I.4. Du patrimoine bâti au paysage
Le processus qui a aidé l'opinion à passer du
monument historique au patrimoine, était fait principalement par
l'avènement de la « loi Malraux » en 1962 en France, portant
la création des secteurs sauvegardés. Ce passage du monument
« isolé » aux ensembles urbains était
précédé en 1943 par la création des
périmètres de protection, appelés aujourd'hui les abords,
de 500 mètres autour de tous les bâtiments classés ou
inscrits parmi les monuments historiques.
8 LAMY Yvon. « Du monument au
patrimoine » : Matériaux pour l'histoire politique d'une
protection. In: Genèses, 11, 1993. Patrie patrimoine,
P62.
17
Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
La création des secteurs sauvegardés a
entrainé une certaine diffusion du patrimoine bâti dans la
société. A l'exemple du premier secteur sauvegardé en
France, celui du vieux Lyon en 1964, une bataille contre sa destruction
était menée par la population locale et des associations
défendant la « demande sociale9 » pour la
protection de ce patrimoine. A partir de la création des secteurs
sauvegardés, on s'intéressait ensuite à la perception de
l'espace urbain et, donc, à l'image urbaine surtout dans les vieux
tissus porteurs de la mémoire collective de la population. Puis en
1975-1980, l'intérêt se dirigeait vers la notion de paysage, avec
la création des zones de protection du patrimoine architectural, urbain
et paysager (ZPPAUP) avec un intérêt romantique envers l'image
conçue à partir de l'intégration du monument dans le
paysage environnant. Donc, on a passé du monument isolé au
monument historique au patrimoine jusqu'aux sites et paysages
protégés.
Une autre transition dans ce contexte, est celle du
patrimoine national au patrimoine mondial, essentiellement, apparu après
la création de l'UNESCO (l'Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture) et de son centre du patrimoine mondial.
Cette diffusion mondiale du patrimoine a engendré l'élaboration
de plusieurs chartes et conventions internationales pour la protection du
patrimoine dans toutes ses nouvelles formes. Ces chartes et conventions
internationales marquent un élargissement progressif de la notion de
patrimoine bâti jusqu'en arrivant à sa mise en scène
touristique (voir le tableau ci-dessous).
Année/ Lieu
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Chartes et conventions
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Elargissement de la notion du patrimoine
bâti
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1931 à Athènes
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Charte d'Athènes pour la
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L'intérêt général est sur le
monument historique.
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restauration des monuments
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Quoique, dans plusieurs passages, on veut dire par
monument historique ; le monument isolé ou l'ensemble
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historiques
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urbain et les recommandations concernent uniquement le
monument isolé. Le point le plus favorable est que cette charte
réclame une volonté de mettre la conservation des
monuments historiques dans un cadre législatif soit
national ou international surtout par la création des
organisations spécifiques à la conservation et
la restauration des monuments historiques.
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Par rapport à la restauration, la charte confirme sa
nécessité même avec des techniques et matériaux
modernes mais dans le respect de l'identité artistique initiale. Elle
exclut les sites archéologiques de toute opération de
restauration mais elle encourage leur gardiennage. De plus on trouve un
intérêt, très timide, sur la protection des «
voisinage des monuments historique ».
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9 NEYRET Régis, op. Cit.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
1964 à Venise
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Charte de Venise sur la conservation et la restauration des
monuments et des sites.
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L'intérêt est pour le monument historique, qui
soit une création architecturale isolée ou bien les sites urbains
ou ruraux, qui ne sont pas nécessairement monumentaux mais
présentant une signification historique et culturelle.
De plus, on parle des sites monumentaux mais encore
dans un contexte plutôt construit. Elle inclut
des recommandations sur les fouilles archéologiques.
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1972 à Paris
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Convention (de l'UNESCO) mondiale sur le
patrimoine mondial culturel et naturel.
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L'événement le plus important de
l'élargissement de la notion du patrimoine, le champ de
compréhension du patrimoine est plus large qu'avant, car on parle d'une
pluralité importante du patrimoine (culturel, naturel, mixte et
immatériel).
Il ne faut pas oublier l'universalisation de la notion
(patrimoine mondial), un patrimoine n'est plus perçu comme une valeur
culturelle et historique ou même naturelle strictement à
l'échelle nationale, mais à partir de cette convention ils
existent des monuments qui sont importants à toute l'humanité.
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1981 à Florence
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Charte de Florence sur les jardins historiques.
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Cette charte est très significative dans le processus
d'évolution de la notion du patrimoine, du fait qu'une organisation des
espaces verts relative à une logique et un savoir faire des
ancêtres, est considérée comme un bien patrimonial
nécessitant sa sauvegarde et sa protection légale et
administrative.
Le fait de considéré un jardin comme
patrimoine, dont le matériau premier est la végétation va
encore encourager le développement de la notion vers l'importance de
tout geste, historiquement et artistiquement, signifiant et aussi vers
l'exploitation de ces biens en promenade et au tourisme où le
patrimoine, dans toutes ses nature, devient une source de revenues très
importante.
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1992
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Le 20 e anniversaire de la convention du patrimoine mondial de
l'UNESCO
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Avec cette révision de la première convention,
le concept des paysages culturels a vu le jour, et avec lui, on a
dépassé la simple existence des biens patrimoniaux mixtes vers
une indissociabilité entre le culturel bâti et le naturel dans des
sites, voire des territoires spécifiques, qui portent une valeur
universelle. On s'intéresse beaucoup plus au patrimoine bâti dans
son contexte paysager.
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1999 au Mexique
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Charte internationale du tourisme culturel et la gestion du
tourisme aux sites de patrimoine significatif
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La conservation englobe le patrimoine bâti dans un
autre contexte, celui d'une revitalisation du passé comme un moyen
économique et aussi de fierté et de promotion de la culture de
chaque nation. Elle encourage la mise en
scène du patrimoine bâti par la protection de
son environnement pour créer un «produit»
économiquement et touristiquement consommable.
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Tab. 1. Evolution de la notion du patrimoine bâti a
partir des chartes et conventions internationales. Source :
Par l'auteur.
En général, cette évolution du
patrimoine bâti, montre clairement l'intérêt grandissant de
l'espace environnant des oeuvres du patrimoine architectural ou urbain, pour sa
signification historique, mémorielle, culturelle et économique
où le patrimoine bâti fait partie des paysages exceptionnels. La
forme la plus simple et la plus claire de ces espaces de protection, dans
lesquels le patrimoine bâti s'insère, est celle des abords du
patrimoine bâti.
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Percevoir le patrimoine bâti autrement : le monument
historique et ses abords ; un CHAPITRE
lieu. PREMIER
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