§2 - Les patients dont la mesure de soins
psychiatriques fait suite à une déclaration
d'irresponsabilité pénale
Les patients ayant fait l'objet d'une décision
d'irresponsabilité pénale par une autorité judiciaire se
voient appliquer un régime particulier quant au contrôle de la
mesure de soins sans consentement et à sa mainlevée. Mais qu'est
ce que l'irresponsabilité pénale ? Elle est définie par
l'article 122-1 du Code pénal lequel énonce que « n'est
pas
83 Conseil const. décision n°2012-235
QPC du 20 avril 2012 Association Cercle de réflexion et de proposition
d'actions sur la psychiatrie
84 L'article L.3213-8 du Code de la santé
publique.
85 Communiqué de presse du Conseil
constitutionnel - 2012-235 QPC.
48
pénalement responsable la personne qui était
atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » L'article
poursuit en précisant que la personne atteinte d'un tel trouble demeure
punissable, mais que la juridiction prend en compte son état psychique
lors de la détermination de la peine. Il faut donc que la personne
subisse un trouble lié à une pathologie psychiatrique
avérée, ou au moins, des troubles tels qu'ils sont de nature
à perturber son jugement ou le contrôle de ses actes. Ensuite, il
faut pouvoir discerner ce trouble au moment des faits, ce qui n'est pas
évident pour les experts, si l'on tient aussi compte du fait que la
plupart du temps, les crimes sont commis lors d'un contexte environnemental et
donc émotionnel particulier, qu'on ne retrouve pas forcément au
moment de l'examen du sujet.86
Ainsi, lorsqu'un jugement ou un arrêt prononce
l'irresponsabilité pénale d'un individu pour cause de troubles
mentaux, il peut dans le même temps ordonner l'admission de celui-ci en
soins psychiatriques sous la forme de l'hospitalisation
complète87. Une expertise doit toutefois confirmer que la
personne nécessite des soins en raison de la nature de ses troubles et
qu'elle est susceptible, du fait de ceux-ci, de porter atteinte à la
sûreté des personnes ou à l'ordre public.
Les autorités judiciaires avertissent alors la
commission départementale des soins psychiatriques ainsi que le
préfet. Ce dernier ordonne sans délai la production d'un
certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel
de la personne au vu duquel il pourra décider de prononcer son admission
en soins psychiatriques. 88
La procédure est également particulière
concernant la levée de la mesure : le psychiatre qui a connaissance que
son patient fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité
pénale ou qu'il a fait l'objet d'une telle déclaration depuis
moins de dix ans en informe le directeur de l'établissement qui transmet
l'information au préfet. Comme dans le cas des patients
séjournant ou ayant séjourné en UMD, le préfet ne
peut lever la
86 JONAS (C), Majeurs protégés -
Dispositions communes à toutes les protections - Rôle du
médecin, V. JCl. Civil Code, Art. 414-1 à 414-3, fasc. 10
87 Article 706-135 du Code de procédure
pénale.
88 Article L.3213-7 du Code de la santé
publique.
49
mesure avant d'avoir obtenu l'avis du collège de
soignants89complété par deux avis concordants de deux
psychiatres qui n'appartiennent pas à l'établissement d'accueil.
Le préfet doit aussi faire appel au collège de soignants lorsque
le psychiatre traitant propose une prise en charge sous une autre forme que
l'hospitalisation complète et même lorsque celui-ci n'envisage que
la modification du programme de soins.
Dans le cadre du contrôle de la mesure de soins faisant
suite à une déclaration d'irresponsabilité pénale
d'un patient, que l'on se trouve dans le cadre d'un recours facultatif ou
systématique, le JLD doit disposer de davantage de pièces que
lors d'un contrôle commun. En effet, il fonde sa décision sur
l'avis motivé du collège de soignants (qui doit soigner sa
motivation et faire preuve de rigueur et de précision) ainsi que des
conclusions de deux experts en psychiatrie dans le cas où il envisage de
lever la mesure d'hospitalisation complète.
La décision du Conseil constitutionnel du 20 avril
201290 emporte aussi des conséquences sur le régime
renforcé applicable aux personnes ayant été
déclarées pénalement irresponsables. Si le nouveau
régime créé par la loi du 5 juillet 2011a pu être
contesté en ce qu'il soumet à des règles
différentes des patients se trouvant dans une même situation, le
Conseil n'a pas pour autant remis en cause cette différence de
traitement dans sa décision du 20 avril 2012. En effet, il affirme
« qu'en raison de la spécificité de la situation des
personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble
mental ou qui présentent, au cours de la hospitalisation, une
particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir
de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans
consentement dont ces personnes font l'objet. » Si le Conseil
approuve le renforcement du régime en raison de la potentielle
dangerosité de ces personnes, il relève néanmoins
l'insuffisance de garanties légales encadrant ce dispositif.
Toutefois le Conseil fait une distinction entre la situation
des personnes faisant l'objet de soins sans consentement ordonnés par
une juridiction d'instruction ou de jugement et la situation des personnes
faisant l'objet de soins sans consentement ordonnés par
l'autorité administrative. Dans le premier cas, les Sages ont
considéré qu'il n'y avait pas lieu de
89 Voir supra : §1 de la présente
Section.
90 Cons.constit. décision n°2012-235
QPC du 20 avril 2012 Association Cercle de réflexion et de proposition
d'actions sur la psychiatrie
50
prononcer l'inconstitutionnalité du texte qui le
prévoit puisque l'hospitalisation est prononcée à l'issu
d'un débat contradictoire et susceptible de recours.
En revanche, en ce qui concerne la seconde situation,
l'autorité judiciaire informe le préfet que tel individu fait
l'objet d'une irresponsabilité pénale, ce qui constitue un simple
« dispositif d'alerte », à charge pour le préfet de
prononcer par la suite une admission en soins psychiatriques. Selon
l'association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la
psychiatre, ce régime juridique particulier prévu par l'article
L.3213-7 n'est déterminé que par la simple transmission de
l'autorité judiciaire à l'autorité administrative. Le
problème, c'est qu'il n'existe en réalité aucune
véritable procédure établie et adaptée à la
situation, qui formaliserait plus clairement la différence de traitement
91. Le Conseil relève par conséquent l'absence de
garanties légales suffisantes et considère que cette transmission
engendre de fait « des règles plus rigoureuses que celles
applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins
psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins.
» Il en résulte que le paragraphe II de l'article L.3211-12 du Code
de la santé publique est déclaré contraire à la
Constitution.92
Un régime dérogatoire s'applique ainsi aux
patients séjournant en unité pour malades difficiles ainsi qu'aux
patients pénalement irresponsables. Il existe une autre catégorie
de patients particuliers pour lesquels il est intéressant d'aborder la
question de la prise en charge psychiatrique, celle des personnes
détenues.
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