B - La tenue d'un répertoire des informations
publiques
72 - Pour que les informations publiques puissent faire
l'objet d'une réutilisation, encore faut-il que les
réutilisateurs potentiels sachent quelles sont les informations
disponibles. Cette méta-information fait donc heureusement
l'objet d'une obligation pour « les administrations qui produisent ou
détiennent des informations publiques », l'article 17 de la
loi de 1978 les enjoignant de tenir « à la disposition des
usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces
informations figurent ».
73 - Le caractère non exhaustif de ce répertoire
a été confirmé par la circulaire du 29 mai 2006, qui
précise que « les administrations disposent donc d'une marge
d'appréciation pour définir les documents qui doivent y figurer,
en tenant notamment compte de l'intérêt que pourrait
présenter leur réutilisation ». En outre, la CADA a
précisé à ce sujet que l'absence de constitution d'un tel
répertoire n'expose pas la collectivité publique à des
sanctions59.
74 - En somme l'administration n'est soumise à aucune
obligation de mise à disposition mais il découle de la loi de
1978 un principe de libre réutilisation. Par ailleurs, l'administration
doit respecter un principe de non exclusivité et tenir un
répertoire des informations publiques. A ces obligations de
l'administration font face les droits et obligations des réutilisateurs
d'informations
européen et au Comité des régions,
concernant la réutilisation des informations du secteur public et le
réexamen de la directive 2003/98/CE)
59 CADA, conseil n° 20062173 du 8 juin 2006
30
publiques.
II - Les droits et obligations du
réutilisateur
A - Les droits du réutilisateur
75 - Aux termes de l'article 10 de la loi de 1978, les
informations publiques peuvent être « utilisées par toute
personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de
service public ». Cette formule abstraite permet au
réutilisateur une grande liberté quant à la
destinée des informations publiques, y compris dans un but commercial
(développement d'un service de l'information tel qu'une application
smartphone par exemple) ou encore dans le but de critiquer l'administration sur
sa gestion des services publics. Cependant, cette liberté s'exprime dans
le respect de certaines obligations à la charge du
réutilisateur.
B - Les obligations du réutilisateur
76 - Si la réutilisation d'informations publiques est
libre, elle n'est pas pour autant dénuée d'obligations à
la charge du réutilisateur. L'article 10 de la loi de 1978
précise à ce sujet que les « limites et conditions
» de la réutilisation d'informations publiques s'appliquent
non seulement pour les informations publiques mises à disposition par
l'administration mais aussi pour les informations « obtenues dans le
cadre de l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs
». Cette disposition fait le lien entre le régime
d'accès et le régime de réutilisation en consacrant un
principe d'unicité des informations publiques : quel que soit le mode
d'obtention -demande d'accès ou mise à disposition- les
informations publiques sont soumises aux mêmes règles au stade de
leur réutilisation.
77 - Une obligation de respect de l'intégrité
des informations publiques est mise à la charge du réutilisateur.
Mais il ne s'agit pas là d'une obligation équivalente au respect
de l'oeuvre de l'auteur60, qui serait trop contraignante en
matière de réutilisation d'informations publiques. L'article 12
de la loi de 1978 dispose que « Sauf accord de l'administration, la
réutilisation des informations publiques est soumise à la
condition que ces dernières ne soient pas altérées, que
leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de
leur dernière mise à jour soient mentionnées ».
A contrario, le réutilisateur peut modifier les informations publiques,
les adapter et les traduire sans
60 Article L. 121-1 du Code de la
propriété intellectuelle
31
avoir à en demander l'autorisation, et ce dans les limites
susmentionnées.
78 - La violation de cette obligation est passible de
sanctions aux termes de l'article 18, qui distingue selon que la
réutilisation s'est faite à des fins commerciales ou non. Ainsi,
la réutilisation d'informations publiques à des fins non
commerciales en violation des dispositions de l'article 12 est passible d'une
amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros (contravention de 5e classe).
Lorsque la violation de ces dispositions intervient dans le cadre d'une
réutilisation à des fins commerciales, « le montant de
l'amende est proportionné à la gravité du manquement
commis et aux avantages tirés de ce manquement », dans la
limite de 150 000 euros (amende portée à 300 000 euros en cas de
récidive). Pour les entreprises, un manquement
réitéré est passible d'une amende égale à
« 5% du chiffres d'affaires hors taxes du dernier exercice clos dans
la limite de 300 000 euros ». Si l'omission de la source et/ou de la
dernière date de mise à jour de l'information est facile à
déterminer, il en va autrement de la dénaturation du sens,
laquelle ne fait l'objet d'aucune précision. Cela est regrettable au
plan de la sécurité juridique, d'autant plus que la formulation
de cette obligation laisse entendre que la dénaturation du sens des
informations publiques est une infraction objective. Partant, la bonne foi du
réutilisateur serait indifférente.
79 - En pratique, la CADA peut-être saisie d'une plainte
déposée par l'administration dont les informations ont
été altérées/dénaturées et est
compétente pour appliquer les sanctions de l'article 18 de la
loi61. Au vu de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel62, la sanction susceptible d'être
prononcée, en tant qu'elle émane d'une autorité
administrative agissant dans le cadre de prérogatives de puissance
publique, à la nature d'une sanction administrative. En cas de
contestation de la sanction prononcée par la CADA, le
réutilisateur d'informations publiques, devenu justiciable, devra donc
s'en remettre au juge de l'excès de pouvoir pour que soit engagée
la responsabilité de l'administration. Le régime de la sanction
administrative a été défini par la jurisprudence
administrative, qui s'est efforcée de limiter le pouvoir coercitif que
la loi avait
61 Article 22 de la loi du 17 juillet 1978 : «
La commission, lorsqu'elle est saisie par une administration
mentionnée à l'article 1er, peut, au terme d'une
procédure contradictoire, infliger à l'auteur d'une infraction
aux prescriptions du chapitre II les sanctions prévues par l'article 18
».
62 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin
2009 relative à la loi dite « HADOPI », considérant 14
: « Considérant que le principe de la séparation des
pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur
constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité
administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance
publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure
nécessaire à l'accomplissement de sa mission dès lors que
l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées
à assurer la protection des droits et libertés
constitutionnellement garantis ; qu'en particulier doivent être
respectés le principe de la légalité des délits et
des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables
à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si
le législateur a laissé le soin de la prononcer à une
autorité de nature non juridictionnelle »
32
conféré à certaines administrations afin
de respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi le Conseil
d'Etat fait prévaloir le principe d'interprétation stricte
à propos du principe de légalité63. En toute
hypothèse, le principe non bis in idem trouvera à
s'appliquer, de telle sorte qu'une sanction pénale ne pourra se
superposer à une sanction administrative (et vice
versa)64.
80 - En plus de ces modalités communes à toute
réutilisation d'informations publiques, le législateur a
prévu des règles spéciales pour encadrer leur tarification
le cas échéant.
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