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Le gouvernement et le processus législatif en Tunisie (avant la révolution de 2011)

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par Héla Boujneh
Faculté de Droit et des sciences Politiques de Sousse - Mastère en Droit Public 2010
  

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Section2 : La consultation obligatoire 

La consultation obligatoire est assurée par une seule institution à savoir le Conseil Constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel effectue un contrôle préventif (à priori)236(*) sur les projets de loi avant leur renvoi au parlement.

Selon Michel Debré ; « la création du conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire la décision du président ; à la règle supérieure édictée par la Constitution 237(*)»

On s'intéressera ; dans un premier temps au rôle joué par le Conseil en tant qu'organe consultatif ; pour aborder dans un deuxième temps les limites de son rôle.

Paragraphe I : L'organisation du Conseil Constitutionnel en tant qu'organe consultatif

Le Conseil Constitutionnel a un statut (A) qui a évolué, ainsi que son rôle (B).

A- le statut du Conseil Constitutionnel 

En Tunisie, la première tentative de création du Conseil Constitutionnel remonte en vérité au 1 avril 1971, suite au dépôt d'un projet de réforme par le président Habib Bourguiba. Mais il n'a été institué qu'en 1987 via un décret présidentiel n°1414 du 16 décembre 1987 en tant qu'institution consultative auprès du président de la République.

Donc la structure du Conseil était dépendante et non pas constitutionnellement autonome.

Le conseil a évolué et sa situation juridique a été rehaussée successivement au rang législatif puis au rang constitutionnel238(*).

En effet, la loi n°90-39 du 18 avril 1990239(*) rehausse l'institution du conseil constitutionnel pour la rendre issue du pouvoir législatif.

Néanmoins le conseil constitutionnel reste hiérarchiquement inférieur au conseil économique et social, mais aussi au Conseil d'Etat.

C'est en 1995, et en vertu de la révision constitutionnelle introduite par la loi constitutionnelle n°95-90 du 6 novembre 1995, que le conseil constitutionnel accède au rang constitutionnel, a travers l'ajout d'un chapitre nouveau IX « Le Conseil Constitutionnel »240(*).

B- le rôle du Conseil Constitutionnel dans le processus législatif 

Le Conseil Constitutionnel a pour mission de contrôler de la constitutionnalité de ce projet de loi (1). Cependant, ce Conseil est concurrencé par l'interventionnisme du Président de la République(2).

1- le contrôle de la constitutionnalité des projets de loi

En Tunisie, seul le conseil constitutionnel est habilité à juger de la constitutionnalité des projets de lois à l'exclusion du conseil d'Etat.

Il convient à ce niveau de s'intéresser au statut ainsi qu'au rôle du conseil constitutionnel.

En France, cette action de contrôle préventif concerne aussi bien le Conseil Constitutionnel241(*) que le conseil d'Etat242(*).

En effet au cours de la préparation du projet de loi et avant la délibération du conseil des ministres, le conseil d'Etat est saisi par le premier ministre243(*).

L'article L.112-1 du Code de justice administrative dispose que ; «  Le conseil d'Etat participe à la confection des lois et ordonnances. Il est saisi par le premier ministre des projets établis par le gouvernement ».

Car comme le signale Guillaume Drago, l'intervention du conseil d'Etat dans le processus législatif «  permet de déceler et de corriger les défauts techniques et les inconstitutionnalités du projet. L'action curative du conseil constitutionnel intervient en fin de processus pour vider la querelle constitutionnelle, même si l'autorité de ses décisions n'est pas parfaite ...il ne s'agit pas de questions purement juridiques, mais d'un équilibre constitutionnel »

En France, le Conseil d'Etat  est un intervenant capital dans le processus législatif, puisqu'il n'est plus seulement, aujourd'hui, le conseiller du Gouvernement, mais il est aussi, conformément au dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution française, le conseiller du Parlement. 

Il suffit, pour avoir conscience du rôle du conseil d'Etat, de relire le rapport public du Conseil d'Etat pour l'année 1991 dans ses « Considérations générales » intitulées «De la sécurité juridique » 244(*)Ce document souligne la prolifération des textes, l'instabilité des règles, la dégradation de la norme. Ces jugements, qui concernent aussi les actes réglementaires, dénoncent les « textes d'affichage, un droit mou, un droit flou, un droit à l'état gazeux ». Ils critiquent « la pratique des lois fourre tout» et la « hâte avec laquelle sont préparés et examinés certains textes ».

En France, Le Conseil Constitutionnel s'est inspiré de la même préoccupation de sécurité juridique pour exiger de la loi qu'elle soit précise et prévisible. Il va donc censurer les formulations ambiguës, équivoques, qui peuvent être source d'arbitraire.

A cette fin, le Conseil Constitutionnel a dégagé le principe de clarté de la loi et les objectifs d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.245(*)

Cette jurisprudence incite le gouvernement et les parlementaires à améliorer la qualité de la loi, sous peine de censure constitutionnelle.

2- Un contrôle concurrencé par le Président de la République 

La place particulière du Chef de l'Etat «  dans le système maghrébin ne doit pas étonner outre-mesure. Elle découle de la logique fondamentale de la Constitution qui, plus que de lui accorder des simples compétences, elle lui accorde de véritables missions.246(*) »

C'est dans cette optique que l'article 41 de la Constitution tunisienne dispose que : «Le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect de la constitution et des lois ainsi que de l'exécution des traités. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels et assure la continuité de l'Etat. » 

Bien plus que cela George Vedel affirme que «  Les actes les plus importants du Président de la République ne relèvent ni du Conseil d'État ni du Conseil constitutionnel. Bien plus ce dernier n'a pas le monopole du contentieux constitutionnel puisque l'article 5 confère au Président de la République le soin de veiller au respect de la Constitution »247(*)

D'autant plus que conformément à l'article 35 de la Constitution, le Président de la République, disposant du pouvoir réglementaire général, peut modifier par décret toute loi intervenant dans le domaine de son pouvoir.

Le Président de la république peut, par ailleurs, opposer l'irrecevabilité de tout projet de loi ou d'amendement intervenant dans le domaine du pouvoir réglementaire général. Le Président de la République soumet la question au Conseil Constitutionnel qui statue dans un délai maximum de dix jours à partir de la date de réception.

D'ailleurs c'est, seulement dans cette hypothèse , que le Conseil Constitutionnel est tenu d'un délai de 10 jours pour statuer.

Pendant sa saisine pour le contrôle de la constitutionnalité des projets de lois, aucun texte juridique ne fixe de délai.

Le Conseil Constitutionnel se transforme en un organe au service du pouvoir réglementaire général du Chef de l'Etat, et non pas en garant de la suprématie de la loi248(*).

Le professeur Ridha Jennayh qualifie le Conseil Constitutionnel de «  chien de garde de l'exécutif »249(*).

Le Conseil Constitutionnel est l'institution garante du respect de la Constitution, cependant, compte tenu du mode de désignation 250(*)de ses membres qui risque de ne pas garantir l'impartialité absolue et la compétence de ces derniers.

En plus de sa saisine qui est tantôt obligatoire, tantôt facultative et seul le Président de la République est habilité à la faire.

* 236 Ben Achour (R.) .La justice constitutionnelle, quelle procédure ? , Table ronde de Tunis sur la justice constitutionnelle, octobre 1993, Centre d'Etudes, des Recherches et de Publications, 1995 ; page 93

* 237Rouvillois (F.). Michel Debré et le contrôle de constitutionnalité, RFDC, 2001, page 110

* 238 Ben Achour (R.). La protection de la constitution .In Mélanges Sadok Belaid, Centre de Publications Universitaires, 2004, page 126.

* 239 JORT n°27 du 20/04/1990, page 527.

* 240 Les articles 72 à 75.

* 241 Depuis 1958 existe en France un contrôle de constitutionnalité de la loi. Sur saisine du président de la république, du premier ministre, du président de chaque assemblée, de 60 sénateurs ou 60 députés, une loi peut, après son adoption par le parlement mais avant la promulgation, être déférée au conseil constitutionnel. Le conseil dispose d'un mois ou, sur demande du gouvernement, de huit jours pour statuer.

La saisine par 60 parlementaires, instituée en 1974, est un instrument largement utilisé, notamment par l'opposition. Dès lors, la plupart des lois importantes font l'objet de ce contrôle.

Le conseil exerce un double contrôle :

? Sur la procédure d'élaboration des textes tout d'abord : le conseil veille ainsi au respect des règles substantielles d'adoption des lois, aux conditions d'exercice du droit d'amendement, etc.

? Sur le fond, le conseil, au terme d'une évolution jurisprudentielle progressive et parfois contestée, juge la conformité des lois par rapport au dispositif (articles) même de la constitution mais aussi en tenant compte des principes a valeur constitutionnelle qu'il tire ou déduit de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la constitution de la IVème république (1946).

Le conseil peut déclarer une loi totalement ou partiellement non conforme. Les dispositions d'une loi déclarées inconstitutionnelles sont inapplicables. Une autre possibilité pour le conseil consiste à déclarer une disposition législative conforme à la constitution sous réserve de l'interprétation qu'il en donne (une sorte de «mode d'emploi» de la loi, en dehors duquel la constitution ne serait pas respectée)

* 242 Guillaume Drago (G.).La confection de la loi, Conseil d'Etat, Rapport Public 1991, EDEC, n° 43, pages 13 a 47.s la Viéme république : pouvoir législatif ou fonction partagée, Revue Française de Théorie, de Philosophie et de Culture Juridique, PUF 2007, page 64

* 243 « Le Conseil d'Etat participe a la confection des lois et ordonnances. Il est saisi par le premier ministre des projets établis par le gouvernement. », Article l112-1, modifié par loi n°2009-689 du 15juin 2009, http :// www . legifrance . gouv . fr

* 244 Conseil d'Etat. Rapport public 1991, EDCE, n° 43, pages 13 à 47.

* 245 le Conseil Constitutionnel a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi a l'occasion d'une loi autorisant le gouvernement a procéder par ordonnance des travaux de codification (Décision n° 99-421 du 16 décembre 1999) ; (exposé fait par m. Olivier Dutheillet De Lamothe, membre du conseil constitutionnel, a l'occasion de l'accueil de hauts magistrats brésiliens, le 20 septembre 2005) http :// www . conseil - constitutionnel . fr

* 246Tarchouna (L.). L'organisation du pouvoir dans les constitutions des pays du Maghreb, Revue de Droit Public, page 277.

* 247Vedel (G.). Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif, Cahiers du Conseil Constitutionnel n° 1 - décembre 1996, http://www.conseil-constitutionnel.fr

* 248 Sur cette question l'auteur Louis Favoreu souligne que «  qu'il y a unité du pouvoir réglementaire et que celui-ci s'exerce...pour compléter la loi, quel que soit le domaine d'intervention ... », le même auteur ajoute que « Le Conseil Constitutionnel (Fr) a enfin définitivement consacré cette évolution en décidant que l'intervention du pouvoir législatif dans le domaine réglementaire ne constituait pas une inconstitutionnalité », Louis Favoreu (L.). Les règlements autonomes n'existent pas », R .F.D.A, 1987, p.p. 871-884.

* 249 Jennayh (M.R), «  La constitutionnalisation du droit administratif tunisien », actes de colloque constitution et administration, Sousse, 27- 28 février 2009, ATDC, p22.

* 250 En Belgique, on réserve  «  une moitié des sièges à la cour d'arbitrage à d'anciens parlementaires et l'autre moitié à des juges ayant une formation juridique approfondie », olivier Jouanjan (O.). Le conseil constitutionnel, est-elle une institution libérale ?, RFTPCJ, 2006, page 80

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault