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Conseil d'État, 2e et 7e
sous-sections réunies, 2 mars 2010, Fédération
française d'athlétisme
Introduction
« L'étoile de l'excès de pouvoir
pâlirait-elle encore ? »1. « Encore »,
car le débat sur la pérennité du recours pour excès
de pouvoir est presque aussi ancien que le droit administratif ; dès
1912, commentant l'arrêt Boussuge, Maurice Hauriou
déplorait déjà « qu'il y a quelque chose de
changé dans le contentieux administratif français [...]. Le
changement, c'est que le recours pour excès de pouvoir
pâlit, et s'efface de plus en plus devant le recours contentieux
ordinaire [le recours de pleine juridiction] ». Prenant le relai de
Maurice Hauriou, de nombreux auteurs2 reprirent et chantèrent
l'oraison funèbre du recours pour excès de pouvoir
sacrifié sur l'autel de la pleine juridiction. Or, il est pour le moins
curieux de constater, qu'à l'heure actuelle, le défunt fait
encore preuve d'une belle vigueur ; qu'un siècle après la
prédication de Maurice Hauriou, le défunt n'est pas mort et,
qu'à certains égard, il redevient un sérieux concurrent
pour le recours de pleine juridiction. L'arrêt de Conseil d'État
Fédération Française d'Athlétisme du 2
mars 2010 met en lumière cette belle résistance du recours pour
excès de pouvoir ainsi que son rapprochement fonctionnel du recours de
plein contentieux lorsque le juge accepte d'exercer un contrôle normal
des actes administratifs unilatéraux.
Les faits d'espèce sont malheureusement courants. A
l'occasion d'une compétition de cross-country, un athlète,
licencié de la Fédération Française
d'Athlétisme, à été contrôlé positif
lors d'un test antidopage non pas parce qu'a été
détecté des substances dopantes mais des produits dit «
masquants » l'utilisation des dites substances dopantes. Dopantes ou
masquantes, ces deux types de produits étant prohibés par
l'article L. 232-9 du Code du sport (anc. art. L. 3631-1 du Code de la
santé publique) et son arrêté d'application du 24 avril
2004, l'athlète fut sanctionné, en première instance ainsi
qu'en appel, par l'organe disciplinaire de la Fédération
Française d'Athlétisme qui le disqualifia de l'épreuve
à l'occasion de laquelle il fut contrôlé ainsi que des
épreuves postérieures en plus de prononça sa suspension de
compétition durant deux années. Face a ces sanctions
administratives, l'intéressé forma un recours pour excès
de pouvoir devant le Tribunal administratif de Marseille dont le jugement fut
confirmé par la Cour administrative d'appel de Marseille en ce qu'elle
faisait droit à la demande d'annulation de la suspension de
compétition de deux années mais en ce qu'elle rejeta la demande
d'annulation les sanctions concernant la disqualification des épreuves
sportives. Malgré, l'appel incident ayant été formé
par le sportif afin d'obtenir l'annulation des sanctions relatives aux
disqualifications, ce dernier ne forma pas de pourvoi en cassation, même
incident, contre la décision de la CAA ; seule la
Fédération Française d'Athlétisme forma un pourvoi
devant le Conseil d'État afin d'obtenir l'annulation de l'article
premier de l'arrêt de la CAA de Marseille qui a rejeté sa demande
d'annulation de la décision du TA de Marseille, jugement qui a
accédé à la requête de l'athlète tendant
à l'annulation de la suspension de deux ans. Par ailleurs, dans
l'hypothèse où le Conseil d'État accueillerait la
requête de la fédération, cette dernière sollicita
du Conseil qu'il évoque l'affaire au fond en tant que juge d'appel (donc
de juge de l'excès de pouvoir) et de condamner
1 S.-J. LIÉBER, D. BOTTEGHI, « L'étoile de
l'excés de pouvoir pâlirait-elle encore ? », AJDA,
2009, p. 583.
2 Pour exemples, J.-M. WOEHRLING, « Vers la fin
du recours pour excès de pouvoir », in Mélanges en
l'honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p. 777 ; M. BERNARD,
« Le recours pour excès de pouvoir est-il frappé à
mort ? », AJDA, 1995, p. 190.
2
l'athlète à la somme de 3500 euros au titre des
frais irrépétibles de l'instance.
Cependant, l'apport de l'arrêt rendu par le Conseil
d'État ne réside pas dans les moyens des parties, mais dans les
positions prises d'office par la haute juridiction. D'abord, une position
implicitement affirmé quant à la nature du recours contre ne
sanction administrative prononcé par une fédération
sportive à l'encontre de l'un de ses licenciés ; ensuite, une
position explicitement affirmée, quant à l'intensité du
contrôle du juge administratif. Autrement dit, le Conseil d'État
régla les deux problèmes dont le second découlant du
premier : la contestation de la décision relève t-elle du recours
pour excès de pouvoir ? Dans l'affirmative, quelle est
l'intensité du contrôle de légalité ?
Le Conseil d'État prit, comme nous l'avons
annoncé dans notre propos introductif, le parti du recours pour
excès de pouvoir (I) assorti d'un contrôle dit normal, d'un
contrôle ne s'arrêtant pas à la censure de la seule erreur
manifeste d'appréciation (II).
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