation politique de ce paysage. Il
s'agit d'identifier les groupes sociaux et la représentation
paysagère dont ils sont porteurs. C'est une argumentation et une
légitimation du paysage naturalisé. Ce processus trouve sa place
dans la recherche de l'identification des « aspects identitaires du
territoire (qui) trouvent une origine et une réalité
dans un paysage censé représenter les qualités
(identitaires) d'un peuple ou d'une région
»73. Dans ce cas, le processus politique instrumentalise
le paysage en associant les aspects identitaires à l'expérience
du paysage pratiqué.
Cette « décomposition du paysage » prouve
que le paysage puisse être un champ de représentation, où
coexistent les intérêts pour l'aménagement du territoire et
l'identité culturelle, nationale, régionale ou ethnique.
71 D'après Serge Ormaux, du laboratoire
ThéMa, l'intervisibilité associe géomorphologie,
écosystème et regard. Elle se construit à partir d'une
image satellitaire ou une représentation de n'importe quelle nature. Il
s'agit donc d'un espace virtuel.
72 DROZ Y. et MIEVILLE-OTT, op. Cit. P15.
73 Ibid. P18.
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Le monument historique et ses abords, une
représentation paysagère de l'identité
CHAPITRE
sociale et territoriale TROISIEME