III. La protection des abords du patrimoine bâti
: un enjeu visuel ou perceptif ?
Si la conservation des monuments historiques est essentielle,
les monuments sont indissociables de l'espace qui les entoure et, donc, toute
modification sur celui-ci rejaillit sur la perception et la conservation des
monuments. A ce titre, une vigilance particulière s'impose aux abords
des monuments historiques et leur protection devient nécessaire.
14 Ibid. P3.
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Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
III.1. Les objectifs de la protection des abords
L'objectif de la protection des abords est de garder
l'unité architecturale et esthétique qui existe entre le monument
et ses abords. Aussi, les abords peuvent être étendus à des
très grandes surfaces pour protéger des perspectives
monumentales.
Dans le périmètre des abords des monuments
historiques, classés ou inscrits, tout aménagement, construction,
transformation ou modification sont soumis à des permis particuliers et
un avis conforme des services du ministère chargé de la culture,
dans le cas de l'Algérie, ou de l'ABF, dans le cas de la France, pour
l'objectif de protéger le champ de visibilité du monument
historique (situation 1 et 2) et de protéger la covisibilité
entre le monument et le lieu des travaux (situation 3) :
- Situation 1 : lorsque le monument historique
est visible depuis le lieu des travaux.
Schéma 1. Situation 1, le monument est visible depuis
le lieu des travaux. Source : traitement personnel.
- Situation 2 : lorsque le lieu des travaux
est visible depuis le monument historique.
Schéma 2. Situation 2, le lieu des travaux est visible
depuis le monument. Source : traitement personnel.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
- Situation 3 : lorsque le monument historique
et le lieu des travaux sont visibles en même temps à partir d'un
espace accessible au public.
Le monument historique
/\
\ \ \ \ \ \ \ \ \ '
_ _` _
Le lieu des travaux _ _
Schéma 3. Situation 3, le monument historique et le lieu
des travaux sont visible ensemble d'un tiers point. Source : traitement
personnel.
Le périmètre des abords peut être couvert
par un secteur sauvegardé, dont le PPSMVSS est approuvé ou, en
France, une AVAP est créée.
III.2. Les modes de la protection des abords
L'une des valeurs monumentales (précédemment
vu) est la valeur de position qui concerne la qualité et la perception
de l'intégration du monument historique à ses abords, qui doivent
être sauvegardés.
Cette sauvegarde a été définie de deux
manières différentes15 : une protection des abords qui
pourrait être qualifiée de « normale » et une
protection « exceptionnelle ». La protection des abords
normale est constituée par l'application des mesures
étudiées dans un périmètre de sauvegarde
relativement limité La protection des abords exceptionnelle se
caractérise par la création d'une zone de protection
particulière, dont l'étendue est fixée suivant le cas
précis. Ces deux modes de protection seront successivement
analysés.
111.2.1. La protection « normale » des
abords, des mesures de sauvegarde applicables dans le champ de
visibilité
On désigne par la protection normale des abords des
monuments historiques, une protection d'une étendue limitée
à un maximum de 500 mètre de rayon à l'exemple de la
France et un minimum de 200 mètre de rayon à l'exemple de
l'Algérie. L'étendue des abords
15 BLEYON Jean-Benoît, op. Cit. P68.
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Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
devait, donc, être spécifiée. Cette
notion était a priori très vague, dont plusieurs
critères16 pouvaient être choisis :
La proximité du monument historique ou du site
: jusqu'à une distance limite
La nature des constructions : à
caractère ancien sans pour autant constituer des demeures
historiques.
L'appartenance des bâtiments à la
même perspective monumentale : ce critère est retenu en
partie dans la notion de champ de visibilité adoptée pour la
protection des abords.
Le maintien de l'intégrité de l'aspect
extérieur des constructions situées aux abords des monuments
historiques et des sites, constitue un point essentiel de la sauvegarde de ces
bâtiments, dès lors que ces constructions sont visibles des
monuments ou visibles en même temps qu'eux.
La notion d'unité architecturale a été
ainsi mise en évidence d'une manière fondamentale. La protection
des abords va pouvoir s'exercer de plusieurs manières par le recours aux
mesures de l'inscription et du classement, par la nécessité
d'obtenir l'accord des services du ministère chargé de la
culture, dans le cas de l'Algérie, et de l'ABF, dans le cas de la
France, sur la réalisation des travaux, par la possibilité de
refuser le permis de construire en se fondant sur une atteinte au «
caractère avoisinant des lieux ».
Dans ce mode de protection, l'arrêté de
classement d'un monument historique ou d'un site peut s'étendre aux
immeubles bâtis, qui semblait évident, ou même non
bâti. Cette possibilité d'inscription ou de classement d'un
terrain non bâti a été offerte pour assurer le maintien des
espaces verts, des zones de dégagement ou de recul par rapport au
monument historique. Toutefois, il faut préciser que la mesure
d'inscription ou de classement d'un terrain n'équivaut pas à une
servitude non ædificandi, puisqu'une construction peut toujours
être effectuée sur ce terrain avec l'accord du ministère
chargé de la culture. Le critère de vision a été
retenu en premier lieu. Cependant, la définition de ce seul
critère visuel ne pouvait à lui seul suffire. Si le champ visuel
en zone urbaine est très restreint d'une manière
générale, il peut être, dans certains cas, très
étendu. Ce champ de vision est parfois d'une très grande
portée lorsqu'il s'agit d'un monument historique inscrit ou
classé. Ces bâtiments sont souvent situés sur des points
culminants des villes, ou s'élèvent à des hauteurs
supérieures à celles des
16 Ibid.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
constructions voisines, tel est le cas de bon nombre de
tours, de citadelles, de cathédrales et bien des basiliques. Retenir le
seul critère visuel aurait donné au ministère
chargé de la culture la possibilité de proposer l'inscription ou
le classement de tout bâtiment situé dans une zone presque aussi
étendue que la ville elle-même. C'est pour cette raison qu'un
périmètre de visibilité est fixé et ne peut
s'étendre au-delà des limites urbaines précisées
autour d'un monument historique. Le périmètre peut être
étendu dans des cas très exceptionnels.
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