La radiodiffusion au cameroun de 1941 à 1990( Télécharger le fichier original )par Louis Marie ENAMA ATEBA Université de Yaoundé I - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011 |
I.2. La radio nationale et le système mondialLa radio nationale du Cameroun subissait l'influence des sources d'informations externes. Elle était une voie d'exportation culturelle, et recevait l'aide des radios occidentales.
I.2.1. Le rôle des sources d'informations internesLe système de diffusion d'informations de la radio nationale du Cameroun était constitué des sources, qui l'alimentaient. La radiodiffusion du Cameroun tirait ses informations des agences d'informations mondiales et internationales. Radio-Cameroun tirait l'essentiel de ses informations africaines et internationales des agences mondiales114(*). Au Cameroun, la réception et la distribution d'informations incombaient à l'État. Ainsi, les informations étaient gérées par la SO.PE.CAM. En effet, aux termes de la loi n°77/17 du 6 décembre 1977, la SO.PE.CAM. était compétente pour assurer au Cameroun l'exclusivité d'un service constant d'informations mondiales par convention ou alliance avec les agences étrangères. Le même article disposait dans son alinéa 2 : « Sauf autorisation donnée par décret, nul n'a le droit de détenir des installations radioélectriques ou autres ayant pour but la captation, notamment au moyen de baies de réception, d'émissions de nouvelles d'agences étrangères en vue de leur utilisation large ou restreinte ». La SO.PE.CAM. avait souscrit des abonnements auprès de trois des cinq grandes agences internationales: l'A.F.P., pour des services en français et en anglais; Reuter, pour des services économiques; T.A.S.S. Fondée par le gouvernement soviétique en 1925, l'agence T.A.S.S. était publique. Elle était le porte-parole de l'Union soviétique, et assurait la construction du communisme à l'intérieur du pays, et son rayonnement à l'extérieur115(*). En revanche, les quatre grandes agences de l'Occident prétendaient être impartiales, dans le cadre de la concurrence contre la T.A.S.S. La concurrence s'appliquait à l'information et aux autres domaines de la vie économique et sociale. Henri Pigeat, directeur général de l'A.F.P., avait proclamé la neutralité de celle-ci, en ces termes : « Les obligations qui lui incombent sont l'exactitude et l'objectivité de l'information, l'indépendance à l'égard de toute influence »116(*). Mais l'impartialité et l'objectivité des informations fournies par des agences de presse occidentales avaient été mises en cause, en raison des conquêtes politiques et territoriales qui avaient présidé à leur expansion et à leur essor. En effet, l'expansion et l'émergence du télégraphe sans fil s'étaient produites dans les pays développés au XIXe siècle. De ce fait, les puissances occidentales étaient entrées dans leur deuxième ère impériale. La dépendance de la radiodiffusion du Cameroun vis-à-vis des agences occidentales d'information expliquait les insuffisances quantitatives et qualitatives de la page étrangère de son journal. Sur le plan quantitatif, les agences d'information occidentales s'intéressaient très peu à l'actualité du Tiers-Monde. Sur le plan qualitatif, il se posait le problème de l'image des pays du Tiers-Monde en général, caractérisée par des turbulences socio-politiques (guerres civiles, coups-d'États, etc.). En plus, les dépêches de ces agences avaient quelques fois un caractère ethnocentrique et idéologique. En effet, ces dépêches passaient directement des téléscripteurs à l'antenne. Ce qui contraignait les Camerounais à se plier à une vision du monde autre que la leur. Par conséquent, la radio accentuait l'extraversion de la nation, d'autant plus qu'elle perpétuait la domination de la France, par le biais de la coopération, qui entretenait l'exportation de sa culture en direction du pays. La coopération culturelle était le deuxième type d'alliance signée entre la radio nationale et les sources d'informations étrangères. Établie à Paris le 5 mai 1963, la convention radiophonique entre la France et le Cameroun découlait de l'accord de coopération culturelle de 1960, actualisé le 21 février 1974117(*). L'élaboration des programmes était de la compétence du gouvernement. L'accord de coopération de 1974 avait confié à l'O.CO.RA. les prestations sur la formation du personnel, l'envoi des programmes, l'approvisionnement en matériel. Cette coopération entre l'ancienne puissance tutrice et le Cameroun découlait des liens historiques établis par le pacte colonial.
