B) La France
C'est par la loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 que la
France criminalise l'activité de mercenaire. L'article 436-1 du Code
pénal énumère les six critères cumulatifs :
- 1) être une personne « spécialement
recrutée pour combattre dans un conflit armé » ;
- 2) ne pas être ressortissant « d'un Etat partie au
dit conflit armé » ;
- 3) ne pas être « membre des forces armées
» de cet Etat ;
- 4) ne pas être envoyé « en mission par un
Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces
armées dudit Etat » ;
- 5) « prendre ou tenter de prendre une part directe aux
hostilités » ;
- 6) « en vue d'obtenir un avantage personnel ou une
rémunération nettement supérieure à celle qui est
payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions
analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit
combattre ».
La loi cite également les actes concertés de
violence « visant à renverser les institutions ou porter atteinte
à l'intégrité territoriale d'un Etat ». Il s'agit ici
d'une précision ayant pour objectif la condamnation de tout acte de
déstabilisation.
Par ailleurs, cette définition de l'activité de
mercenaire est complétée par deux autres articles. L'article
436-2 du Code pénal précise que « Le fait de diriger ou
d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la
rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire
d'une personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans
d'emprisonnement et de 100 000 EUR d'amende ». Enfin, l'article 436-3
étend la portée de l'article 431-6 en dehors du territoire
français. Ainsi, même en l'absence de plainte dans le pays
étranger concerné, un ressortissant français tombe sous le
coup de la juridiction française.
Si la loi du 14 avril 2003 a le mérite de
préciser la position française sur le mercenariat, elle n'a
qu'une portée symbolique. En effet, même un Bob Denard ne peut
être qualifié juridiquement de mercenaire puisqu'il ne remplit pas
les six critères. D'ailleurs, à ce jour, aucun ressortissant
français n'a été inquiété par la justice.
Comme le note Jean-Marie Vignolles, « la loi française autorise de
facto tout ce qu'elle n'interdit pas » (De Carthage à Bagdad,
le nouvel âge d'or des mercenaires, Editions des Riaux, Paris,
2006). Et Philippe
42
Chapleau d'ajouter : « Si l'on définit le
mercenaire, comme le fait la loi de 2003, au travers d'activités de type
`coup d'Etat', inductrices de déstabilisation, les dirigeants et
employés de Sociétés Militaires Privées
dûment enregistrées, engagées dans des activités
officielles (soutien, formation, renseignement, protection, etc.) au profit
d'Etats, dans le cadre de contrats en règle, n'ont, en fait, rien
à craindre de la justice française. D'ailleurs, ces
sociétés n'auraient rien à gagner, et très gros
à perdre, autant pour des raisons économiques que pénales,
en allant à l'encontre des intérêts de leur nation
d'origine et en se lançant de leur propre initiative ou au profit
d'intérêts privés, dans des aventures `barbouzardes' pour
destituer un régime en place, aussi discutable
fût-il.56 »
En conclusion, la loi du 14 avril 2003 ne présente pas
d'intérêt majeur par rapport aux apports du droit international.
Il s'agit plus pour la France de faire amende honorable auprès des pays
africains dans lesquels elle a agi de manière plus ou moins officielle
que de véritablement condamner l'activité de mercenaire.
Toutefois, la loi du 14 avril 2003 semble avoir envoyé un signal fort
quant à « la volonté de l'Etat français de
préserver son monopole de la violence légitime en dissuadant les
acteurs du marché d'investir son domaine. Ce faisant, l'Etat
français a écarté les entreprises nationales de ce secteur
d'activité à la croissance exponentielle tout en limitant les
capacités d'internationalisation des sociétés ayant
développé des compétences spécifiques à la
faveur de Partenariats Public-Privé (PPP) en les privant de
l'indispensable capacité de se protéger
elles-mêmes.57 »
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