B) L'externalisation aux Etats-Unis
D'après les statistiques du début de
l'année 2009137, entre 197 000 et 200 000 contractors
travaillaient pour le gouvernement des Etats-Unis. Parmi ceux-ci, 160 000
à 170 000 étaient employés en Irak pour le compte
d'environ 630 entreprises. A titre de comparaison, il y avait, au mois de
décembre 2009, 112 000 soldats américains sur le sol irakien. En
d'autres termes, le ratio était de 1 militaire pour 1,5 civils. Par
ailleurs, 80% des missions externalisées concernaient la logistique et
20% les missions de sécurité proprement dites.
L'externalisation est donc un phénomène
largement répandu aux Etats-Unis. A ce titre, le tropisme des agences
gouvernementales pour ces sociétés fait que ces dernières
sont parmi les plus importantes du monde. Par exemple, une entreprise comme
DynCorp employait 17 000 personnes en 2010 pour un chiffre d'affaires de 2
milliards d'euros.
Toutefois, y a-t-il un intérêt pour l'Etat
américain à recourir à ces SMP ? En octobre 2005, le
Congressional Budget Office (CBO)138 fit paraître une
étude qui comparait respectivement le coût d'utilisation des
personnels militaires, celui des fonctionnaires civils et celui des
contractors dans le cadre de missions de soutien logistique en dehors
du territoire américain139. L'étude concluait que, sur
une durée de 20 ans, le recours à des unités militaires
coûterait approximativement 90% plus que l'utilisation de
contractors.
136 CHAPLEAU Philippe, Les nouveaux entrepreneurs de la
guerre - Des mercenaires aux sociétés militaires
privées, Editions Vuibert, Paris, 2011, p. 121.
137 BRICET DES VALLONS Georges-Henri, Irak, terre
mercenaire, Editions Favre, Lausanne, 2009, p. 91. 138Le Bureau
du Budget du Congrès américain est une agence
fédérale américaine créée en 1974 sous la
présidence de Richard Nixon.
139 CBO, Logistics Support for Deployed Military Forces,
October 2005
83
Toutefois, en août 2008, le CBO fit une comparaison
entre les contractors et l'armée s'agissant du coût des
services de sécurité en Irak140. Le rapport
établissait que sur une durée d'un an (du 11 juin 2004 au 11 juin
2005), le coût d'une unité de contractors ne
différait pas grandement du coût d'une unité militaire
accomplissant les mêmes tâches.
Enfin, en mars 2010, le Government Accountability Office
(GAO)141 rédigeait un rapport comparant le coût
d'utilisation des employés du DoS par rapport à celui des
contractors en Irak142 dans le cadre de missions de protection
de personnes et de bâtiments. S'agissant de quatre dossiers sur cinq, le
recours à des employés du DoS coûterait davantage que le
recours à des contractors (voir tableau 3).
140 CBO, Contractors' Support of U.S. Operations in
Iraq, August 2008
141 Le GAO est l'organisme d'audit, d'évaluation et
d'investigation du Congrès en charge du contrôle des comptes
publics.
142 GAO, Warfighter Support : A Cost Comparison of Using
State Department Employees versus Contractors for Security Services in
Iraq, March 2010
84
Tableau 3 : DoS Vs SMP : comparaison des coûts (en
millions de $)
Contract : task orders
|
Number of contractor personnel
|
Contractor annual cost
|
State Department annual estimated cost (in fiscal
year 2008 dollars)
|
Cost
difference
|
|
|
|
Deployed
|
Stateside
|
Total
|
|
Baghdad Embassy Static Security
|
1,982
|
$77.6
|
$681.9
|
$176.5
|
$858.4
|
(+$785.1)
|
Baghdad Region Personal Protective Task Order
|
553
|
$380.4
|
$190.3
|
$49.2
|
$239.5
|
(-$140.9)
|
Basrah Region Personal Protective Services Task Order
|
243
|
$61.6
|
$83.6
|
$21.6
|
$105.2
|
(+$43.7)
|
Al-Hillah Region Personal Protective Task Order
|
259
|
$71.9
|
$89.1
|
$23.1
|
$112.2
|
(+$40.3)
|
Erbil Region Personal Protective Services Task Order
|
128
|
$52.1
|
$44.0
|
$11.4
|
$55.4
|
(+$3.3)
|
Source : GAO analysis of State Department data.
Si l'on compare les coûts totaux de ces cinq dossiers,
l'on constate que le recours à des ESSD revient deux fois moins cher que
le recours à des personnels du DoS (1,3706 milliards de dollars pour le
DoS contre 643,6 millions de dollars pour les contractors). Les
économies réalisées sont donc substantielles dans le cadre
de processus d'externalisation. Elles s'expliquent notamment par le recours
intensif à des employés irakiens (local nationals) ou
à des employés issus des pays en voie de développement
(third-country nationals). Par
85
exemple, dans le cas du premier dossier relatif à la
sécurité de l'ambassade US à Bagdad, 89% des
employés ne sont pas citoyens américains (82% de
third-country nationals et 7% de local nationals). Par ailleurs,
le seul dossier qui montre qu'il est moins intéressant
économiquement de recourir à des contractors
plutôt qu'à des employés du DoS est celui dans lequel la
société militaire privée n'a fait appel qu'à des
citoyens américains et non à des étrangers. En d'autres
termes, l'externalisation ne présente un intérêt
économique que lorsqu'il y a un recours massif à de la
main-d'oeuvre étrangère. Dans un pays aussi libéral que
les Etats-Unis, cela ne semble pas poser de problèmes dans l'opinion
publique. En revanche, dans un pays comme la France, qui essaie, tant bien que
mal, d'associer la doctrine libérale à la doctrine sociale, il
n'est pas sûr que cette manière de fonctionner soit
acceptée aussi facilement.
Enfin, comme le rappelle le GAO, l'étude porte
seulement sur les coûts et non sur la qualité des services
fournis, ce qui représente un biais majeur. De plus, ce rapport ne
concerne que le DoS et non le DoD. Le GAO explique cette absence par
l'incapacité du DoD à fournir les renseignements
nécessaires pour établir une comparaison complète des
coûts (le DoD était incapable de dire le nombre et le rang des
personnels militaires nécessaires dans le cadre des dossiers
susmentionnés, incapable également d'estimer le coût de
l'entraînement des personnels devant accomplir des fonctions liées
à la sécurité).
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