1.8. Une piste à exploiter
Je choisis l'hypothèse de compréhension
3 pour en faire une piste d'intervention. Il serait en effet bon que
je puisse - en tant qu'imago* paternel- partager des moments
de jeux vidéo qui constitueraient en même temps un
espace de médiation
éducative*, avec les protagonistes. L'objectif
est, à partir de la confiance que je peux construire avec eux à
travers cet espace dans un premier temps, de mettre ensuite en place d'autres
activités - le moment voulu - dans la « vraie vie », pour leur
permettre de se déconnecter un peu du « pouvoir
hypnotique des pixels* ».
1.9. La mise à l'épreuve de
l'hypothèse d'intervention
Un dimanche en soirée, Damien et François se
retrouvent côte à côte plongés dans
l'écran d'un ordinateur. Ils jouent en réseau
à Dungeon Rampage. Me tenant auprès d'eux, j'observe
leurs interactions tout en passant un balai dans la pièce.
Les autres jeunes sont occupés à d'autres
activités dans la maison : certains « petits »
jouent dans la salle de jeu, trois autres font la vaisselle
dans la cuisine, d'autres encore sont « scotchés
» devant l'écran de télévision du salon. Une fois
ma
tâche ménagère achevée, je propose aux
deux joueurs de les rejoindre dans leur activité. L'occasion
se prête bien puisque deux ordinateurs sont restés
libres.
MOI : « Les gars, ça ne vous
dérange pas si je joue avec vous ? »
DAMIEN : « Non, non, viens, y pas
d'souci !... »
MOI : « Et toi, François, qu'en
penses-tu ?... »
FRANCOIS : « De quoi ? »
MOI : « Es-tu d'accord pour que je
vienne jouer avec vous à Dungeon Rampage ? »
FRANCOIS : « Ben... Oui... Pourquoi pas
? »
Je m'installe à côté des garçons pour
occuper le troisième ordinateur. Une fois la machine
complètement activée, je reprends mon
questionnement.
MOI : « Est-ce qu'il est possible de
vous rejoindre au niveau où vous êtes arrivés ?
»
DAMIEN : « Ouais, pas de souci !
»
MOI : « Le problème, c'est que
je ne sais pas comment faire pour y arriver. Qui peut m'aider ? »
DAMIEN : « Viens, je vais te faire
ça. »
Damien passe par différentes options à
sélectionner dans le programme du jeu pour me configurer
mon avatar. De cette façon, je peux me tenir par
projection virtuelle aux côtés des garçons afin de
progresser en même temps qu'eux dans la partie. J'en
remercie mon assistant. Par ailleurs, je réalise
rapidement que je n'ai pas la même dextérité
que mes partenaires de jeu pour me maintenir côte à
côte avec eux.
MOI : « Oufti, c'est trop rapide pour
moi !... Vous faites comment les gars ?... »
DAMIEN : « C'est normal : nous on a
l'habitude ! »
MOI : « Oui, mais quand même...
»
FRANCOIS : « Tracasse : nous on
s'occupe des méchants. Tu n'as qu'à nous suivre. »
DAMIEN : « Oui, on te laisse les
trésors et de l'énergie. T'as juste besoin de les ramasser en
même temps que tu nous suis. »
MOI : « Ok, merci... Sympa les gars !
»
Bien que mon devoir reste minime dans notre équipe
chevaleresque, j'ai toujours du mal à maintenir mon avatar près
de ceux de mes coéquipiers chevronnés.
Au bout de quinze minutes de jeux, fatigués par
l'effort de concentration que je dois fournir, je quitte la partie en
félicitant néanmoins mes partenaires pour leur habileté.
Mon sentiment de faire partie d'une génération de dinosaure, dans
le maillage du réticulum virtuel, s'en trouve renforcé. Les
garçons, quant à eux, ne quitteront les écrans qu'une
heure plus tard, après que l'éducateur présent et
moi-même n'ayons cessé de leur rappeler l'urgence pour eux de
quitter les ordinateurs.
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