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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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B- UN ESPACE DE JONCTION ET DE COLLUSION ENTRE MOUVEMENTS TERRORISTES ET JIHADISTES

Les répercussions de la crise Libyenne ont été nombreuses dans la zone sahélienne à la suite du retour en force des groupes terroristes dans le sahel et particulièrement dans le Nord Mali. Chacun de ces groupes (en fonction de ses origines, de ses objectifs et de ses modes d'action) et tous ensembles vont essayés de mettre en place des alliances et dynamiques de collaboration afin de renforcer leur présence et d'accentuer leur menace sur le terrain. Dans cette dynamique rebelle éclatée et volatile (2), AQMI va ainsi créer des liens avec des réseaux terroristes portant les germes d'une menace particulièrement dangereuse et difficile à combattre (1).

1- Liaison dangereuse entre AQMI et ses filiales

Le pire est-il déjà arrivé ou à craindre ? Une réalité est cependant bien présente, l'Afrique est l'une des régions du monde qui connaît une évolution constante de la menace terroriste302(*). Si des liens avec des réseaux criminels présents au sahel ne sont plus à démontrer, AQMI en a profité du désordre sahélien pour mettre en place tout un ensemble de toile qui s'étend au delà des frontières sahéliennes. Il est établi que des connexions existent entre AQMI et le Front Polisario. Dans un rapport intitulé « Terrorisme en Afrique du Nord, de l'Ouest et Centrale : du 11 septembre au Printemps arabe », le Centre Internationale pour les Etudes sur le Terrorisme souligne que « les camps de Tindouf sont devenus, sous l'emprise des milices du Polisario, un terrain fertile pour les recruteurs des réseaux terroristes de tous genres et des bandes criminelles, d'où l'impératif de leur fermeture ». Pour Abdelmalek DROUKDEL, le chef supérieur d'AQMI, et les émirs successifs de la zone Sud, Yahia DJOUADI, Nabil MAKLOUFI (décédé en septembre 2012 dans un accident de voiture), recruter au sein des camps du Polisario est à la fois un moyen de combler les pertes dans leurs propres rangs et l'assurance d'obtenir des moudjahidines aguerris, connaissant parfaitement le terrain saharien303(*). Plus inquiétant encore est la relation entre AQMI et BOKO HARAM.

En 2009, à la suite de la répression des forces armées nigérianes contre la secte BOKO HARAM, certains de ses membres ont trouvé refuge auprès d'AQMI304(*). Un an plus tard, en juin 2010, une réunion entre envoyés de BOKO HARAM et AQMI s'est tenue dans le Sahara, aboutissant à la signature d'un « pacte de coopération » incluant notamment une assistance logistique et l'entrainement de militants nigérians de la part d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique305(*). Un pan de voile a été levé avec les informations, révélées en mai 2012 par un journal nigérian, contenues dans un Rapport adressé au Président Nigérian par les services de sécurité et de défense sur la base des liens entre BOKO HARAM et AQMI, particulièrement des formations reçues par les membres du groupe nigérian en matière de prise d'otages306(*). Sur la base de ces informations (si elles s'avéraient correctes), il semblerait bien qu'AQMI ait sous traité la prise d'otages d'étrangers à BOKO HARAM ; illustrant une fois de plus les liens opérationnels établis entre BOKO HARAM et AQMI. Liens qui poussent à s'interroger sur la récente prise d'otage du 19 février 2013 d'une famille de touristes de nationalité française dans la localité de Dabanga, située à 80 km de Koussérie au Nord du Cameroun près du Nigéria.

