Section 2 - L'information publique : définition
positive
46 - Nous étudierons dans un premier temps le choix du
législateur de consacrer le vocable « information » (I) puis
nous étudierons le caractère public de l'information (II).
I - Le choix du vocable « information »
47 - Si l'expression « information publique » a
été consacrée en droit interne par l'ordonnance de
transposition du 6 juin 2005, le choix d'ancrer le régime de
réutilisation dans la loi du 17 juillet 1978 est susceptible
d'entraîner une confusion avec les « documents administratifs »
du régime d'accès. Par ailleurs, ce risque de confusion est
entretenu par le choix du législateur communautaire d'introduire la
notion générique de « document » pour désigner
l'objet de la réutilisation, c'est-à-dire « l'information
»... En outre, l'expression « Open Data » est traduite le plus
souvent, et à juste titre, par « données ouvertes » ou
« données publiques », le terme « donnée »
ayant une signification juridique singulière. Face à ce maquis
linguistique, il convient de distinguer chacun de ces termes un par un.
48 - La pluralité de ces termes et leur
polysémie appellent une étude plus approfondie, dont le point de
départ peut être arrêté à l'endroit de la
notion de « document », introduite par la directive ISP de 2003.
Cette notion qui se veut générique couvre, aux termes du
considérant (11), « toute représentation d'actes, faits
ou informations - et toute compilation de ces actes, faits ou informations -
quel que soit leur support (écrit sur papier ou stocké sous forme
électronique ou enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel),
détenue par des organismes du secteur public ». De cette
définition naît une double confusion.
49 - D'une part, le choix du terme « document » pour
désigner de manière générique « toute
représentation d'actes, faits ou information » induit une
confusion entre l'information et le support de cette information. Or c'est bien
le contenu du document et pas le support dont la directive entend encadrer la
réutilisation. Par ailleurs, le terme « document » est
susceptible d'être confondu avec l'expression « document
administratif » employée dans le chapitre Ier du titre Ier de la
loi du 17 juillet 1978, relatif à la « liberté
d'accès aux documents administratifs ». S'agissant de du
régime d'accès, l'expression « document administratif »
est justifiée par le contexte historique de ce régime : les
administrations « sont tenues de communiquer les documents
administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande
». Ce texte est antérieur à l'ère
numérique et par
22
23
conséquent, la communication d'une information
supposait donc nécessairement la communication du support physique sur
lequel elle se trouvait. En revanche, le choix du législateur
européen d'opter pour le vocable « document » ne trouve aucune
justification acceptable. En effet à l'ère numérique
l'information est autonome, détachée de son support. Il eût
donc été préférable que la directive introduise une
notion générique d'« information » plutôt que de
document.
50 - D'autre part, l'emploi de l'expression «
représentation d'actes, faits ou informations » dans la
directive ISP induit une confusion avec la notion de « donnée
», qui est classiquement définie comme la représentation
d'une information sous une forme conventionnelle destinée à
faciliter son traitement. Autrement dit, « la donnée est donc
de l'information, un produit « formaté » pour pouvoir
être traité par un système informatique
»44.
51 - Par ailleurs, l'expression « données ouvertes
» n'a pas de résonance juridique en droit français. Cette
expression a néanmoins le mérite de renvoyer clairement au
mouvement Open Data et aux principes de partage qui le sous-tendent.
52 - Au final, le choix du législateur interne de
privilégier le terme « information » permet de ne pas
restreindre le champ de la réutilisation aux seules informations
formatées -les données publiques- mais d'y inclure
également toute forme d'information. Néanmoins, il convient
également de noter que certains auteurs privilégient l'expression
« données publiques » au motif que les difficultés
juridiques se « posent essentiellement à propos de produits
informatiques intégrant »45.
53 - Il n'existe aucune harmonie sémantique au sein des
textes se rapportant à l'Open Data. Le choix du législateur
français pour le vocable « information » dans la transposition
de la directive ISP est donc louable en ce que ce terme générique
permet d'appréhender l'information sous sa forme physique (au sein d'un
document papier) et sous sa forme numérique (une base de
données). Il est cependant regrettable que le législateur n'ait
pas harmonisé la loi de 1978 sur ce plan en modifiant notamment le
chapitre Ier relatif au régime d'accès, dans lequel le terme
« document administratif » continue de prospérer.
Au-delà de ces considérations terminologiques, dont nous
abstrairons en privilégiant systématiquement le terme «
information », il convient à présent étudier le
caractère public de l'information.
44 Jean-Michel Bruguière, Les données
publiques et le droit, Litec, 2002
45 Philippe Gaudrat, Commercialisation des
données publiques, La Documentation française, 1992
|