L'engagement unilateral( Télécharger le fichier original )par Ramsès VOUGAT Université de Ngaoundéré (Cameroun) - Master II 2010 |
PARAGRAPHE II : Vers de nouvelles manifestations de l'engagement unilatéral ?L'engagement unilatéral n'a pas fini de se déployer sous la plume de la doctrine. Certains auteurs ne cessent de découvrir de nouveaux territoires. C'est le cas notamment en droit de la famille (A) et en ce qui concerne les chartes d'entreprise (B). A- L'engagement unilatéral dans le droit de la famille55.D'autres branches du droit privé ont accueilli la théorie de Siegel. C'est le cas du droit de la famille qui est peuplé d'acte unilatéraux créateurs d'obligations98(*). C'est M. SERIAUX qui, fondant son analyse sur de bases juridiques solides, découvrent des cas d'engagements unilatéraux. Il en est ainsi chaque fois qu'une volonté individuelle, clairement manifestée selon les formes pré codifiées par la loi ou les règlements, engage très officiellement son auteur qui ne saurait en principe se rétracter : ne sont-ce pas là les caractéristiques même de l'engagement unilatéral ? 56.Le premier exemple est la reconnaissance d'enfant naturel auprès des services de l'état civil. Celui ou celle qui reconnait un enfant comme étant le sien est pour ce faire tenu et doit en assumer toutes les conséquences, tant patrimoniales qu'extrapatrimoniales, fixées par la loi. Le droit ici ne fait que tirer les conséquences statutaires d'une situation antérieure qu'il n'a pas crée. C'est l'idée qu'exprimait déjà le doyenCARBONNIER99(*). L'acte de reconnaissance d'enfant naturel présente donc les caractères d'acte juridique unilatéral irrévocable qui sont ceux de l'engagement unilatéral. La majorité des auteurs vont dans ce sens. 57.La jurisprudence est même allée très loin lorsqu'elle a admis le 6 décembre 1988 que l'auteur d'une reconnaissance mensongère, généralement un concubin par complaisance avec la mère de l'enfant, « contracte l'obligation de se comporter comme un père, en subvenant notamment aux besoins de l`enfant reconnu »100(*). La doctrine y a vu une référence implicite à l'engagement unilatéral. Cependant, il convient de procéder à quelques précisions nécessaires. L'irrévocabilité à laquelle fait allusion ici la première chambre civile ne concerne pas la reconnaissance mensongère elle-même qui peut-être annulée à tout moment par une preuve de non-paternité, mais l'engagement volontaire d'assumer les devoirs d'un parent à l'égard de l'enfant d'un autre. Sans le dire expressément, nous voici, sans trop de contraintes légales, d'un cas « d'adoption hors-la-loi »101(*) qui génère unilatéralement pour son auteur une obligation de se comporter comme un père. A la différence de la reconnaissance naturelle précédemment envisagée, la reconnaissance mensongère ne s'appuie sur aucune obligation naturelle préexistante, mais sur la bienveillance, l'amour, qui font de l'acte un véritable acte de création, un engagement unilatéral isolé. 58. Une autre manifestation, cette fois-ci nouvelle et inédite, de l'engagement unilatéral est l'obligation d'assumer par avance et pour toujours, une fausse paternité ou une fausse maternité biologique au profit d'un enfant issu d'une procréation médicalement assistée. En effet, selon les dispositions de l'article 421(2) de l'Avant-projet du Code des personnes et de la famille camerounais, « le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de filiation » 102(*), aboutissant à constituer ex-nihilo ce que jamais aucun vouloir humain ne sera capable de faire : une paternité et une maternité complète, plus vraie que nature. Voici donc ressorties de nouvelles manifestations doctrinales de l'engagement unilatéral en droit de la famille. Il pourrait en être de même des chartes d'entreprises. * 98 Ex. : Aix, 27 Avr. 1988, R., 88.541, note J. Mestre. En l'espèce, avant un divorce, un mari « acceptait de prendre en charge l'employée de maison »; jugé que « l'engagement unilatéral pris par Michel Gusberti était parfaitement valable et devait être exécuté ». * 99J. CARBONNIER, Droit civil, t.2, La famille, 18e éd., 1997, n ° 310 : « Si l'on fait le bilan (...) l'idée de confession parait prépondérante » et plus loin : « en songeant que le père ou la mère avait le devoir de conscience de reconnaitre l'enfant, nous nous demanderons si la reconnaissance ne pourrait pas être expliquée par la notion (...) d'acquittement d'une obligation naturelle ». * 100 Civ. 1ère, 6 Déc. 1988; Civ. 1ère,21 juill.1987 et 10 juill.1990. * 101L'expression est de A. SERIAUX, op.cit., n° 16,p.19. * 102 Déjà admise par l'art. 311-20 al. 2 du Code civil français, issu de la Loi n°94-653 du 29 Juillet 1994 dans les mêmes termes. |
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