ANCAR DINE de son vrai nom « Jum'a Ansar Al-Din Al Salafiya », « le groupe des défenseurs salafistes de la religion » en arabe oeuvre aussi avec AQMI pour imposer leur loi islamique. Avant d'être chasser au Nord du Mali plus précisément dans la ville de Tombouctou, où ils étaient présents, le couple AQMI-ANSAR EDDINE faisait appliquer des lois islamiques307(*). Dans une vidéo de présentation et de propagande envoyée à l'Agence France Presse, le bras droit d'Iyad GHALY308(*) affirme que : « c'est une obligation pour nous de combattre pour l'application de la charia au Mali ». Cette jonction dangereuse arabo-africaine de groupes locaux et djihadistes d'AQMI, dans un contexte d'affaiblissement et d'effritement progressif du front asiatique du djihad, fait craindre un basculement du front du djihad vers le Sahara et l'Afrique de l'Ouest à la faveur d'un déclin d'Al-Qaïda en Asie et de la montée en puissance de sa branche maghrébine, avec une volonté d'étendre la zone d'action de la mouvance terroriste en s'appuyant sur des groupes armés locaux et en profitant des fragilités et de la faiblesse des moyens de nombreux Etats309(*).

2- Une dynamique rebelle éclatée et volatile

Si des connexions entre AQMI et groupes armés aux motivations plus ou moins religieuses sont bel et bien réelles, la cacophonie semble toujours de mise. En effet, les différents groupes armés sévissant au sahel entretiennent le floue en ce qui concerne leur cohésion. L'observation faite sur ces groupes relève leur fragilité tant interne qu'externe. S'il apparaît que ceux-ci ont pour point commun leur appartenance à l'idéologie salafiste, c'est-à-dire dans ce cas une lecture « littéraliste des textes de l'islam, rejetant toute forme d'interprétation fondé sur la raison humaine » et engageant le musulman à vivre selon des principes du coran et de la sunna du prophète310(*), la dynamique des alliances semble remise en cause.

La situation au Nord du Mali a révélé des velléités (expansionnistes) entre mouvements islamistes radicaux et la nébuleuse terroriste affiliée à Al-Qaïda. Le Mouvement pour l'Unicité et le Djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) est présenté comme une dissidence d'AQMI. Pour certains analystes, la démarcation à laquelle on a assisté de la part des membres du MUJAO serait la conséquence principalement algérienne du leadership de la branche maghrébine d'Al-Qaïda et de la frustration croissante de certains combattants originaires des pays autres que l'Algérie vis-à-vis de ses réticences ou de son peu d'empressement à leur confier plus de responsabilités311(*). C'est notamment la thèse que présente Mohammed MAHMOUD ABU AL-MA' ALI312(*), écrivain et analyste spécialisé dans les mouvements islamistes armés en Mauritanie, pour qui la création du MUJAO serait le fait de Soultan OULD BADY313(*). Cette scission pourrait également provenir de la volonté des membres à l'origine de la création du MUJAO d'étendre le djihad au Sud du Sahara, y compris contre les pouvoirs en place314(*). D'autres voient également cette division comme la conséquence des reproches faits à AQMI d'être principalement actif dans des activités criminelles (prise d'otages et autres), délaissant le djihad. Enfin, il est aussi évoqué des dissensions sur la base de la répartition des rançons. Toutefois, quelques soient les raisons qui ont conduit à la création du MUJAO, il existe un lien évident entre le mouvement et AQMI. Et il faut noter aussi qu'il existe d'autres groupes dissidents du MUJAO dont le Mouvement Arabe de l'AZAWAD (MAA) et ANCAR El CHARIA qui sont présents dans le sahel.

Le Mouvement National de Libération de l'AZAWAD (MNLA), qui avait lancé l'offensive contre les forces maliennes le 17 janvier 2012 et qui avait rapidement emmené la chute de trois provinces du Nord - Kidal, Tombouctou et Gao s'est fait totalement dépasser par les islamistes315(*). Si pour l'heure, il reste toujours présent au Nord du Mali, plus précisément à Kidal au côté du Mouvement Islamique de l'AZAWAD (MIA), groupe dissident de ANCAR DINE, certaines sources affirment qu'il n'a pas de crédibilité. D'ailleurs, des mandats d'arrêts ont été lancés contre les chefs de la rébellion Touareg du MNLA et des groupes islamistes armés ANCAR DINE, MUJAO, AQMI, accusés notamment de terrorisme et de sédition, a indiqué le procureur général près de la Cour d'Appel de Bamako, Daniel TESSOUGNE316(*). Quelque soit l'importance que représente ces groupes dans l'émergence de l'islam radical et du terrorisme, il est nécessaire de préciser qu'à la base se trouve également le fanatisme qui meut un certain nombre d'islamistes radicaux et de terroristes, se manifestant par le sentiment, mieux, la conviction que le combat est juste. A lui tout seul cet élément représente un moteur particulièrement puissant pour la constitution d'une place forte pour l'islamisme radical au sahel.

