La radiodiffusion au cameroun de 1941 à 1990( Télécharger le fichier original )par Louis Marie ENAMA ATEBA Université de Yaoundé I - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011 |
I.1.2. La coopération avec les anciennes puissances impérialistes
Après l'indépendance et la réunification, le Cameroun connaissait des déficits d'équipements. Les pouvoirs publics étaient préoccupés par des questions relatives à la souveraineté de la nation et au progrès économique. D'où l'acceptation du gouvernement de nouer des partenariats avec les anciennes puissances impérialistes. Dans le domaine de la radiodiffusion, le Cameroun avait noué des rapports avec la France et l'Allemagne. La coopération de la France avec le Cameroun s'inscrivait dans la continuité des rapports dominant/dominés, qu'elle entretenait avec celui-ci, lors de la période coloniale, ainsi que l'exprime P. Cadenat : « La coopération de la France avec [le Cameroun] se définit par son caractère postcolonial, car elle repose sur les liens de colonisation antérieurs, et par son caractère inégal »109(*). Par la mise en oeuvre des accords signés avec le Cameroun nouvellement indépendant, la France s'était donnée pour devoir d'améliorer qualitativement et quantitativement la diffusion d'émissions de la radio nationale. Ainsi, le gouvernement français avait décidé, par l'intermédiaire des services spécialisés, de : Fournir tous programmes, documents sonores et visuels, ouvrage, disques, à la République fédérale du Cameroun, qui [feraient] en sorte d'assurer sur l'ensemble de son réseau la meilleure diffusion possible dans le cadre des programmes de sa radiodiffusion nationale110(*). Par ailleurs, la fourniture de programmes devait s'accompagner de l'utilisation des méthodes appropriées en vue de leur diffusion sans anicroches. Voilà pourquoi la France avait convenu de poursuivre la coopération en matière de formation, entamée durant la période coloniale. Un nombre important de journalistes était alors formé en France. Revenus au pays, ils étaient affectés à des postes de direction, le besoin en spécialistes locaux, maîtrisant les préoccupations des auditeurs, se faisant ressentir. C'est l'exemple d'André Nganguè, considéré comme l'un des journalistes de la première heure du Cameroun. En 1950, André Nganguè obtient une bourse pour étudier à l'École de journalisme de Paris. Rentré de France, il est recruté à la SO.RA.FOM., puis à l'O.CO.RA. Avec l'indépendance, il intègre la radiodiffusion nationale du Cameroun. D'abord Chef de station de Radio-Douala, il est nommé Délégué provincial de l'information et de la culture du Littoral et de l'Ouest. C'est également l'exemple de Léonard Sah qui, formé en France, avait officié comme Directeur de Radio-Cameroun entre 1977 et 1978. La coopération radiophonique entre la France et le Cameroun avait un volet culturel, qui se traduisait par l'ambition de la métropole d'asseoir sa domination par l'expansion de sa langue, au moyen de l'aide bilatérale au développement. Georges Pompidou, ancien Premier ministre français, en donna une idée claire, lorsqu'il déclara à l'Assemblée Nationale : « Pour nous, Français, c'est une sorte de besoin que de maintenir la langue française; il y a là une raison fondamentale pour maintenir l'aide bilatérale »111(*). Pour le gouvernement français, la coopération radiophonique se voulait bénéfique aux deux parties, et devait s'orienter vers la promotion de la langue et la culture métropolitaine, pense Yvon Bourges, Secrétaire d'État aux affaires étrangères, chargé de la coopération devant l'Assemblée: Le premier objectif de notre département est de favoriser la pénétration de la langue et de la culture françaises. La coopération n'est pas une entreprise intéressée au sens égoïste du terme, mais il ne peut s'agir ni de gaspillage, ni de prodigalité112(*). La coopération radiophonique allemande se voulait pratique. Elle était orientée vers le secteur agricole. Cela tenait au fait que le Cameroun post-colonial était essentiellement agricole. L'agriculture avait trouvé un terrain d'expression au Cameroun, car le pays présentait un climat tropical au Nord, et un climat de type équatorial au sud. Ces deux grands ensembles climatiques chauds étaient propices au développement de l'agriculture. En plus, les populations vivaient des produits agricoles. Ceux-ci étaient utiles pour leur alimentation. Bien plus, l'Allemagne entendait promouvoir la pratique d'une agriculture intensive, dont la production devait être destinée à l'exportation en direction du pays d'Hitler. C'est la raison pour laquelle le gouvernement allemand avait axé sa coopération radiophonique sur la satisfaction des besoins des populations du milieu rural. Pour ce faire, le gouvernement allemand avait opté pour la diffusion d'émissions en langues locales. C'est l'idée qu'exprime André Jean Tudesq, lorsqu'il affirme: La coopération radiophonique allemande [portait] surtout sur les masses paysannes par le biais de la radio rurale favorisant l'utilisation des langues locales et attachant peu d'importance à la diffusion de sa culture113(*). * 109 P. Cadenat, La France et les Tiers-Monde, Vingt ans de coopération bilatérale, Paris, La documentation française, Notes et études documentaires, 1983, p. 57. * 110 Article 3 al.2 de la Convention de coopération radiophonique entre le Cameroun et la France, pp. 648-649. * 111 Georges Pompidou, Premier ministre français, Discours à l'Assemblée Nationale Française, Journal Officiel du 10 juin 1964, p. 1785. * 112 Yvon Bourges, Secrétaire d'État aux affaires étrangères, chargé de la coopération devant l'Assemblée, Discours prononcé le 25 octobre 1967, in Edmond Jouve, Relations Internationales du Tiers-Monde, Paris, Berger-Levrault, 1976, p.318. * 113 A. J. Tudesq, La radio en Afrique noire, Paris, Pédone, 1983, pp. 131-132. |
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