Le gouvernement et le processus législatif en Tunisie (avant la révolution de 2011)( Télécharger le fichier original )par Héla Boujneh Faculté de Droit et des sciences Politiques de Sousse - Mastère en Droit Public 2010 |
Chapitre I :Les fondements du rôle du gouvernement dans la conception des projets de lois Le gouvernement est contraint d'agir en élaborant des lois. C'est justement ce que constate le professeur Robert Badinter qui affirme que : « Devant la vague émotionnelle que suscite un crime odieux, les femmes et les hommes politiques se sentent interpellés. La réponse la plus simple consiste à dire : faisons une loi pour éviter que cela se reproduise, afin de faire face à l'urgence de l'actualité, à l'impératif de l'action et aux directives de la politique publique »59(*). C'est pourquoi il dispose de plusieurs privilèges et avantages et d'une « armature administrative »60(*). Le gouvernement dirigé par le premier ministre, a pour mission de veiller à la mise en oeuvre de la politique générale de l'Etat, conformément aux orientations et aux options définies par le Président de la République61(*).il a un rôle d'assistance comme le prévoit l'article 37 62(*)de la constitution du 1 juin 1959. « Le fondement est de façon générale, sur quoi se repose une institution, une règle ou une conception et, à quoi elles doivent leur solidité et leur validité. Le fondement remplit une fonction de justification et de légitimation 63(*)». Ainsi le gouvernement « monopolise » l'initiative législative grâce à des fondements juridiques (section I), en plus des fondements pratiques voir techniques (section II). Section1. Les fondements juridiquesLe gouvernement tire sa compétence des dispositions de la constitution du 1 er juin 1959 (paragraphe I) mais aussi à travers des dispositions infra-constitutionnelles (paragraphe II). Paragraphe I ; Les dispositions constitutionnellesEn principe et conformément à l'Article 18 de la Constitution tunisienne « Le peuple exerce le pouvoir législatif par l'intermédiaire d'une assemblée représentative, dénommée "Chambre des Députés" ». Cependant aux termes de l'article 28 de la Constitution64(*) ; « L'initiative des lois65(*) appartient concurremment au Président de la République et aux membres de la Chambre des Députés. Les projets présentés par le Président de la république ayant la priorité ». La priorité accordée aux projets de loi privilégie le chef de l'Etat et limite le rôle législatif du parlement à un vote des projets de loi proposés par le gouvernement. Le président de la République dispose d'un gouvernement qui a pour mission de mettre en oeuvre ces projets de loi. Le pouvoir exécutif en Tunisie dispose de deux têtes, le Président de la République et le Premier Ministre qui est à la tête du gouvernement. Le gouvernement est la deuxième composante du pouvoir exécutif conformément à la Constitution tunisienne66(*), il n'a été mentionné que d'une façon incidente. Contrairement au Président de la République67(*), le gouvernement est responsable devant le Parlement, même si c'est le Chef de l'Etat qui a plus de pouvoirs. C'est avec la révision constitutionnelle du 8 avril 197668(*), que la création du gouvernement en tant que structure indépendante au sein du pouvoir exécutif a eu lieu. Le gouvernement est composé d'un premier ministre et des autres ministres. La constitution tunisienne de 1959 organise le rôle du gouvernement dans le processus législatif (A) mais renforce aussi celui du président de la République (B) A- Les dispositions constitutionnelles relatives au gouvernementLa constitution ne reconnait pas au gouvernement un pouvoir d'initiative propre en matière de projets de lois. Le véritable fondement juridique de l'intervention du gouvernement dans le processus législatif est que la constitution le charge expressément de veiller à la mise en oeuvre de la politique générale de l'Etat, conformément aux orientations et aux options définies par le Président de la République et il est responsable de sa gestion devant lui. Le gouvernement a un pouvoir d'assistance. Selon l'article 60 de la constitution tunisienne, le Premier ministre dirige et coordonne l'action du gouvernement. Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la Présidence du conseil des ministres ou de tout autre conseil ; donc il est chargé « de mettre en forme la conception politique du chef d'Etat sur le court, moyen et long terme ». 69(*) Le Premier ministre70(*) assure auprès du Président de la République auquel il rend compte de son activité, la mise en oeuvre de la politique générale du gouvernement. Il coordonne l'activité de tous les ministres et secrétaires d'Etat. Il convoque et préside les conseils interministériels. Il établit leur ordre du jour. C'est le collaborateur le plus immédiat du Président de la République71(*). Le premier ministre a un rôle important dans le processus législatif. Il participe à, la programmation et la coordination de l'action gouvernementale, à L'étude et la mise au point des projets des textes à caractère législatif et réglementaire soumis par les différents départements ministériels et à la planification et la réalisation des plans y afférent sur le plan national. Il bénéficie aussi « d'une délégation des pouvoirs du Président de la République en cas d'empêchement provisoire de celui-ci et de la délégation de signature, ce qui lui confère une autorité morale qui permet une coordination efficace de l'activité ministérielle. 72(*)» C'est pourquoi, en général, le Président de la République a une confiance totale en la personne du premier ministre. Cependant « le Premier ministre tunisien n'est ni à l'image du premier ministre français ni à celle du vice-président américain. Si le premier dirige l'action du gouvernement, le second ne participe pas au gouvernement d'une façon active et continue 73(*)». Le chef de l'Etat bénéficié d'un pouvoir aussi large que celui du gouvernement dans la confection de la loi. D'après l'article 53 de la constitution : « Les projets de lois sont délibérés en Conseil des Ministres ». * 59 Badinter (R.) : " Ne pas confondre justice et thérapie ", Le Monde 9 septembre 2007, http://www.lemonde.fr consulté le 16/06/2011 * 60 Drago (G.). La confection de la loi sous la VIème république : pouvoir législatif ou fonction partagée», revue française de théorie, de philosophie et de culture juridique, PUF 2007, page 101. * 61 Si constitutionnellement, les membres du gouvernement et le président de la république sont des organes bien distincts, en pratique, ce dernier tire de son élection au suffrage universel direct, un poids politique exceptionnel lui permettant d'orienter les politiques nationales, il tend à être considéré comme le véritable chef du gouvernement. * 62 Article 37 de la Constitution tunisienne ; « Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République assisté d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre. » * 63 Tarchouna (L.), « L'organisation de l'administration dans la constitution », actes de colloque Constitution et administration, page 54, Sousse, 27-28 février 2009, ATDC * 64 Modifiée par la loi constitutionnelle numéro 51 année 2002 du 1 juin 2002 * 65 Eugène (P.) disait ; « le droit d'initiative n'est pas moins important que le droit de vote, et l'histoire démontre que la politique fondée sur le peur ou la haine des libertés publiques s'est toujours traduite par une restriction de l'initiative parlementaire», cette constatation est toujours d'actualité. Eugène (P.). Traité de droit politique, électoral et parlementaire, deuxième édition, 1902, n 58, p.63 * 66 Loi 59-57 du 1er juin 1959, portant promulgation de la constitution, JORT n°3 du 1 juin 1959 ; Article43 ; « Le président de la république arrête la politique générale du gouvernement, veille à son application et informe l'Assemblée nationale de son évolution ; Il choisit les membres de son gouvernement qui sont responsables devant lui ».* 67 Voir Mahfoudh (A.), « la responsabilité pénale du Chef de l'Etat » thèse en vue de l'obtention du Doctorat d'Etat en droit public. Faculté de droit et des sciences économiques et politiques de Sousse, année 2006 * 68 Loi constitutionnelle numéro° 76-37 du 8 avril 1976 * 69 Pactet (P.). Théories et pratique des régimes français, institutions politiques, droit constitutionnel, 19ème édition, aout 2000 * 70 Le premier ministère a été créé en vertu du décret n ° 69-400 du 7 novembre 1969 stipule que l'administration du premier ministère comprend huit structures chargées principalement des affaires économiques, financières, sociales, politiques, de la fonction publique, de l'inspection générale et des .Le décret n ° 70-118 du 11 avril 1970archives * 71 Dahmani (H.) et autres, Le droit administratif tunisien, Centre de Recherches et d'Etudes Administratives, E.N.A, 1975, page 58. * 72 Dahmani (H.) et autres, Le droit administratif tunisien, Centre de Recherches et d'Etudes Administratives, E.N.A, 1975, page 60. * - 73 Abdallah (R.), Du secrétariat d'Etat à la présidence au premier ministre, R.T.D, 1969, page 70, voir aussi - ÇßÑÇã Èä ÚãÑ , ÊÚÏìáÇÊ ÇáÏÓÊæÑ ÇáÊæäÓì, ÑÓÇáÉ áäìá ÔåÇÏÉ ÇáÏÑÇÓÇÊ ÇáãÚãÞÉ í ÇáÞÇäæä ÇáÚÇã, ßáíÉ ÇáÍÞæÞ æ ÇáÚáæã ÇáÇÞÊÕÇÏíÉ æ ÇáÓíÇÓíÉ ÈÓæÓÉ,1997-1998, page112-126 ; |
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