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Le gouvernement et le processus législatif en Tunisie (avant la révolution de 2011)( Télécharger le fichier original )par Héla Boujneh Faculté de Droit et des sciences Politiques de Sousse - Mastère en Droit Public 2010 |
B- Les dispositions constitutionnelles renforçant le pouvoir du chef de l'EtatLa Constitution tunisienne a fait du Chef de l'Etat « la clef de voute de tous les autres pouvoirs et organes constitutionnels et même de tout le régime politique.74(*) » L'article 50 de la constitution dispose : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement. Le Président de la République préside le Conseil des ministres. » Le Chef de l'Etat préside le Gouvernement et coordonne ses activités par le voie du contact direct75(*) mais aussi à travers l'aide des services de la Présidence de la République76(*). Le président de la République peut même décider dans son discours politique77(*) de prendre de nombreuses mesures et des projets de loi afin de forcer sa légitimité et renforcer son image politique. L'apparition de la pratique de la planification79(*) a renforcé le pouvoir du Chef de l'Etat, puisque c'est lui qui « arrête80(*) » le plan et marque ainsi son adoption. Il convient de préciser que la Constitution de 1959 donne au Président de la République le pouvoir de prendre des décrets-lois conformément à l'article 28 :« la Chambre des députés peut habiliter le président de la république pendant un délai limité et pour un objet déterminé, à prendre des décrets-lois qui doivent être soumis à la ratification de la Chambre à l'expiration de ce délai ». « Cet article est prévu dans une formulation générale et autorise le Président de la République à prendre des décrets-lois dans le domaine de la loi, sans distinguer à ce sujet, entre loi organique ou loi ordinaire81(*) ». D'autre part et compte tenu des circonstances survenues en Tunisie après la révolution du 14 janvier 2011 et le départ de l'ex-Président ; le Président par intérim, après la destitution du Parlement, s'est vu conférer le pouvoir de prendre des décrets-lois82(*) sous réserve de l'approbation des membres du Conseil de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique83(*). C'est ainsi que la Chambre des conseillers a voté une loi permettant au président intérimaire de gouverner avec des décrets-lois pendant la période transitoire afin d'éviter que de nouvelles lois soient adoptées par les membres de la chambre des députés et ceux le la chambre des conseillers, qui ont perdu toute légitimité populaire puisque la majorité écrasante des députés étaient désignés par l'ex président de la République et tirés du parti unique. Malgré la nouvelle conjoncture, le gouvernement a gardé le même rôle d'assistance en période de transition démocratique84(*). En pratique, les lois adoptées sont issues de projets gouvernementaux. On peut parler d'une hégémonie du pouvoir exécutif notamment des chefs de l'État tunisien, en matière de fixation et de conduite de la politique générale de l'État. Comme le signale le professeur Lotfi Tarchouna « au delà de la concentration du pouvoir politique et administratif au centre, le régime totalitaire tunisien se caractérisait par une très forte fermeture du système politique sur lui-même.85(*) » La Constitution reconnaît au gouvernement des pouvoirs propres dans l'élaboration de la loi et l'exécution de la politique générale de l'État. La Constitution ne reconnait pas expressément au gouvernement un pouvoir d'initiative législative, c'est seulement le président de la république qui présente en sa qualité, les projets de loi, qui sont élaborés et conçus par les membres du gouvernement. Les projets de lois, au même titre que le pouvoir réglementaire, sont des instruments essentiels qui permettent au Gouvernement de mettre en oeuvre sa politique. Le projet de loi ne s'improvise pas : il faut un minimum de formation préliminaire. Le gouvernement a donc pour mission de préparer les projets de loi et pour se faire il dispose de tous les moyens facilitant cette mission ce qui a une répercussion directe sur la production normative. Le Premier Ministre fixe les règles de fond et de forme concernant la conception, la préparation et la rédaction des projets de loi. Le gouvernement contrôle le processus législatif dès le stade de la conception. La loi dès sa naissance en tant qu'idée jusqu'à sa formalisation en texte de projet de loi dépend de la compétence légistique de l'administration au sein de l'exécutif. En plus des dispositions constitutionnelles, écartées suite à la révolution, le gouvernement tient aussi sa compétence dans le processus législatif conformément à des règles infra-constitutionnelles. Le gouvernement tunisien tient aussi un rôle dans l'élaboration conformément à des dispositions infra-constitutionnelles. * 74 Mahfoudh (A.), « Le Conseil Constitutionnel et le traité : un problème d'harmonisation normative », op.cité, page 104. * 75 Dahmani (H.) et autres, Le droit administratif tunisien, Centre de Recherches et d'Etudes Administratives, E.N.A, 1975, page 58. * 76 Décret n° 72-135 du 17 avril 1972 fixant les attributions du directeur du Cabinet présidentiel et portant organisation des services administratifs de la Présidence de la République, JORT n° 16 du 14/04/1972.
* 77Exemple ; lors du discours du Président
déchu Zine El Abidine Ben Ali à l'occasion de la
célébration du 23e anniversaire du Changement , ce dernier a
décidé l'élaboration d'un projet de loi fixant la
durée maximum de la garde à vue de la personne recherchée
en vertu d'un mandat d'amener, ainsi que le délai de sa
présentation à la juridiction compétente avec des
garanties suffisantes pour le gardé à vue, ou encore un projet
d'amendement législatif portant suppression de la peine d'emprisonnement
pour certaines infractions en limitant la peine à l'amende et en
majorant le montant.
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