L'humanisation des lieux de détention au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Vincent Pascal MOUEN MOUEN Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009 |
B- La lenteur des procédures judiciairesSelon sa durée, la détention provisoire apparaît comme un facteur aggravant de la déshumanisation des lieux de détention en ce sens qu'elle augmente considérablement la population carcérale. En effet selon une étude conduite en 2000, 17,7% des prévenus subissent une détention préventive de moins d'un mois, 45,67% sont détenus pendant plus de cinq mois parmi lesquels 23,7% pendant plus d'un an.113(*) Le temps qui s'écoule entre la délivrance du titre de détention provisoire et la première rencontre avec le magistrat instructeur est parfois anormalement long. Dans certains cas, il va même au-delà de deux ans. Le tableau N° 2 donne une assez bonne lisibilité de la détention préventive dans les centres pénitentiaires camerounais. Il révèle un taux de détention préventive de près de 15% pour une durée comprise entre 12 et 24 mois. Et près de 9% de détention préventive dont la durée excède 24 mois, donc largement au-delà des dispositions du code de procédure pénale.114(*)En cause, des renvois excessifs qui freinent l'évolution des procédures et la non, exécution des diligences judiciaires.115(*) Le défaut d'expertise, le défaut de conseil, l'absence de la partie civile sont autant de diligences qui motivent les renvois. La mission d'évaluation du projet PACDET observe que« la présence des témoins ou des parties civiles est aléatoire. Les tribunaux consacrent au moins 3 à 4 audiences à la citation de la partie civile ou des témoins, ce qui est excessif, alors que la procédure d'instruction est écrite. »116(*) La commission nationale des droits de l'homme et des libertés signale même un cas de trente renvois sans ouverture de dossier.117(*)Mais les lenteurs des procédures judiciaires pourraient également être imputables aux retards dans la transmission des pièces et des dossiers de procédures. La mission note pour le déplorer que « les pertes de dossiers sont régulières, les méthodes de classement étant archaïques et la tenue des archives rendue difficile par des locaux et du matériel inadéquat. »118(*) Pourtant les sollicitations de l'institution judiciaire s'accroissent au fil du temps d'où son inévitable engorgement. Tableau n°1 : Détenus selon le type de titre de détention
Recensement du 31 août 2000. Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, décembre 2006. Tableau n° 2 : Durée de détention préventive selon le sexe
Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, décembre 2006. L'inefficacité de la politique judiciaire dans la protection des personnes incarcérées est aussi en partie imputable à la complaisance observée dans la répression des atteintes à la dignité humaine des personnes privées de leur liberté. * 113Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p 42. * 114 Dans son article 221 le code de procédure pénale précise que la durée de la détention provisoire ne peut excéder 06 mois. Mais elle peut être prorogée par ordonnance motivée au plus pour 12 mois en cas de crime et 06 mois en cas de délit. * 115 EKAM TANDJEU (Antoinette), Les incidences de la pratique actuelle de la détention préventive au Cameroun : cas de la juridiction de Yaoundé, Mémoire de Maîtrise en Sciences Sociales, Faculté des Sciences sociales et de Gestion, UCAC, Yaoundé, 1999, pp 53-54. * 116 Rapport d'étape de la mission d'évaluation du PACDET, Paris- Bruxelles- Yaoundé, mai 2004, A.R.S. Progetti S.r.l., p 10. * 117 Rapport général de la visite des centres de détention de Yaoundé, CHDHL, décembre 2008, p. 25. * 118Rapport d'étrape de la mission d'évaluation du PACDET, op. cit. |
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