Le passage d'une mémoire individuelle à une
autre collective est un passage d'une notion propre à la psychologie
individuelle à une autre inscrite dans le champ des sciences sociales.
Maurice Halbwachs a énormément aidé l'aboutissement de
cette transition, non pas un transfert par équivalence mais une
invention d'un nouveau concept. La mémoire collective apporte de
nombreux points :
· Evidemment, nos propres souvenirs dépendent des
souvenirs des autres.
46 BARRIERS Philippe, «histoire et
mémoire de la seconde guerre mondiale » : Grenoble en ses
après guerre (1944-1964), Grenoble, 2004, PUG, P19.
47 Ibid.
48 COUCHAERE Marie-Josée, « le
développement de la mémoire » : outils pour une
mémoire dynamisée, Issy-les-Moulineaux, 2001, ESF éditeur,
P11.
50
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
· La mémoire individuelle se nourrit des
éléments en relation avec d'autres individus. En outre, les
souvenirs sont, souvent, dépendants des récits que l'on a
reçus d'autrui.
· Nos souvenirs sont renforcés par la ritualisation
sociale, telle les commémorations ou célébrations des
événements qui marquent la société.
L'être humain est un être sociable, il construit
ses propres souvenirs dans une relation réciproque avec les souvenirs
des autres. Les deux mémoires, individuelle et collective ou sociale,
sont bien différentes, mais leur similitude est postulée dans la
fonction de continuité temporelle, entre la notion subjective et
individuelle de remémoration et la notion sociale de
commémoration. «La mémoire collective d'un groupe est le
fruit de l'expérience des générations passées et
l'héritage des générations futures, chaque
génération apportant sa pierre à l'édifice commun.
De générations en générations la transmission
s'effectue, plus ou moins fidèlement, par la parole, par le geste ou par
l'écrit »49. D'après la logique de
triple présent de St-Augustin, le présent n'est que le
reflet du passé et l'ombre portée du futur. La mémoire
collective offre l'immobilité et la stabilité, où la
société reste identique à elle même, malgré
les changements que le lieu peut subir. Cette société doit
être attachée à son lieu.
M.J. Couchaère catégorise la mémoire
collective sous deux volets50 : une mémoire vivante et une
mémoire mourante.
- mémoire vivante :
son caractère vivant, exprime l'efficacité de la
transmission des connaissances, qui varie essentiellement, selon le type du
savoir à transmettre. A l'exemple des mythes, des prières, des
liturgies, des légendes, la morale, l'idéologie et même, de
façon très symbolique, une partie du savoir scientifique, la
transmission est presque intégrale. Cependant, la transmission des
gestes est plus importante que celle des paroles, du fait que le savoir
artisanal ou technique est plus palpable et plus exposé.
- mémoire mourante :
liée beaucoup plus à l'oubli, un oubli collectif.
Selon le même auteur, cet oubli est fait, principalement, par le contact
avec d'autres types de sociétés. Cela exprime l'impact de la
surmodernité du monde contemporain.
Ce discours mené sur la mémoire collective et
l'oubli collectif ne peut être, par analogie, que relatif. Comme la
mémoire individuelle, la mémoire collective choisit et
sélectionne ce qui va dans le sens de son idéologie et de ses
besoins. A l'exemple de la France, où les
49 Ibid. P22.
50 Ibid.
51
Le monument historique et ses abords, un lieu de
cristallisation de la mémoire CHAPITRE
collective DEUXIEME
autorités officielles sont passées sous silence
la période de la deuxième guerre mondiale. Il fallu attendre la
parution des livres, des films et des émissions
télévisées pour rappeler ces événements aux
français. Cette sélection met la mémoire collective dans
une dynamique où elle vit, meurt et renait pour mieux rester dans
l'esprit de la société.
Pourquoi la mémoire collective est-elle importante ?
La mémoire collective peut avoir deux fonctions principales5' :
Une mémoire répétition
: restitution et présentation
répétitive du passé avec des rites sociaux et des
commémorations qui récitent les fondements de l'identité
idéalisée de la société. elle consiste à
opérer une certaine permanence répétitive affirmant la
continuité des valeurs identitaires qui garantit la
fidélité des individus membres de la société. cette
mémoire est une tradition qui soit considérée
comme un poids du passé à sacraliser.
Une mémoire reconstruction :
qui exprime un état volontaire et sélectif d'ancrer
le passé dans le présent. Il ne s'agit plus d'une tradition,
plutôt de traduction du passé, car ce qui
était figé et considéré comme poids du passé
devient un choix du passé, une interprétation du passé.
Ces deux mémoires collectives vont, la plupart du
temps, de pair, même si parfois quelques sociétés
privilégient l'une sur l'autre.
La question patrimoniale dans le cadre d'étude de la
mémoire collective évoque nécessairement un rapport au
temps, à la transmission. Le patrimoine dans toutes ses formes exprime
une valeur mémorielle. Le patrimoine bâti en particulier transmit
un savoir et un savoir faire technique, artisanal, social, historique,... etc.
La particularité du patrimoine bâti peut aussi être traduite
en matière de représentation et reproduction d'images
identitaires évoquant des mémoires nécessaires à la
connaissance de l'appartenance de l'individu à sa société,
cette mémoire collective devient un « devoir social ». Les
abords complètent cette scène produite par le patrimoine
bâti. De plus, ils forment ensemble un lieu que la société
parcoure et sacralise comme une image interprétable du passé, le
patrimoine bâti peut, parfois, être considéré comme
une commémoration. Le fait qu'ils récitent les conditions et les
raisons de l'édification même du patrimoine bâti, les abords
expliquent et complètent la mémoire évoquée par le
monument historique.
51 BARRIERE Philippe, op. cit. P22.
52
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie