II. L'avènement d'un contrôle normal des
sanctions disciplinaires prises par les fédérations sportives
à l'encontre de leurs licenciés
Contrairement au maintien du recours pour excès de
pouvoir contre les sanctions prisent par la fédération en
matière de dopage par lequel nous refusons de voir dans l'arrêt
F.F.A une solution de principe, le passage du contrôle restreint au
contrôle normal peut, à notre sens être étendu,
malgré la motivation au cas d'espèce de l'arrêt, à
toutes les sanctions disciplinaires infligées par les
fédérations sportives contre leurs licenciés car cette
évolution libérale est constatée dans de nombreux autre
domaine et tend à se développer d'avantage. Cette
précisions quant à la porté de la solution étant
faite, l'abandon par le Conseil d'État du contrôle restreint sera
envisagé de lege lata (A) ainsi que de lege ferenda en
analysant la pérennité de la jurisprudence Touzard
(B).
A. L'abandon du contrôle de l'erreur manifeste
d'appréciation
L'une des différence majeure entre le recours pour
excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction réside en ce
que le premier puisse amener le juge à exercer un contrôle
à intensité variable, laissant à l'administration une
marge de manoeuvre qui, selon le degrés de vigilance du juge, sera plus
ou moins grande. Ces divers degrés de contrôle ont pour objet soit
la qualification juridique des faits, soit l'adéquation entre les motifs
et le dispositif de la décision attaqué (c'est à dire le
contrôle du choix de la décision). Le juge procédera
à un contrôle dit restreint lorsqu'il sanctionnera uniquement
l'erreur manifeste d'appréciation de l'administration dans la
qualification juridique des faits ou dans le choix de la décision, alors
que pour le contrôle dit entier il censurera l'erreur
d'appréciation. En matière de sanctions disciplinaires
générales, l'arrêt du Conseil d'État,
Lebon, en date du 9 juin 1978, constitua à son époque
une sérieuse avancée en ce qu'il accepta de contrôler, en
plus de la qualification juridique des faits, le choix de la sanction mais,
faisant jeu d'équilibre, le Conseil ne censura que l'erreur manifeste
d'appréciation, c'est à dire la disproportion manifeste entre la
sanction choisie par l'administration et la gravité des faits en cause.
Jusqu'à l'arrêt F.F.A, les sanctions prononcées
par les fédérations sportives n'étaient annulées
qu'en cas d'erreur manifeste (C.E, Lorentz, 22 octobre 1993).
Cependant, en mettant l'arrêt en perspective on s'aperçoit que
celui-ci n'est pas isolé mais que, tout au contraire, il participe d'un
large mouvement libéral initiée par le Conseil d'État
dès les années 1990 par une série d'arrêts
concordants abandonnant le contrôle restreint pour le contrôle
entier. Ce qui fut le cas du contentieux des élevées (C.E, 27
novembre 1996, Ligue islamique du nord ), des
bénéficiaires des allocations chômages (C.E, 21 mars
2007, Waltz-Gasser), des sanctions professionnelles (C.E, 22 juin
2007, Arfi), des sanctions à l'égard des magistrats du
parquet (C.E, 27 mai 2009, Hontang), des commissaires aux comptes
(C.E, 12 oct. 2009, Petit) et des sanctions infligées aux
maires ou à leurs adjoints (CE, 2 mars 2010, Dalongeville).
Cependant, dans l'arrêt commenté le passage du
contrôle restreint au contrôle entier eut des conséquences
pour le moins illogiques sinon paradoxales. En effet, par l'article 1 de son
dispositif le Conseil d'État casse l'arrêt d'appel pour ne pas
avoir effectué un contrôle entier, partant, il évoque
l'affaire au fond pour procéder lui même, en tant que juge
d'appel, au contrôle normal. Le paradoxe réside en ce que les
juges du fond annulèrent la sanction du fait de son caractère
manifestement disproportionnée alors que le Conseil d'État, tout
en procédant à un contrôle entier, ne trouva rien à
y redire ; ce qui met en lumière l'importante divergence
d'appréciation qu'il existe entre les magistrats du fond et leur Cour
Suprême quant à l'appréciation de la
proportionnalité de la sanction. Car, tout laissait à penser que
ce qui était manifestement
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disproportionné pour les juges du fond constituerait,
a fortiori, pour le Conseil d'État, une absence de
proportionnalité que l'on peut qualifier de « simple », une
erreur d'appréciation. Il n'en fut rien ; malgré un
contrôle plus strict, le Conseil ne censura pas la sanction prise pas la
fédération.
Par ailleurs et pour conclure, certains auteurs voient dans
l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État en
matière de sanction administrative, vers l'abandon progressif du
contrôle restreint, l'influence (la pression ?) de la Cour
européenne des droits de l'homme qui tendrait à
privilégier la voie de la pleine juridiction pour contrôler les
sanctions prise par des autorités administratives (par exemple, voir,
CEDH 10 févr. 1983, Le Compte et Albert c/ Belgique).
Cependant, il semble que les magistrats de Strasbourg n'entendent pas les
termes de pleine juridiction comme nous les concevons en droit administratif
français. Selon eux, le recours de pleine juridiction est celui
permettant au juge d'exercer un contrôle de proportionnalité des
sanctions en cause. Dans cette logique, le recours pour excès de pouvoir
cantonné au contrôle restreint s'avère être
insuffisant par rapport au recours objectif de pleine juridiction ; mais, en
adoptant un contrôle entier, celui-ci parait tout aussi adéquat en
permettant d'appréhender la proportionnalité de la sanction
prononcé eu égard à la gravité des faits. La seule
différence entre le recours objectif de pleine juridiction et le recours
pour excès de pouvoir entier réside en ce dans le cadre du
recours pour excès de pouvoir l'administration devra prendra une
nouvelle décision conforme à la décision du juge, alors
qu'en plein contentieux le juge substituera sa propre décision en usant
de son pouvoir de réformation, ce qui peut constituer un gain de temps
et de sécurité.
Rétrécissant ainsi comme peau de chagrin de
domaine du contrôle restreint en matière de choix des sanctions,
le Conseil d'État marginalise de plus en plus sa jurisprudence
Touzard rendue en matière de sanction disciplinaire à
l'encontre d'agent public, nous amenant à soulever la question de sa
pérennité.
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