L'engagement unilateral( Télécharger le fichier original )par Ramsès VOUGAT Université de Ngaoundéré (Cameroun) - Master II 2010 |
2- Le problème particulier de la promesse de récompense et de la stipulation pour autrui.46.Des cas d'engagements unilatéraux, la promesse de récompense et la stipulation pour autrui sont ceux qui ont le plus suscité de débat à tel point qu'ils ont été exclus du champ de la volonté unilatérale créatrice d'obligations. Notre analyse consiste à démontrer que tel n'est pas le cas. Pour une démonstration claire, nous les étudierons séparément. 47.Commençons par la promesse de récompense. C'est l`acte par lequel une personne promet une récompense à celle qui lui rendra tel ou tel service ; dans le cas le plus usuel, à qui rapporterait un objet perdue. C'est une offre particulière, généralement faite au public. Une telle promesse ne peut être révoquée lorsque l'action par laquelle récompense est promise a été commencée. Si l'action a été accomplie dans l'ignorance de récompense, celle-ci est cependant due ; la rétractation antérieure ne sera valable que si elle a été portée à temps à la connaissance du public. Qu'est-ce qui peut justifier que le promettant soit tenue de l'engagement pris alors même que dans la plupart des cas, l'éventuel créancier, inconnu, ignore l'existence de la promesse ? Pour MM. MAZEAUD et CHABAS83(*), l'irrévocabilité de la promesse de récompense peut s'expliquer sans faire intervenir un engagement unilatéral du promettant. Admettons que là on n'avance guère car aucune réponse à la question posée n'est donnée. Le mieux serait de procéder à une distinction selon que le créancier a agi ou non en connaissance de la récompense promise. 48.Lorsque celui qui a rendu le service prévu, l'a accompli en connaissance de l'existence d'une offre de récompense, il aura naturellement droit à celle-ci. Et certains auteurs84(*) fondent ce droit sur la technique contractuelle en considérant que le seul fait d'avoir entrepris les recherches nécessaires constitue une acceptation tacite de l'offre. Cette justification est d'autant plus pertinente quand on sait que le caractère tacite de l'acceptation correspond à l'usage qui est ici d'agir et non de parler. 49.Par contre, lorsque l'éventuel créancier agit sans avoir eu connaissance de la promesse, le problème resurgit. A ce niveau l'on ne saurait faire recours à l'acceptation tacite du créancier. M. FLOUR exclut l'engagement unilatéral en se fondant sur la condition d'opportunité qui fait ici défaut. Selon lui, non seulement l'intérêt social qu'il y aurait à rendre la promesse obligatoire est des plus douteux, mais en plus aucun contrat n'a pu davantage se former. L'éventuel créancier n'aura pas droit, cette fois, à rémunération. Ce raisonnement est la conséquence de l'impérialisme du contrat car il subordonnel'octroi de la rémunération à l'existence d'un contrat à défaut duquel elle ne peut être due. Or, l'on sait qu'en cas d'ignorance de la promesse, la jurisprudence tend à exiger que la rémunération soit due. A ce niveau, nous défendons donc l'idée que le promettant à souscrit un engagement unilatéral de maintenir la promesse et d'en faire profiter celui qui en réclamera le bénéfice parce qu'ayant accompli le service prévu. A condition toutefois que la promesse soit ferme et suffisamment extériorisée. 50.En droit allemand, il est acquis que la promesse de récompense est un engagement unilatéral85(*). Le Code suisse des obligations a adopté des règles voisines de celles du Code civil allemand86(*). 51.Quant à la stipulation pour autrui, le problème se pose dans les mêmes termes d'une hostilité injustifiée à l'endroit de l'engagement unilatéral. C'est un contrat par lequel une personne, appelé stipulant, obtient d'une autre, le promettant, qu'elle exécute une prestation au profit d'une troisième personne, le tiers bénéficiaire. La stipulation pour autrui est considérée par l'article 1121 du Code civil comme une dérogation au principe de l'effet relatif des conventions dans la mesure où dans cette hypothèse le tiers bénéficiaire et rendu créancier par un contrat auquel il est demeuré étranger conclu entre le stipulant et le promettant. Aussi a-t-on expliqué cette « anomalie » par le recours à la théorie de l'engagement unilatéral. La stipulation pour autrui est une application de l'engagement unilatéral parce que le droit direct du tiers bénéficiaire se forme sans que son consentement soit requis ; son acceptation ne fait que consolider sur sa tête une créance qui lui appartient dès l'origine sans son concours, et même à son insu. L'engagement du promettant envers le bénéficiaire résulte non de la seule volonté isolée du promettant, comme il a été défendu par nombre d'auteurs87(*), mais de la volonté unilatérale conjointe de celui-ci et du stipulant. Ce qui permet de contrecarrer les objections tirées des moyens de défense et de la révocabilité de la stipulation. En fin de compte, la pluralité d'explications concurrentes n'est pas un obstacle à l'affirmation d'une théorie qui brille par la pertinence des arguments avancés. Ceci se justifie également en droit commercial. * 83 H., L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, op. cit., p.330. * 84 J. FLOUR, Droit civil, Les obligations, vol.1- l'acte juridique, 3e éd., Collection « U » Armand Colin, 1980, n° 496, p.382. * 85 Selon l'art. 657 BGB, la promesse une fois publiée est obligatoire même à l'égard de celui qui aurait accompli l'action dans l'ignorance de cette promesse. Cette dernière ferait naitre une obligation, qui se passe de l'acceptation du créancier. Ce serait donc un acte juridique unilatéral qui engendrerait cette obligation. V° A. RIEG, Thèse préc., n°435. * 86Art.8: « celui qui promet publiquement un prix en échange d'une prestation est tenu de le payer conformément à la promesse ». * 87 R. WORMS, op. cit, p.98. |
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