* 302 William ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », Note d'Analyse n° 12, juillet 2012, p. 2.

* 303 François SOUDAN, « Mali : Polisario », Jeune Afrique, 08 décembre 2012.

* 304 Antonin TISSERON, « Sahara de tous les enjeux. Le Maghreb dans la tourmente ? », Actuelle de l'IFRI, le 23 octobre 2012, p. 4.

* 305 Serge DANIEL, AQMI l'industrie de l'enlèvement, Paris, Fayard, 2012, p. 204.

* 306 Emmanuel OGALA, `'Exclusive : BOKO HARAM gets N40 million donation from Algeria'', Premium Times, 13 May 2012.

http://www.premiumtimesng.com/news/5079.Boko_Haram_gets_n40million_donation_from_algéria.html.

* 307 « Au Nord Mali, ANCAR DINE et AQMI oeuvrent main dans la main, RFI, le jeudi 03 janvier 2013.

* 308 Iyad GHALY est un ancien leader des rébellions Touareg des années 1990 à la tête du Mouvement Populaire de l'AZAWAD. A la suite de la dissolution de celui-ci, il devient plus tard Secrétaire Général de l'Alliance Démocratique du 23 mai pour le changement, mouvement touareg politique et pacifique. C'est en 1999-2000 qu'il a versé dans le salafisme, au contact de prédicateurs pakistanais installés à Kidal, explique l'historien Pierre BAILLEY. Il devient par la suite négociateur lors de la libération d'otages détenus par AQMI, rôle auquel il empoche de grosses commissions. Après son expulsion en 2010 de l'Arabie Saoudite où il était détaché en tant que Conseiller Consulaire à Djeddah à cause de ses liens supposés avec AQMI, il crée le Mouvement ANCAR DINE vers la fin 2011 lorsqu'il se voit refuser son intégration au MNLA. Voir à ce sujet, « Coup d'état au Mali et Montée de l'islam radical au sahel », Chaire Raoul-Dandurand, 24 avril 2012 ; Julia Dufour et Claire KUPPER, « Groupes armés au Nord Mali : état des lieux - Fiche Documentaire », Note d'Analyse du GRIP, 06 juillet 2012. Voir également Pierre BAILLEY, « Mali : Iyad AG GHALY, le rebelle Touareg devenu djihadiste », L'Express, 12 avril 2012.

* 309 Laurence AIDA AMMOUR, « Nouveaux défis sécuritaires en Afrique du Nord après le `'printemps arabe'' », GCSP Policy Paper, n° 4, 2012. Voir également Jemal OUMAR, « Déplacement du centre de gravité d'Al-Qaïda au Maghreb », Magharebia, 12 octobre 2012.

* 310 « Le Salafisme aujourd'hui. Entre réformisme islamique et mouvement de rupture », http://www.oumma.com, 22 mars 2012.

* 311 William ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », Note d'Analyse n° 12, juillet 2012, p. 8.

* 312 Mohammed MAHMOUD ABU AL-MA' ALI, «Al-Qaeda and its allies in the sahel and sahara», Al-Jazeera Center for studies, Reports, 1 May 2012.

* 313 Présenté comme le chef du MUJAO par certains, Alias Abu Bady, arabe originaire de la ville de Gao, a crée cette organisation après qu'il lui a été refusé la création d'une unité composé d'arabes de l'Azawad.

* 314 William ASSANVO, op. cit., p. 8.

* 315 Alain RODIER, « Mali : La situation de non droit s'éternise », CF2R, Note d'actualité n° 286, 10 septembre 2012.

* 316 Daniel TESSOUGNE est un magistrat malien actuellement procureur près de la cour d'appel de Bamako.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus