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Du mercenariat aux entreprises de services de sécurité et de défense : la question de l'externalisation dans les forces armées françaises

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par François Le Gallic
Ecole de l'air - Sciences Po Aix - Diplôme de Sciences Po Aix 2013
  

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C) La Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne est l'un des premiers pays à avoir adopté une législation relative au mercenariat. Il s'agit du Foreign Enlistment Act (« Loi sur l'enrôlement à l'étranger ») adopté en 1870. Il rend illégal pour les sujets de la Couronne le fait de rejoindre les forces armées d'un pays en guerre contre un pays en paix avec la Grande-Bretagne. Toutefois, comme le rappelle Aymeric Philipon (Le Mercenaire et le droit), du fait du contexte historique (guerre franco-prussienne), « l'objectif principal de cette loi reste la protection de la neutralité de la Grande-Bretagne ».

56 CHAPLEAU Philippe, Les nouveaux entrepreneurs de la guerre : des mercenaires aux sociétés militaires privées, Vuibert, Paris, 2011, p. 47.

57 Collectif (sous la direction de Jean-Jacques Roche), Des gardes suisses à Blackwater, mercenaires et auxiliaires d'hier et d'aujourd'hui, IRSEM, Paris, Mai 2010, p. 59.

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S'agissant cette fois-ci des SMP britanniques et non des mercenaires, aucun texte ne régit leur activité hormis ceux relatifs au droit des sociétés. Cependant, les SMP ne devraient pas être encadrées par le même droit que les autres sociétés car elles peuvent faire plus facilement l'objet d'une instrumentalisation à des fins illégales. Par exemple, en 1998, la société Sandline passa un contrat de fourniture d'armes avec Ahmad Tejan Kabbah, président de la Sierra Leone contraint à l'exil le 25 mai 1997 suite au coup d'Etat de Johnny Paul Koroma, chef de l'Armed Forces Revolutionary Council (AFRC). Or, il existait à l'époque un embargo sur les armes en Sierra Leone58. Une commission parlementaire fut donc mise en place pour enquêter sur cette violation de l'embargo par la société Sandline. En février 1999, l'enquête fut rendue publique et il s'avéra que l'opération avait reçu le soutien du Foreign Office et du MI659. Ainsi, comme dans le cas français du coup d'Etat aux Comores en 1995, il est rare que les services secrets ne soient pas impliqués de façon plus ou moins directe dans les activités de ces sociétés.

Enfin, il faut noter qu'un Livre blanc publié en février 2002 a proposé de réguler les activités de ces sociétés militaires privées en instaurant une procédure d'autorisation pour leur exercice60.

D) Les Etats-Unis

S'agissant de la législation américaine, il faut, comme dans le cas britannique, distinguer le mercenariat traditionnel de l'assistance militaire privée.

Le mercenariat traditionnel est régi par la Section 959 du Titre 18 du United States Code (USC) qui affirme : « (a) Quiconque, sur le territoire des Etats-Unis, s'enrôle ou s'engage, ou invite autrui à s'enrôler ou à s'engager, ou à se soustraire à la juridiction des Etats-Unis avec

58 En octobre 1997, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopta la résolution 1132 qui établissait un embargo sur les armes en Sierra Leone. En juin 1998, la résolution 1171 leva cet embargo mais en imposa un autre qui ne s'appliquait pas cette fois-ci au gouvernement sierra-léonais mais aux forces contrôlées par le Revolutionary United Front (RUF). Au final, ce n'est qu'en septembre 2010, soit 13 ans plus tard, que la résolution 1940 leva cet embargo.

59 DANIEL Jean-Philippe, La politique militaire de la France au sud du Sahara, du discours de la Baule à l'opération Hadès : du désengagement à la privatisation ?, mémoire de DEA, Université de Paris I, 2000.

60 Voir le rapport du 12 février 2002 intitulé Private Military Companies : Options for Regulation (2002). Ce rapport fut établi par le Foreign and Commowealth Office à la demande de la Chambre des Communes.

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l'intention d'être enrôlé ou engagé au service d'un quelconque prince, Etat, colonie, région ou peuple étranger (...) se verra puni d'une amende ou emprisonné pour une durée maximum de trois ans, ou les deux.

(b) Cette section ne s'applique pas aux citoyens ou sujets d'un Etat en guerre avec un pays contre lequel les Etats Unis sont eux-mêmes en guerre, à moins que ces citoyens ou sujets invitent ou sollicitent un citoyen américain à s'engager ou à se soustraire à la juridiction des Etats-Unis dans le but de s'engager ou d'entrer au service d'un pays étranger (...).61 » En d'autres termes, l'US Code interdit le mercenariat sauf si les mercenaires interviennent contre un pays en guerre avec les Etats-Unis. Il y a donc une volonté de criminaliser le mercenariat tout en autorisant ce qu'on pourrait appeler le « volontariat international ».

En matière d'assistance militaire privée, la section 8 de l'article 1er de la Constitution américaine du 17 septembre 1787 mentionne : « Le Congrès aura le pouvoir (...) de déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles, et d'établir les règlements concernant les prises sur terre et sur mer.62 » Bien évidemment, cette clause sur les lettres de marque et de représailles doit être restituée dans son contexte historique. En effet, il s'agissait pour le Congrès d'avoir la possibilité d'autoriser des armateurs à armer des flottes privées afin d'attaquer les navires de commerce ennemis (notamment ceux battant pavillon anglais). Autrement dit, il s'agissait de régir la guerre de course. A ce titre, certains juristes comme Matthew J. Gau 63 ont vu dans cette disposition constitutionnelle la base des textes réglementant les activités des SMP.

De manière plus contemporaine, la loi qui concerne les Private Military Companies (PMCs) se trouve au chapitre 39 du titre 22 de l'US Code64. Il s'agit de la loi sur le contrôle des exportations d'armes. Comme le précise Aymeric Philipon, le Arms Export Control Act concerne aussi bien les matériels de guerre que les services. Dans un premier temps, la SMP désirant fournir un service militaire doit se faire enregistrer auprès du State's Office of Defense Trade Controls (ODTC) en tant que société exportatrice. La SMP peut alors négocier avec le client, c'est-à-dire le gouvernement étranger. Dans un deuxième temps, le contrat final doit être soumis à l'approbation de l'ODTC. Pour prendre sa décision, il consulte le ministère

61 18 USC § 959 - Enlistment in foreign service.

62 U.S. Constitution - Article 1 - The Legislative Branch, Section 8 - Powers of Congress.

63 GAUL Matthew J., « Regulating the new privateers : private military service contracting and the modern marque and reprisal clause », Loyola of Los Angeles Law Review, juin 1998, pp. 1489 et suivantes.

64 22 USC Chapter 39 - ARMS EXPORT CONTROL.

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de la Défense et la représentation américaine dans le pays du client potentiel. Finalement, comme l'écrit Olivier Hubac, « les rapports qui lient l'Etat américain à ces sociétés prennent la forme d'une délégation de service public.65 »

Il faut toutefois noter que dans le cadre d'un contrat de plus de 5 millions de dollars, l'autorisation du Congrès est obligatoire. Or, il arrive assez souvent que les SMP multiplient les contrats afin de « court-circuiter » ce vote parlementaire. Au final, le recours à des SMP relève principalement du Departement of State66, c'est-à-dire du pouvoir exécutif et non du pouvoir législatif comme on pourrait s'y attendre. Cette situation qui perdure encore aujourd'hui fait débat. Jan Schakowsky, membre du parti démocrate et représentante du neuvième district de l'Illinois à la Chambre des représentants soulève la question suivante : « Est-ce que l'armée américaine privatise ses missions pour éviter toute contestation ou critique en soustrayant les cadavres au regard de l'opinion publique67 ? ». S'il est vrai que le caractère démocratique du processus peut-être remis en cause, il constitue en tout cas un formidable outil en termes de politique étrangère.

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