I. L'affirmation de l'appartenance au recours pour
excès de pouvoir des sanctions disciplinaires prises par la
Fédération française d'athlétisme en matière
de dopage
Après avoir délimité ce que le Conseil
d'État entend précisément soumettre au contentieux de
l'excès de pouvoir (A), une analyse critique quant à la valeur la
solution consacrée devra être menée (B).
A. Le contenu de l'affirmation
A titre liminaire et avant d'entrer au coeur de l'arrêt,
doit être signaler une importante décision rendue par les
mêmes sous-sections réunies le 19 mars 2010,
Fédération française de cyclisme3 qui
exclut la compétence des juridictions administratives en matière
de sanctions prononcées par une fédération sportive
à l'encontre de l'un de ses licencié. Ainsi, une lecture rapide
de l'arrêt pourrait nous amener à conclure, par analogie, que
l'arrêt F.F.A n'exprime plus la jurisprudence du Conseil
d'État ; Conseil qui considérerait que les sanctions
disciplinaires prononcées par les fédérations sportives
à l'encontre de leurs licenciés ne seraient plus des actes
administratifs. Cependant, une analyse plus attentive exclut sans
équivoque cette interprétation. L'arrêt du 19 mars 2010 ne
remet aucunement en cause la jurisprudence du Conseil d'État, F.F.C
c. Pingeon, du 26 novembre 1976 selon laquelle les
fédérations sportives exercent, dans le cadre de la
délégation de pouvoir consentie par l'État, un pouvoir
disciplinaire sur leurs licenciés ; que, partant, ces sanctions sont des
actes administratifs relevant de la compétence du juge administratif
conformément à la jurisprudence Montpeurt. En effet, au
vu des faits d'espèce qui lui sont soumis, le Conseil d'État
précise que les fédérations sportives de cyclisme ayant
reçu délégation d'une mission de service public pour
l'organisation de compétitions cyclistes sur le territoire
national, les sanctions disciplinaires prises à l'encontre d'un de
ses licenciés pour des faits accomplis à l'occasion d'une
compétition ne s'étant pas déroulée sur le
territoire national français doivent être
considérées comme n'étant pas prise dans le cadre de la
mission de service public déléguée ; par
conséquent, la sanction litigieuse ne peut être un acte
administratif relevant de la compétence du juge administratif. Ainsi,
selon cet arrêt interprété a contrario, les
sanctions prises à l'occasion de compétitions organisées
en France restent des actes administratifs relevant de la compétence de
l'ordre administratif. Tel est le cas dans l'arrêt F.F.A,
où la compétition s'était déroulée à
Limoges ; ainsi, l'arrêt Fédération française de
cyclisme ne remet pas en cause la jurisprudence FFC c. Pingeon,
elle même émanant de la jurisprudence Montpeurt. Ce qui
aurait été tout à fait extraordinaire pour un arrêt
de sous-sections réunies ayant fait l'objet d'une simple mention aux
tables du recueil Lebon.
Quittant le terrain de la répartition des
compétences entre l'ordre administratif et judiciaire pour revenir
à l'arrêt, celui-ci affirme implicitement que les sanctions
disciplinaires prises par la Fédération française
d'athlétisme en matière de dopage relèvent de
l'excès de pouvoir. Implicitement, car le Conseil d'État ne
censure pas les décisions du Tribunal administratif et de la Cour
administrative d'appel de Marseille en ce qu'elle auraient emprunté la
voie du recours de pleine juridiction ; la censure du Conseil se limite
à l'intensité du contrôle mis en oeuvre par les juges du
fond (infra, partie II) à l'occasion du recours pour
excès de pouvoir dont ils étaient saisis, ce qui induit
implicitement mais nécessairement que le Conseil ait approuvé
l'empreint de la voie du recours pour excès de pouvoir, analyse que le
Conseil confirme lorsqu'il apprécie la légalité de la
sanction litigieuse à la date de son prononcé et non à la
date du jugement (Cf.
3 C.E, 19 mars 2010, nO 318549.
4
Premier considérant « Considérant
[selon] l'article L. 3631-1 du code la santé publique, en vigueur
à la date des faits »). Néanmoins, la portée de
l'affirmation doit être précisée. En effet, le Conseil
d'État n'a pas entendu rendre un arrêt de principe avec une
motivation abstraite et générale mais tout au contraire sa
motivation épouse les faits de l'espèce ; la décision
commentée n'affirme pas un principe général selon lequel
toutes les sanctions disciplinaires prononcées par les
fédérations sportives à l'encontre de leurs
licenciés relèvent de l'excès de pouvoir. Le Conseil
suivit l'avis de son rapporteur public, Béatrice Bourgeois-Machureau,
qui, refusant de faire glisser en pleine juridiction le contentieux
disciplinaire des sanctions des fédérations, prit le parti du
maintien dans le giron du recours pour excès de pouvoir des seules
sanctions prises en matière de dopage par la Fédération
française d'athlétisme et ce en raison de la nature
particulière de la répression confiée aux
fédérations, qui doivent faire respecter en ces domaines des
règles spécifiques qui dépassent le cadre de leur pouvoir
disciplinaire classique.
Implicitement affirmé, le maintien dans le domaine du
recours pour excès de pouvoir des sanctions disciplinaires
infligées par la Fédération française
d'athlétisme en matière de dopage doit être mis en
perspective afin d'apprécier la valeur de la solution
consacrée.
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