Sans étaler dans ses sens philosophiques et
ontologiques complexes, l'authenticité d'après le petit Robert
est : «qui exprime une vérité profonde de l'individu et
non des habitudes superficielles, des conventions. », c'est la
vérité du soi-même. Dans un sens plus élargi,
l'authenticité signifie qu'une réalité est telle qu'elle
se manifeste. Par exemple, un or authentique ne l'est pas seulement en
apparence, mais qui l'est réellement.
L'authenticité relève d'un cadre existentiel,
car la vérité qu'elle implique est strictement liée
à la liberté et à la responsabilité de
l'être. C'est l'expression qui joue le rôle de
référence pour pouvoir juger une personne ou un objet comme
authentique ou inauthentique. Cette expression est faite sous une
complète conscience du contexte social, car l'authenticité d'une
personne ou d'un objet ne peut échapper à l'influence
réciproque : sociale, morale, religieuse, économique, historique,
...etc. Suivant cette logique, un lieu authentique est celui compris à
travers une expérience directe et «vraie» de l'identité
du lieu. Cette expérience ne doit pas être par
intermédiaire ou altérée par une série de modes
sociaux, tout à fait, arbitraires et intellectuelles, ni suivant des
conventions stéréotypées.41 Il s'agit d'une
conscience complète de lieux pour ce qu'ils représentent en tant
que produits des intentions et intuitions de l'homme et des significations de
l'activité humaine, ou d'une identité profonde et inconsciente du
lieu. «L'authenticité, ce n'est donc pas la froide
identité de l'objet. Cela n'est pas l'exactitude scientifique, abstraite
si faire se peut de l'existence humaine ; c'est la vérité d'une
existence en accord avec les choses, et dans laquelle les choses se tiennent.
Ce n'est pas le fonctionnement objectal d'une mécanique universelle,
dans la neutralité d'un espace et d'un temps absolus ; cela n'est pas
non plus le déploiement fantasmatique d'une subjectivité se
projetant, tous azimuts, dans le présent éternel de son propre
arbitraire ; ce sont les lieux et les moments d'histoire vive que tissent les
choses dans l'échelle de leurs rapports avec l'existence que nous avons
choisie ».42
Un sens authentique du lieu est, avant tout, celui
d'être à l'intérieur et appartenant à son lieu,
à la fois en tant qu'individu et en tant que membre de la
société et de le savoir sans y réfléchir. Cela peut
être le cas de la maison, de la ville ou région natale ou de la
nation. Un tel sens authentique et inconscient du lieu est peut être
aussi important et nécessaire dans une
41 Ibid. P64.
42BERQUE Augustin, «lieu et authenticité
», [en ligne],
http://id.erudit.org/iderudit/015896ar,
Cahiers de géographie du Québec, vol. 51, n° 142, 2007, P49,
consulté le 10/03/2013.
47
Le monument historique et ses abords, un lieu de
cristallisation de la mémoire CHAPITRE
collective DEUXIEME
société contemporaine, tel qu'il était
dans toutes les sociétés antérieures, car il constitue une
source importante de l'identité des individus et, à travers eux,
pour toute la société. Malgré l'importance du besoin d'un
tel sens du lieu, la possibilité de son développement dans les
sociétés technologiquement avancées a été
affaiblie par la possibilité du développement de la
mobilité spatiale et par un affaiblissement des qualités
symboliques du lieu. Tandis que pour le chasseur primitif ou l'artisan
médiéval, un sens d'appartenance et d'appropriation de son lieu
empreint toute son existence. Pour le citadin moderne, il est rarement une
priorité et peut, généralement, être
échangé pour une plus belle maison dans un meilleur quartier.
Après la deuxième guerre mondiale, on a
commencé de parler de «pertes de lieux »43 Cette perte est
associée, principalement, à la destruction des « lieux
publics » destinés à toute la société, voire
à tout le monde, c'était une menace sur l'identité des
nations. Aux années d'après guerre, un mouvement de
reconstruction était nécessaire et même vital, par contre,
cette action ne respectait guère l'authenticité de ce qui fut
existé et le paysage urbain a subit un changement radical de sa
signification. A cette période là, la préservation du
patrimoine bâti et de ses abords deviendrait une nécessité
pour préserver l'identité mais aussi pour garder
l'authenticité des lieux. Ces derniers sont transformés ensuite
en des représentations paysagères identitaires.
Pour le patrimoine, la notion d'authenticité est,
strictement, associée à la notion de transmission. Un monument
historique doit être transmis de générations en
générations tout en gardant son authenticité : ses
matériaux, son site, ses expressions, ses intentions, sa fonction, ses
valeurs et ses abords qui créent ensemble un lieu authentique rappelant
une mémoire collective qui récite les conditions et les raisons
de la cohésion sociale et qui justifie l'engagement, l'attachement,
l'amour et l'appropriation du lieu.