Conclusion
Les marchés entrent dans une phase où le manque
de collatéral devient un sujet de préoccupation majeur, notamment
en Europe. Les raisons à cette crise du collatéral sont
multiples. Pour couvrir leurs risques (de taux, de devise, de contrepartie,
...) un nombre croissant d'acteurs tels que les banques mais aussi les
entreprises ou les fonds d'investissement ont eu davantage recours aux
dérivés de gré à gré. Le
développement de ces instruments a fortement accru ces dix
dernières années l'utilisation de titres et d'espèces pour
sécuriser les opérations.
L'autre facteur qui a conduit à la pénurie de
collatéral est la crise financière de 2007-2009. Dans un contexte
d'incertitude et de méfiance les banques se sont
détournées pour leur refinancement des marchés non
sécurisés (tel que le marché monétaire) et leur ont
préféré des prêts sécurisés,
c'est-à-dire des repos. D'autres agents économiques, qui
n'arrivaient plus à obtenir des crédits des banques (entreprises,
hedges funds) se sont également tournés vers ce marché.
L'augmentation des émissions obligataires sécurisées
(covered bonds) participe également de cette tendance vers les produits
garantis.
Les prêteurs de liquidité ont donc exigé
du collatéral mais ils ont également durci les critères
d'éligibilité des garanties, soit en n'acceptant que certains
titres très bien notés ou en appliquant aux autres titres des
décotes (haircuts) plus importantes. La conséquence a
été une demande croissante pour des actifs sûrs et
concernant les décotes, l'augmentation des montants de collatéral
à transmettre.
La crise a également mis en lumière le manque de
réglementation de certaines activités ou instruments (le shadow
banking) ainsi que le risque systémique de grands établissements.
Pour faire face à la forte croissance des dérivés de
gré à gré qui se négocient en dehors des
plateformes réglementées, les pays du G20 ont
décidé de faire intervenir les contreparties centrales pour la
compensation des dérivés OTC standardisés. Ainsi,
après la mise en application des lois Dodd-Franck et Emir, des montants
importants de collatéral de très bonne qualité devront
être transmis aux CCPs pour constituer les marges initiales. Si l'impact
sera faible pour les hedges funds déjà habitués à
verser de telles marges pour leurs opérations bilatérales, il en
sera autrement pour les acteurs qui sous-collatérisaient leurs
opérations.
Ce nouveau collatéral ne pourra pas venir d'une
réutilisation plus importante des titres en circulation car à la
suite de la faillite de certains brokers, les clients exigent une
ségrégation des actifs donnés en nantissement. D'autre
part, le collatéral transmis aux contreparties centrales ainsi les
titres liquides et de bonne qualité que devront détenir les
banques pour répondre aux ratios de liquidité Bâle III
seront autant d'actifs qui resteront bloqués et sortiront de l'offre en
collatéral.
Nous avons enfin vu qu'avec la crise des dettes souveraines en
Europe, le collatéral de bonne qualité à savoir les titres
d'Etat notés AAA vient à manquer. La demande est tellement forte
que certains pays émettent des obligations à des taux
négatifs. La banque centrale européenne est la première
institution financière à prendre des mesures pour faire face
à la pénurie de collatéral, en assouplissant les
critères des titres qu'elle accepte en échange de ses
opérations de refinancement. L'autre solution pour les banques est
d'améliorer leur gestion du collatéral soit de manière
interne ou externalisant cette fonction pour les petits établissements.
Les filières de gestion des titres des banques, les dépositaires,
les établissements compensateurs ainsi que les prime-brokers se
positionnent sur ce marché qui risque de prendre de l'ampleur dans les
mois et années à venir.
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