La coopération culturelle, comme la colonisation, donnait à la France l'occasion d'accomplir sa « mission civilisatrice » envers le Cameroun. Son besoin de rayonnement pouvait être assouvi à travers ses liens avec le pays. Convaincue d'être investie d'une mission à leur égard, elle s'estimait susceptible de leur apporter un mode d'expression et une méthode de pensée118(*). Le désir de rayonnement de la France avait été affirmé par les théoriciens de la coopération et le gouvernement de la métropole. C'est l'idée qui se dégage du rapport de Jeanneney, en ces termes : « La France désire, plus que toute autre nation, diffuser au loin sa langue et sa culture »119(*). Les accords de coopération culturelle entre la France et le Cameroun nouvellement indépendant avaient été influencés par cette volonté de l'ancienne métropole d'assurer à sa culture et à sa langue une diffusion large, face au rayonnement international de l'anglais. Les médias français, et plus singulièrement la radio nationale, étaient des instruments de cette politique d'expansion culturelle. Selon la loi française du 7 août 1974, la radio participait à la diffusion de la culture métropolitaine dans le monde. Elle veillait à la qualité et à l'illustration de la langue française120(*). R.F.I. était l'un des organismes d'exécution de la coopération franco-africaine dans le domaine de la radiodiffusion121(*). Elle avait pour domaine d'action la fourniture des programmes. Au sein de ses services, il avait été prévu une section chargée de la production d'émissions de coopération, et une autre compétente pour assurer la formation des cadres.
Les actions de coopération de R.F.I. en matière de programmes se traduisaient par des prestations gratuites, réalisées à Paris, et envoyées à la radio nationale. La coopération radiophonique était fondée sur l'aide à la production, à la création, et à la mise en valeur du patrimoine culturel du pays. L'aide à la production consistait en la mise à la disposition de la radiodiffusion du Cameroun des éléments écrits et sonores ne pouvant être obtenus localement. C'est ainsi que le monitoring servait de véritable agence de son, proposant des synthèses d'actualité, établies sur la base des dépêches d'agences, ou de correspondances réalisées à partir du Cameroun. Au Cameroun, sept stations et une école de journalisme bénéficiaient des prestations de R.F.I. : le P.N.; Radio-Centre-Sud; Radio-Bafoussam; Radio-Bertoua; Radio-Douala; Radio-Buea; Radio-Garoua; l'E.S.S.T.I. Par la suite, R .F.I. avait entrepris la réduction de la fourniture gratuite des programmes, au bénéfice des coproducteurs. C'est ainsi que l'émission « Mémoire d'un continent » était coproduite avec la radio nationale ; R.F .I. servant alors de lien technique. Les programmes de coopération avaient pour support exclusif la langue française. Il n'a été envisagé la production en langues camerounaises. Mais dans son article 3, la convention de coopération entre la France et le Cameroun disposait : « Les parties contractantes s'engagent à mettre leurs radiodiffusions au service d'une meilleure connaissance mutuelle des deux pays et du rayonnement de leur culture commune ».
Afin que la radio nationale puisse jouer son rôle, et que son fonctionnement harmonieux soit garanti, les pouvoirs publics camerounais s'étaient pliés à l'influence des radios occidentales.
* 114 Cinq grandes agences dominaient le marché mondial de la collecte et de la vente des informations à l'échelle internationale. L'une était soviétique, et était appelée « Agence T.A.S.S. » Les quatre autres appartenaient à l'Occident : deux américaines, respectivement « Associated Press » et « United Press International » ; une britannique, à savoir « Reuter », et l'autre française, appelée « Agence France Presse », la plus ancienne. * 115 H. Pigeat, « La situation juridique internationale des agences de presse », in Colloque de Strasbourg, La circulation des informations et le droit international, Paris, Armand Pedore, 1978, pp. 295-319. * 116Henri Pigeat, « La situation ... », pp. 295-319. * 117En ce qui concerne les clauses de cet accord définissant le cadre théorique d'échanges de programmes entre les deux pays, voir le volume 1 de la thèse de Michel Tjadé Eonè, p.396. Lire aussi le texte intégral de la Convention de coopération radiophonique figurant dans les annexes du volume 2 de thèse du même auteur, p. 647. * 118 Patrick Cadenat, «La France et le Tiers-Monde, Vingt ans de coopération bilatérale », La documentation française, n°4701-4702, 14 janvier 1983. * 119 Rapport Jeanneney, « La politique de coopération avec les pays en voie de développement », Paris, la documentation française, 1964, p. 62. * 120 Loi française du 7 août 1974, « Le régime de la Radio-Télévision Française », in F. Balle, « Étude de radio-télévision, R. T. B. F. », n° 27, Statut, mai 1980, p. 164. * 121 Les autres organes spécialisés dans la gestion de la coopération franco-africaine étaient : le F.A.C., compétent pour gérer les financements des équipements et la fourniture de bourses de formation; T.D.F., en charge des installations des émetteurs et de la fourniture des pièces détachées; l'I.N.C.A., chargée de la formation des personnels. |
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